Arracher une vie pour s'en offrir une

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En entrant dans la chambre, je croise les médecins qui en sortent. Leur têtes baissées et leurs regards attristés font naître en moi un mauvais pressentiment. Ils ôtent leurs chapeaux et s'inclinent devant moi, puis reprennent leur chemin. Je les regarde s'éloigner, pendant qu'une boule se forme dans mon ventre.

En me retournant, je vois mère, allongée dans son grand lit à baldaquin. Sa peau est d'une pâleur fantômatique et sa respiration lourde témoigne de sa fatigue. Quand elle me remarque, une lueur de joie passe dans ses yeux cernés et elle tend lentement sa main vers moi, en me disant d'une voix faible, presque inaudible :

- Approche, mon enfant. . .

Je marche dans sa direction d'un pas hésitant. Voir cette femme d'habitude pleine de vie, cette reine d'ordinaire si forte dans un tel état d'affaiblissement me met mal à l'aise. Je pose tout de même ma petite main dans sa grande paume. Bien que j'ai la peau claire, elle semble maintenant foncée sur cette surface si pâle. . .

- Il va falloir être fort, mon prince, me murmure-t-elle. Je ne serai plus à tes côtés, mais je t'aimerai toujours aussi fort. . .

Ses yeux roses s'embuent de larmes, contrastant avec le sourire qu'elle arbore. Je la fixe en silence pendant de longues secondes, puis mon regard violet tombe sur l'enfançon installé à côté d'elle : une miniscule créature dotée d'une touffe de cheveux châtain clair et emmaillotée dans une couverture. En comprenant ce que j'observe désormais, elle déclare :

- Je te présente ton petit frère Mathieu. Je compte sur toi pour prendre bien soin de lui, puisqu'il n'aura pas la même chance que toi de connaître sa mère.

Ce n'est qu'à ce moment-là que, du haut de mes cinq ans, je réalise pleinement ce qui se passe, ou plutôt ce qui va se passer. . . Je sens les larmes monter, me piquer le nez et les yeux, mais je refuse de pleurer. Si c'est vraiment ce que je crois, je ne veux pas que l'ultime image qu'elle ait de son fils soit celle d'un pleurnichard, mais celle d'un garçon fort, prêt à poursuivre son chemin et à affronter la vie sans elle.

Je me contente donc de serrer sa main, dans un geste de soutien et d'affection. Elle en caresse doucement le dos de son pouce. Nous restons ainsi jusqu'à ce que je sente ses muscles se relâcher et que je vois sa main glisser de la mienne pour retomber sur le matelas.

Mes yeux violets s'écarquillent d'horreur et je sens mon coeur se serrer si violemment dans ma poitrine qu'il m'afflige d'une atroce douleur ! Le Pape, qui se tenait debout dans un coin de la chambre, se précipite vers elle, suivi par une domestique. Je les entends parler, mais n'écoute pas ce qu'ils disent. Le religieux finit par fermer les yeux de la jolie brune, restés entrouverts, brisant définitivement le contact visuel que j'avais avec elle. Mon regard se reporte alors sur le seul être encore vivant sur ce lit.

Il dort à poings fermés, inconscient de l'abomination qu'il vient de commettre ! Mes poings se serrent et mes sourcils se froncent. Cet être, dont la simple idée qu'il vienne au monde me réjouissait autrefois, vient de m'arracher la seule personne m'offrant amour et douceur sur cette terre, pour assurer sa propre vie. Jamais je ne lui pardonnerai son crime ! Je le hais. . . Je le hais du plus profond de mon âme. . .

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