- 25 mars 2020 (Carême)

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Plus de 400 000 cas déclarés de coronavirus dans le monde. La Chine commence à envisager la fin du confinement ; l’Inde ordonne trois semaines de confinement à ses 1,3 milliard d’habitants.

Moi : « Ça y est, j’ai trouvé un stage de survie sur Internet.

Elle : — Mmm, j’espère que ça vaut la peine de m’interrompre dans mon apprentissage des auxiliaires allemands.

Moi : — Ah bon, tu attaques le dur ?

Elle : — Ja, ich habe einen Bruder. Ich bin krank. Ich werde intelligent.

Moi : — Ouais, sympa. Mais tu sais, je comprends rien.

Elle : — Alors, ce stage ?

Moi : — Je te lis, j’ai imprimé la brochure. Ça s’appelle Maxi bite et grand couteau. Cinq jours en Périgord Noir dont trois nuits en bivouac.

Elle : — C’est où, le Périgord Noir ? C’est loin de la Somme ?

Moi : — Juste un peu plus loin, dans le Sud-Ouest.

Elle : — Y a pas comme un problème ?

Moi : — Où ça ?

Elle : — Un stage de survie à l’autre bout de la France, pendant un confinement total : y a rien qui te choque ?

Moi : — T’inquiète, ils se sont adaptés. En visio, comme tout le monde.

Elle : — Le Périgord Noir, mais chez soi ? OK… Et sinon, pourquoi un stage avec un maxi bit ? C’est une formation en cybersécurité ?

Moi : — Hein ?

Elle : — Bit. En informatique. Huit bits, un byte. C’est offert quand t’as fini, un couteau et de la mémoire vive ?

Moi : — Non mais non, bite avec un E ! C’est… C’est une expression. Une bite, c’est chez les hommes, et… Hem, voilà ce qu’ils disent : “Le concept de ce stage est très simple : survivre avec uniquement sa bite et son couteau.” Ça veut dire… Heu, peu importe, c’est une formule choc. Ils allaient pas dire Chiffe molle et canif, tu comprends ? Ça fait rustique, viril, mais en même temps humain… La force du chêne, la délicatesse du gland, tu vois…

Elle : — Classieux ! Tu vas donc t’embarquer dans un truc réservé aux mecs ?

Moi : — Ils disent que le stage est bien évidemment ouvert aux femmes.

Elle : — Ouf, j’ai eu peur.

Moi : — Attends un peu le programme. Je te lis ça. “1er jour : 8h, réveil : petit déjeuner (non fourni), café offert.”

Elle : — Généreux de leur part. T’as le droit d’apporter tes croissants ?

Moi : — Ce serait le minimum. Après tout, on n’est pas obligés d’être à fond les manettes dès le départ. Alors… “8h30 : départ du camp de base pour le lieu du bivouac, orientation, observation de la flore locale, gestion du stress, cueillette et transport d’eau.”

Elle : — Observation de la flore ? Avec tes plantes sur le balcon, ça va faire juste.

Moi : — Quelle rabat-joie… Tu oublies la haie. On a une biodiversité insoupçonnée dans le coin.

Elle : — Et tu vas collecter l’eau dans quoi ? Le fond d’une bouilloire ?

Moi : — T’as pas compris que ce stage est avant tout un état d’esprit. Laisse-moi continuer. Écoute plutôt ça : “13h : choix d’un lieu adéquat pour monter le bivouac…”

Elle : — Pas sur mon gazon s’il te plaît.

Moi : — “…Initiation aux techniques pour faire du feu (sans allumette ni briquet). 16h30 : atelier fabrication et maniement d’armes (arc, flèche, harpon, etc.). 17h30 : départ d’une expédition. 18h30 : repas autour du feu constitué uniquement des fruits de la pêche, chasse et collecte de l’après-midi.”

Elle : — Ouh, ça sent le repas frugal à base de moineaux. C’est dur après les croissants. Et puis avec quoi tu fais ton feu, ton arc, tes flèches ? Tu vas pas ruiner les cerisiers du Japon de la résidence, si ? Et l’expédition ? Vous allez faire ça dans le garage à vélos ?

Moi : — Ce serait intéressant de savoir où ça mène, tout ça…

Elle : — Bah, directement au vélo de ville six vitesses de ta voisine du dessus.

Moi : — Je parlais du stage…

Elle : — Chais pas, moi ! T’as besoin de tout ça pour débusquer des pamplemousses ?

Moi : — Voyons, la dernière journée, qu’est-ce que ça donne ? “4e jour : 12h, fabrication de corde. Atelier brancardage. Apprendre comment être localisable en se servant du feu. 13h : sensibilisation aux gestes de premier secours.”

Elle : — Y a clairement un truc qui se passe entre le début et la fin.

Moi : — “19h : repas autour du feu constitué uniquement des fruits de la pêche, chasse et collecte de l’après-midi. Atelier brancardage (à nouveau !) ET porté de blessé. 20h, veillée : récit, impressions, cohésion du groupe. Gestion de la fatigue et du manque d’eau et de nourriture.” Ça s’arrête là. Le tout pour 395 euros TTC, dont un euro versé pour la reforestation.

Elle : — Après avoir ravagé les bosquets pour faire du feu, construire son abri, confectionner des frondes et des brancards, c’est bien la moindre des choses…

Moi : — Évidemment, tout est adapté pour l’appartement : descente en rappel du balcon, bivouac en plein air quand c’est possible – terrasse, toit…

Elle : — …Pas la pelouse…

Moi : — …Éclairage à la lampe à huile…

Elle : — Tu vas ruiner ta réserve d’huile de sésame pour ça ?

Moi : — “Si l’exposition des fenêtres ou des balcons le permet, il est assez facile de faire un récupérateur d’eau de pluie. Si on est dégoûté de boire de l’eau de pluie, elle peut servir pour se laver, à la cuisine, dans les toilettes.”

Elle : — J’ai le souvenir d’avoir trimballé des packs d’eau récemment. Enfin, je dis ça…

Moi : — Tu sais pas le plus beau ? Il y avait un salon du survivalisme qui devait se tenir à Paris le week-end dernier. Ils ont dû annuler.

Elle : — C’est ballot, ça. Pour une fois qu’il y a une véritable catastrophe en cours, les survivalistes auraient pu se tester… Ich kann, du kannst, er kann, wir können, ihr könnt, sie können… »

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