- 24 mars 2020 (Nemrod)

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Les Jeux olympiques de Tokyo sont reportés d’un an.


Moi : « Salut !… Je te dérange ?

Elle : — Das Herz, der Hund, das Haus.

Moi : — Je peux te dire un mot ?

Elle : — Ja, bitte.

Moi : — Aujourd’hui, une semaine après le début du confinement, je t’annonce que je passe en mode survivaliste.

Elle : — Très bien. Et ?

Moi : — Désormais, je vais chasser moi-même ma nourriture et apprendre à me débrouiller seule en cas de panne d’électricité.

Elle : — Ah. T’as pas trouvé tout ce que tu voulais hier au supermarché ?

Moi : — Non, impossible de mettre la main sur des pamplemousses. Ma mère m’a dit au téléphone qu’il y avait le même problème chez elle à Hazebrouck.

Elle : — Et donc ? Tu vas te mettre à chasser le pamplemousse autour de la résidence ?

Moi : — Mais non, sotte ! Ça fait longtemps qu’on ne rencontre plus de pamplemousses à l’état sauvage dans nos contrées. Mais cet exemple montre qu’on ne sait jamais.

Elle : — Toi, tu commences à avoir les chocottes.

Moi : — Non, mais je pense qu’on doit être prévoyant dans la vie. Ce n’est pas du jour au lendemain que je vais apprendre les techniques de survie, alors autant m’y mettre maintenant avant que la situation ne s’aggrave.

Elle : — Ah, bravo. Merci pour l’info. Comme manger n’est pas tout à fait mon problème, tu m’excuseras, mais je dois réviser ma leçon. Wo sind die Toiletten bitte?

Moi : — Tu ne me demandes pas ce que je vais faire ?

Elle : — Mmm si… Et alors, qu’est-ce que tu vas faire ?

Moi : — Je me demande si je vais pas me lancer dans le commerce de pulls en poils de chien.

Elle : — J’ai dû rater un truc. Tu peux répéter ?

Moi : — Eh bien, le seul gibier à chasser dans le coin sont les animaux domestiques, et je me propose de faire quelque chose avec leur peau ou leurs poils. Zéro déchet, zéro gaspillage.

Elle : — Super. Et t'as calculé combien de chiens il fallait pour faire un pull ?

Moi : — Oui. Dans la vingtaine. Plus ou moins. À moins que je tombe sur un Saint-Bernard. Attends, je vais regarder sur mon smartphone… Ah, voilà ! “Les races au poil long et fin, comme le Westie, le Shih Tzu, le Lasso Apso, le Coton de Tuléar et même le Cocker ont besoin d’une tonte régulière.” C’est des chiens, ça ? On dirait des noms de cocktails !... Bon, ça m’avance à pas grand-chose, je ne connais que le cocker dans tout ça.

Elle : — Eh ben c’est pas gagné : c’est pas un quartier à cockers ici. En plus tu pourrais choisir une autre race, genre bouvier des Flandres.

Moi : — C’est vrai. Ça fait laineux. Et il y a plus de viande, si on fait un méga-barbecue.

Elle : — Heu ? Tu comptes manger des chiens ?

Moi : — Écoute, ce n’est jamais que le début du confinement, et hier, il y avait quand même beaucoup de rayons vides au supermarché. Note bien qu’en Chine, on les mange, les cabots.

Elle : — Chuis pas sûre que les régimes alimentaires chinois aient tellement la cote en ce moment. Alors, méfiance ! Et donc, le plan, c’est de t’attaquer à tous les animaux, ou seulement les chiens ?

Moi (réfléchissant) : — On ne va pas s’en tenir aux seuls chiens.

Elle : — Dans ce cas, je te signale les lapins dans l’hippodrome d’à côté.

Moi : — Ah d’accord… Hier, quand tu m’as parlé d’une mère lapin… Je comprends mieux d’où tu les connais, ces bestioles…! Mais comment tu les vois d’ici ?

Elle : — Parce que tu crois que la haie les arrête, surtout la nuit ?

Moi : — Oh ? J’avais pas pensé à ça… Et donc, nous vivons à côté d’une plaine giboyeuse où gambadent joyeusement de bons petits plats potentiels…

Elle : — C’est ça, tu vois qu’il y a de la ressource.

Moi : — … mais complètement fermée au public en ce moment, comme tous les parcs urbains de France et de Navarre depuis le 17 mars.

Elle : — Eh bien ? Tu voulais du sport, tu vas en avoir : tu escalades la haie, et le tour est joué. Je peux te dire qu’avec le calme qu’il y a en ce moment, c’est la fête aux lapins : ils galopent dans tous les coins.

Moi : — Tu crois que ça le ferait, si je mettais des pièges dans la pelouse ?

Elle : — Chais pas. À discuter avec le syndic de la copropriété.

Moi : — J’ai lu sur le Net qu’un des buts du survivalisme, c’est de tout rentabiliser au maximum. Par exemple, il est possible de confectionner du saindoux avec du gras de chien. Potentiellement intéressant si les gens continuent à provoquer des pénuries. Réactivité et créativité, tu vois.

Elle : — Parfait. Mais au fait, pourquoi tu viens me raconter tout ça ?

Moi : — Ben, à quoi servent tes pare-chocs ?

Elle : — Aaaah non ! Pas question de renverser ou de tuer quelqu’un – à part les chats bien sûr.

Moi : — Les chats ! Bien sûr ! Je savais que j’oubliais un truc capital. Les chats…! Avec leur peau, on pourrait faire des strings, par exemple. De la lingerie en poil de chat, pour les soirées post-apocalyptiques.

Elle : — Il me semble que tu m’avais dit que tu étais allergique aux poils de chat.

Moi : — Oui, c’est vrai. Zut. Je mets les chats de côté… D’autant qu’un string en poils de chat, à part exciter un taxidermiste, je vois pas trop l’intérêt. »

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