Une double mission

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Je descends dans les cachots et entre dans la cellule de notre prisonnier, puis défais les chaînes du mur et les maintiens fermement dans une main, en lui ordonnant :

- Avance ! Le duc et la duchesse t'attendent.

L'homme se met debout en silence et marche lentement devant moi, d'un pas lourd, comme s'il était vidé de toute énergie. . . ou plutôt de toute volonté. . .

Je le guide jusqu'en haut de l'escalier et pose sur ses épaules une cape, en commentant simplement :

- Il fait froid, dehors. Il ne faudrait pas que tu nous fasses une hypothermie.

- Quelle importance ? dit-il en haussant les épaules. Mes jours, et peut-être même mes heures, maintenant, sont comptés, de toute façon. J'imagine que s'ils veulent me voir, c'est pour m'annoncer ma sentance.

- Tu le verras bien. Avance, maintenant, lui ordonné-je calmement en ouvrant la porte.

Nous marchons dans la neige jusqu'à atteindre le donjon. Nous nous engouffrons à l'intérieur et montons l'escalier en bois sculpté. Je le guide dans les couloirs jusqu'à la chambre de mes maîtres, à laquelle je toque. La voix du duc me parvient de l'autre côté :

- Entre !

J'obéis. La princesse Linaë est assise dans un fauteuil. Son époux se tient debout à côté d'elle. Je fais s'agenouiller le prisonnier devant eux avec douceur. La châteleine lui adresse aussitôt la parole avec son habituel sourire bienveillant :

- Bonjour. Pour commencer, j'aimerai connaître ton nom.

L'homme pousse un soupir, puis lui répond d'une voix impassible :

- Je m'appelle Fidel.

- C'est un bien joli et honorable nom, le complimente-t-elle. Dis-moi : ce groupe qui a attaqué notre village s'est-il formé pour l'occasion ou l'était-il déjà depuis bien longtemps ?

- La seconde suggestion est la bonne. Notre groupe existait depuis de nombreuses années. Je l'ai même rejoint alors que je n'étais encore qu'un gamin. J'errais seul dans les rues de ma ville natale, commettant des larçins pour subsister. Un jour, j'ai été pris la main dans le sac et les commerçants qui m'entouraient menaçaient de faire couper ma main pour me punir et donner l'exemple aux autres. C'est alors que j'ai été sauvé par cette bande et, en échange de ça, je devais me joindre à eux. Ils avaient besoin d'un membre petit, mince, rapide et agile pour certains de leurs plans de vol. J'étais le candidat idéal à leurs yeux. Comme ils m'avaient sauvé, je n'ai pas pu leur refuser ce service et je suis resté avec eux, jusqu'à hier.

- Tu as grandi aux côtés de ces hommes ?

- Oui. Ils se sont rendus coupables de crimes, c'est vrai, mais ils n'étaient pas des monstres. Ils ont veillé sur moi et pris soin de moi pendant toutes ces années. Je serais mort depuis bien longtemps sans eux. Je leur dois énormément de choses, déclare-t-il d'une voix où transparait désormais l'émotion.

- Je comprends, affirme la duchesse d'un air ému.

- Écoute, intervient le duc de Westforest, ma femme et moi nous sommes concertés et avons décidé de t'accorder une nouvelle chance.

Les yeux bleus, où plutôt le seul qui nous est visible, l'autre étant caché sous ses cheveux bruns, de notre prisonnier s'écarquillent. L'incrédulité et l'espoir se lisent dans son regard.

- Nous réalisons, lui explique la jeune femme, que la vie n'a jamais été facile avec toi. Aussi, nous souhaitons t'accorder une chance de prendre un nouveau départ pour une existence honnête.

- La saisis-tu ? lui demande l'homme à la chevelure châtain clair.

- Oui ! s'exclame-t-il avec des yeux brillants de larmes. Oui, bien sûr, mais. . . Quelle est cette nouvelle existence ?

- Tu vas simplement entrer à notre service, lui annonce le duc. T'engages-tu à nous servir loyalement jusqu'à la fin de tes jours ?

- Oui, répond-il sans hésitation.

- Bien, alors nous allons te confier une mission simple : pars avec Robert et Robin, ici présents, dans la forêt pour patrouiller autour du château et du village afin que l'on s'assure que plus aucune menace ne plane sur notre ducher pour l'instant. Est-ce bien compris ?

- Oui, monsieur !

- Robin, ajoute-t-il en se tournant vers moi. Donne de nouveaux vêtements et une arme à Fidel que votre patrouille puisse commencer.

- À vos ordres, monsieur le duc !

Je détache les chaînes des poignets du jeune homme et lui ordonne :

- Suis-moi.

Il s'exécute. Nous sortons de la chambre de mes maîtres. C'est là que notre mission, à mon jumeau et moi, commence.

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