Au milieu d'innombrables incertitudes, une seule certitude. . .

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Nous galopons dans la forêt, au milieu des arbres désormais nus. Le chevreuil que nous poursuivons bondit sur le tapis de feuilles recouvrant le sol pour nous échapper. Les chevaux, qui courent depuis un moment déjà, commencent à s'épuiser à vue d'oeil : ils ralentissent un peu plus le pas à chaque seconde qui passe. Je commence à croire que la bête va réussir à se sauver lorsque je vois une flèche se planter dans sa gorge ! L'animal s'effondre aussitôt, tué sur le coup.

Nous arrêtons nos montures en même temps que Robin descend d'un arbre avec son agilité et son aisance habituelles en s'exclamant :

- Je l'ai eu !

- Oui, bien joué ! le félicité-je.

- Félicitations ! ajoute mon épouse. Je pense qu'avec ce chevreuil en plus, les réserves de viande du château et du village seront pleines. Nous n'aurons donc plus à chasser avant le prochain printemps.

- Nous devrons encore tuer une bête, la rectifié-je, afin de l'offrir à la déesse Diane lors de la cérémonie de l'espoir.

- La cérémonie de l'espoir ? S'agit-il de cet événement religieux qui est célébré à Forestisle avant chaque hiver afin de prier la déesse de faire renaître la forêt au prochain printemps ?

- Vous êtes bien informée, la complimenté-je.

- Je suis fiancée à un prince de Forestisle depuis le berceau. Il est normal que l'on m'ait enseigné les coutumes de son peuple, explique-t-elle en m'adressant un doux sourire.

Je le lui rends, puis me tourne vers Robin pour lui ordonner :

- Attache cette bête à ton cheval et rentre au château avec. Nous allons chasser l'offrande destinée à notre déesse et nous te rejoindrons aussitôt.

- Vous en êtes sûr, monsieur le duc ? hésite-t-il. Les forêts ne sont jamais sûres, surtout par ces temps incertains. Je ne suis pas tranquille à l'idée de vous laisser seuls.

- Je suis tout de même capable de me défendre et de protéger mon épouse, rétorqué-je. Fais donc ce que je te dis et, surtout, fais-moi confiance. Tu as ma parole que nous reviendrons bientôt sains et saufs.

- Bien, monsieur, s'exécute-t-il enfin. Que Diane vous garde, nous souhaite-t-il avant de s'éloigner pour remplir sa mission.

- Allons-y ! lancé-je à Linaë en poussant ma monture à repartir au galop.

Elle m'imite et nous chevauchons bientôt côte-à-côte. Je me tourne vers elle et ne peux alors pas m'empêcher d'admirer sa beauté : ses cheveux dorés, qui se sont quelque peu rallongés depuis son arrivée et tombent maintenant sur ses épaules, volent au gré du vent, tandis que ses joues rosissent sous l'effet de la fraîcheur de l'automne.

Je sens les miennes virer au rouge et réchauffer mon visage, malgré la basse température du jour. C'est celle que je contemple qui me sort de cet état second en désignant quelque chose du doigt :

- Il y a un cerf, là-bas ! Ne serait-ce pas une offrande idéale pour Diane ?

J'observe l'animal qu'elle me montre et confirme :

- Oui, il est magnifique ! C'en est presque dommage de le tuer. . . ajouté-je en attrapant mon arc.

Je m'empare de l'une des flèches de mon carquois, la place correctement, puis vise ma proie et tire.

- Vous l'avez eu du premier coup ! s'exclame Linaë en constatant que le cerf tombe au sol.

Une fois arrivé à la hauteur de ce dernier, je descends de mon cheval pour m'assurer qu'il est bien mort. Je pose une main sur son corps et sens qu'il est encore chaud, mais totalement immobile. Il ne respire même plus. J'informe donc mon épouse :

- C'est fini pour lui.

- Nous pouvons rentrer, alors. Nous devons nous dépêcher si nous ne voulons pas que les autres se fassent du souci pour nous.

- Nous avons été si rapides que je suis sûr qu'ils ne s'inquiéteront pas si nous ne rentrons pas tout de suite. Apportons cette bête à l'église afin que les prêtres la préparent pour la cérémonie. Ensuite, nous pourrons tranquillement nous promener avant de retourner au château, rien que vous et moi.

- C'est entendu, dit-elle en souriant.

- Vous. . . êtes d'accord ? lui demandé-je, surpris.

- Bien sûr que oui ! s'exclame-t-elle, visiblement étonnée par ma propre surprise. Et pourquoi ne serais-je pas d'accord ?

- C'est que. . . je pensais que rien n'était plus important à vos yeux que le village et ses habitants, alors. . .

- Je n'ai jamais dit une chose pareille ! s'écrie-t-elle en sautant de selle pour s'approcher précipitamment de moi. Vous êtes tout aussi important à mes yeux que les villageois, si ce n'est plus. . . ajoute-t-elle en prenant mes mains dans les siennes. C'est juste qu'ils sont prioritaires pour le moment car ils sont menacés par la faim, la maladie et la mort, ce qui n'est pas votre cas, heureusement. . .

- Et si jamais un jour j'étais en danger de mort en même temps que nos protégés, qui serait prioritaire à vos yeux ?

Ses grands yeux bleus s'écarquillent et elle se fige subitement. Je sens ses mains trembler. Elle lâche finalement un rire nerveux en me demandant :

- Pourquoi est-ce qu'un cas aussi extrême et cruel devrait se présenter un jour à moi ? J'estime avoir suffisamment souffert par le passé pour devoir maintenant choisir celui qui survivrait entre les gens que j'aime. Je ne veux perdre aucun d'entre vous ! sanglotte-t-elle en me serrant dans ses bras. J'ai déjà suffisamment perdu par le passé ! Ça suffit !

Je lui rends aussitôt son étreinte en m'excusant :

- Je n'aurais jamais dû vous poser une question pareille, je suis vraiment désolé de vous avoir mis dans cet état ! Je m'en veux d'être la cause de vos larmes. . .

- Ce n'est pas à cause de vous que je pleure, me rassure-t-elle, mais à cause de mes craintes. Et c'est à moi de m'excuser de vous avoir fait vous sentir moins important à mes yeux que les villageois. C'est faux ! Vous êtes si cher à mon coeur que je peux ne serait-ce qu'imaginer un avenir sans vous !

- C'est pareil pour moi, me contenté-je de lui avouer.

J'appuie ma tête sur son crâne et suis aussitôt envahi par la bonne odeur parfumée de ses cheveux, que je ne peux m'empêcher d'apprécier. Je suis cependant taraudé par une question : à quelles pertes et souffrances ma femme vient-elle de faire allusion ? Moi qui pensais qu'elle avait eu une enfance heureuse et tranquille, il semblerait que je sois loin du compte. . . Enfin, d'un autre côté, si je ne suis même pas sûr de l'identité de cette jeune femme, comment pourrais-je être certain de quoi que soit concernant son passé ? En tout cas, mon épouse ne fait que confirmer mes doutes au fil du temps. Qui sait ? Peut-être finira-t-elle par se trahir et par me révéler toute la verité la concernant, mais quelle qu'elle soit, le monde peut être sûr d'une chose : je ne cesserai jamais de l'aimer.

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