- 29 mars 2020 (Mathusalem)
Un couple de Sud-africains a couru un marathon sur le balcon de son appartement à Dubaï et prévoit de porter le projet à une plus grande échelle pour aider les gens à combattre le blues du nouveau coronavirus.
Elle et l’autre : « O Tannenbaum, o Tannenbaum,
Wie treu sind deine Blätter!
Du grünst nicht nur zur Sommerzeit,
Nein auch im Winter wenn es schneit.
O Tannenbaum, o Tannenbaum,
Wie grün sind deine Blätter! 1
Moi : — Merci pour la chanson d’accueil… C’est en quel honneur ?
Elle : — On est dimanche. Franchement, il te faut une autre raison ?
L’autre : — On a décidé de célébrer certains jours, comme ça. C’est pour le changement d’heure.
Elle : — Tu te rends compte que le monde est divisé en deux : y a ceux dont l’horloge de voiture est enfin à l’heure, et ceux dont l’horloge sera en retard pour six mois ?
Moi : — Pas faux. Bon, les filles, votre idée de chanson n’est pas mauvaise, mais vous savez que vous êtes hors saison ? C’est quoi, le plan ? Vous voulez faire décalé ? Ou retrouver l’esprit de Noël au mois de mars ?
Elle : — On se demandait si ça n’allait pas faire revenir le mois de décembre…
L’autre : — Et puis ainsi on pourrait peut-être recommencer l’année 2020…
Elle : — Parce qu’elle est assez mal partie pour le moment.
Moi : — C’est plutôt vrai, mais on ne peut pas rembobiner les semaines et les mois comme ça.
Elle : — C’est bien dommage.
Moi : — Et puis si c’est pour revivre le même film…
L’autre : — Non, ce n’est assurément pas le but.
Moi : — Quand je pense qu’au mois de janvier, on pleurait sur des koalas brûlés…
L’autre : — C’était il y a longtemps…
Elle : — 2020, c’est une année avec un abonnement à la poisse…
Moi : — Les plus malchanceux du lot, ce sont les footballeurs du PSG. Pour une fois qu’ils gagnent un 8e de finale, y a plus de Ligue des Champions. Ça, c’est vraiment la scoumoune. (Un silence) Bon, maintenant, il va falloir que vous m’expliquiez une chose, Madame von Zäpfchen. Pourquoi avez-vous prétendu pendant tout ce temps ne pas savoir parler français ?
L’autre : — Je ne voulais pas que l’on m’ennuie.
Moi : — Si ça peut vous rassurer, il n’y a pas grand-monde qui parle aux voitures.
L’autre : — J’ai remarqué. Cela dit, je voulais quand même préserver mon intimité. C’est important, quand on a un certain standing, de se protéger.
Elle : — Ça y est, elle remet ça !
L’autre : — Ce n’est pas de ma faute si nous ne sommes pas du même monde, ma chère.
Elle : — Et moi, je me suis laissée dire que les Allemandes, ça suce beaucoup, alors hein…
Moi : — “Ça consomme beaucoup”, on dit. Ne parle pas des Allemandes ainsi. Quant à vous, j’ai vu des voitures d’occasion plus modestes !
Elle : — C’est quoi, une occasion ?
Moi : — On appelle voiture d’occasion une voiture dont toutes les pièces font du bruit, sauf le klaxon.²
L’autre : — Ah non, certainement pas. Je ne suis pas de cette engeance.
Moi : — Ça alors, j’en crois pas mes oreilles ! J’ai rarement vu un amas de tôles aussi suffisant !
L’autre : — Pardon, mais je vous rappelle que sans moi et mes pairs, votre pitoyable hexagone n’aurait jamais connu l’ivresse d’un vrai moteur noble. J’incarne l’excellence germanique dans son écrin le plus épuré.
Moi : — Je m’en vais te la calmer, moi, la Teutonne ! (Tapotant sur mon smartphone) Alors… La Porsche 924… Ah, j’ai trouvé. “Long capot, projecteurs occultables, la 924 a fière allure en 1975.”
Elle : — 1975 ? Ouah l’ancêtre !
L’autre : — Comment ça ? Je suis à peine vintage ! Nonobstant, c’est bien résumé : fière allure.
Moi (poursuivant) : — “Mais la puissance lui fait alors défaut.”
L’autre : — Ah mais excusez-moi ! La puissance ne fait pas tout ! Le couple doit être aussi présent. Pour gravir une cote un tant soit peu pentue, rien de tel que le couple…
Moi : — “Si les Porsche sont nées des Volkswagen pour s’en détacher ensuite, les deux firmes sont toujours restées très liées. Ensemble, elles mettent sur le marché la 914 en 1969, qui ne rencontre pas le succès escompté. Néanmoins, la collaboration reste de mise pour sa remplaçante qui utilisera un maximum de pièces… Volkswagen.”
Elle : — Han, c’est pas une vraie !
L’autre : — Nein! Ich bin kein Ersatzprodukt!
Moi : — “Quand la 924 sort, les spécialistes apprécient son esthétique très moderne et ses excellentes qualités routières, mais fustigent son manque de puissance…”
L’autre : — Cela suffit, non ? Vous avez l’intention de me salir encore longtemps ?
Moi (poursuivant) : — “…même si, avec sa culasse dessinée par Porsche et son injection, ce 2,0 l développe tout de même 125 chevaux.”
L’autre : — Eh bien, voilà enfin un chiffre digne d’intérêt. 125 chevaux, cela commence à avoir de l’allure… Pas comme certaines qui plafonnent à la médiocrité.
Moi : — “Seulement, la 924 apparaît comme une sous-Porsche… Ce qu’elle est, puisque fabriquée au rabais par VW !” Voilà, c’est écrit noir sur blanc. Sous. Porsche.
Elle : — Ouah la honte !!!
L’autre : — Was für eine lexikalische Abscheulichkeit! Voilà bien le type de prose haineuse qu’on trouve sous la plume frustrée de quelque gratte-papier anonyme, aigri de ne jamais avoir pu approcher autre chose qu’une Clio de location !
Moi : — Sans vouloir vous offenser, Madame von Schnitzel, vous flottez légèrement au-dessus du bitume, là…
Elle : — Faudrait que tu te reconnectes avec toi-même, quoi.
Moi (lisant toujours) : — Eh, attendez… ! Vous savez ce qu’on dit des propriétaires de Twingo sur Internet ? “Tu es une personne de goût et d’élégance, et ce choix est probablement le meilleur possible…”
Elle : — Troooop bien !
L’autre : — Ah oui ? À part jouer les anti-bolides depuis bientôt trente ans, quel a été l’apport des Twingo à l’histoire automobile ? Allez-y, répondez-moi ! »
1 Mon beau sapin, en VO
2 Pierre Dac

Annotations
Versions