Le grand retour

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Je marche lentement en direction de l'autel de la cathédrale de Dianapolis, suivie par les demoiselles d'honneur choisies par le souverain en personne, qui portent ma longue traîne blanche. Une fois arrivée face à mon adversaire, je m'immobilise. Le Pape de Forestisle commence alors son long discours, en usant du même air calme et solonnel que le soir où j'ai été me confesser devant lui, sous ordre du roi. Je me souviens encore parfaitement de notre conversation, mot pour mot :

"- Bonsoir, madame. Qu'est-ce qui me vaut le plaisir de votre visite ?

- Bonsoir, Votre Sainteté. Je sais que nous ne sommes pas de la même religion, vous et moi, mais j'ai commis un pêché et, en l'absence d'un clergé de ma religion en ces terres, je n'ai trouvé personne d'autre vers qui me tourner que vous.

- Je vous écoute.

- Je ne suis pas la princesse Linaë. J'ai usurpé son identité sous la demande de ses propres parents, qui craignaient de voir leur alliance avec Forestisle réduite à néans sans le mariage promis il y a des années de cela. J'ai donc épousé le duc de Westforest alors que j'étais déjà fiancée depuis l'enfance à Sa Majesté Éric.

- Vous êtes la princesse Jenna ? !

- Oui. J'ai besoin de votre conseil. Que dois-je faire, selon vous ?

- Il vous faut tout d'abord avouer la vérité à la victime de votre trahison, c'est-à-dire Sa Majesté. Ensuite, je vous conseillerai de l'épouser, comme cela aurait dû se passer il y a bien longtemps. Qui que soit votre divinité, elle ne vous pardonnera qu'à cette condition. Tous les chefs d'Église sont au moins d'accord sur ce point.

- Bien, merci Votre Sainteté."

- Princesse Jenna de Fieldisle, souhaitez-vous épouser Sa Majesté le roi Éric de Forestisle ici présent et lui jurer fidélité, ainsi qu'à votre nouvelle patrie, pour le restant de vos jours ?

Je sens mon coeur cogner de toutes ses forces contre ma poitrine. L'homme qui me fait face m'observe avec un sourire triomphant. Je ferme les yeux. J'ai conscience qu'en répondant par l'affirmative, je trahirais mon bien-aimé. Hélas, c'est aussi la seule réponse qui me permettra de protéger ma famille de la froide cruauté de ce monarque. Je prends donc une grande inspiration et ouvre la bouche, m'apprêtant à donner ma réponse, mais je n'ai pas le temps de sortir un seul son que les portes de la cathédrale s'ouvrent à la volée pour laisser entrer trois hommes vêtus de longues capes sombres.

La foule est secouée de petits cris et de murmures de panique et je recule moi-même instinctivement d'un pas, lorsqu'une voix que je ne peux que reconnaître sort de la bouche de celui qui marche en tête :

- Ce mariage n'a pas lieu d'être !

- Et pourquoi cela ? s'indigne le Pape.

- Cette jeune femme est déjà mariée ! lui répond l'homme en abaissant sa capuche, révélant le si beau et si familier visage de Mathieu.

Quelques heures plus tôt :

Nous avançons dans les rues de la capitale, qui sont toutes décorées de fleurs blanches. Intrigué par cet ornement inhabituel, je demande à deux enfants qui passent à côté de nous en riant :

- Bonjour. Puis-je savoir en quel honneur ces guirlandes de fleurs ont été installées ?

- C'est pour le mariage de Sa Majesté avec la princesse Jenna ! me répond la petite fille, visiblement toute excitée par les festivités.

- La princesse Jenna ?

- Oui, la veuve du duc de Westforest, m'explique son aîné.

- Comment ? !

- Ça nous a tous surpris ! poursuit la petite fille. Personne ne s'attendait à ce qu'elle survive aux massacres révolutionnaires et débarque dans notre pays sous l'identité de sa cousine pour épouser le prince héritier.

Je reste bouche bée face aux déclarations des deux enfants, qui, face à mon silence, se contentent de reprendre leur chemin. C'est la voix de Robin qui me tire de cet état second :

- Nous nous étonnerons plus tard, me presse-t-il en attrapant ma manche. Pour le moment, nous devons vite aller empêcher ce mariage !

- Tu as raison, mais un détail me chiffonne. . .

- Quoi donc ? s'enquiert Robert.

- Si ce mariage est en train d'avoir lieu, c'est que le roi de Forestisle n'a plus aucun obstacle face à lui. Or, jamais les autres n'auraient permis cette union. Cela signifie qu'il s'est également débarrassé d'eux pour arriver à ses fins. . .

- Il ne les a pas nécessairement tués, rétorque le jeune épéiste. Il n'aurait en tout cas pas eu besoin d'en arriver jusque là avec les filles, qui ne savent pas se battre. Il lui aurait simplement suffit de les enfermer, par exemple.

- Excellente suggestion, frangin ! Faisons un petit détour par les cachots du palais, je suis sûr que nous les trouverons là-bas !

- Que ferais-je sans vous ? leur lancé-je en souriant.

Nous nous précipitons ensuite en direction du lieu mentionné par l'archer.

*


Assise sur une paillasse, je fixe le sol en pierre de ma cellule de mes yeux sombres et secs. Mon coeur me fait toujours autant mal depuis que j'ai appris la perte de celui que je considérais comme mon fils, mais j'ai épuisé toutes les larmes de mon corps.

Le silence pesant des cachots est soudainement interrompu par le bruit sourd que fait mon geôlier en percutant le sol, m'arrachant un sursaut. Je regarde avec surprise son corps inanimé, lorsqu'apparaît un jeune homme de grande taille, aux courts cheveux châtain clair et aux yeux violets. Les miens s'écarquillent d'incrédulité, tandis qu'il brandit en souriant un trousseau de clés, dont il se sert pour ouvrir la porte de ma cellule. Il entre ensuite à l'intérieur et me demande :

- Est-ce que tout va bien ?

Je me jette littéralement dans ses bras, en m'exclamant :

- Oh, mon cher petit duc ! Vous êtes là, vous êtes bien vivant. . . Ô, Diane ! Merci ! Je suis si heureuse !

- Moi aussi, je suis content de te revoir, affirme-t-il en me serrant contre lui.

Il prend ensuite mon bras pour me conduire à l'extérieur de ma cellule. Je découvre alors que les jumeaux se sont chargés de libérer ma fille et Fidel. Les deux fiancés s'étreignent longuement, les larmes aux yeux, tandis que les garçons échangent des tapes amicales en riant.

- Je suis désolé, déclare mon petit duc adoré, mais nous allons devoir abréger ces heureuses retrouvailles si nous voulons empêcher le mariage à temps. . .

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