Chapitre IX : Apocalypse 3:5

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Note de l'auteur :

Bonjour tout le monde, j'ai été assez inactif ces derniers temps (7 mois que je n'ai pas écrits) J'ai eu une petite période de page blanche, et la transition entre la licence et le Master est assez folle. Mais je m'y remets doucement en espérant que chapitre vous plaira.

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Une fois devant la porte de chez moi, j’hésite quelques instants avant de rentrer, sachant que la petite morale que m’a faite le père d’Henri n’est rien comparée à ce que ma mère va me faire. D’autant plus que je vais devoir faire réparer mon téléphone. Après une dizaine de secondes devant ma porte, je me décide à franchir celle-ci. À peine la porte ouverte, une voix s’élève depuis la cuisine :

— Marius, c’est toi ?

— Oui, maman.

— Pourquoi tu rentres si tard ?

— J’ai eu… comment dire, une sorte d’accident.

J’entends alors un bruit dans la cuisine et vois ma mère sortir de celle-ci, couteau à la main.

— Tu fais quoi là ?! dis-je en lui pointant le couteau.

— Oh rien, je coupais les carottes, je reviens.

Après l’avoir posé, elle revient et me demande ce qui s’est passé. Je lui raconte donc que, dans un moment d’inattention, j’ai traversé la route et que j’ai failli me faire renverser, mais que, grâce à Henri qui m’a fait un plaquage digne du XV de France, je suis encore de ce monde. Elle commence alors à me bombarder de questions sur mon état, ce qui, je l’avoue, m’étonne. Je me serais attendu à un savon en premier. Je lui explique que le père d’Henri s’est occupé de tout désinfecter et que je suis celui qui s’en sort le mieux dans l’histoire.

C’est au même moment que mon père rentre et nous rejoint en me demandant pourquoi il y a du sang sur mes chaussures. Ma mère le met donc au courant, et c’est à ce moment que la leçon moralisatrice arrive. J’ai droit à une homélie sur le fait que nous, les jeunes, sommes toujours scotchés à nos téléphones. Et comme une lumière s’allumant dans sa tête, il commence à me parler du message du lycée qu’il a reçu sur le fait que je l’ai utilisé en cours. Il me confisque alors mon téléphone, que j’hésite à lui donner étant donné son état.

Lorsqu’il finit dans ses mains, je vois son visage passer d’un rouge corail à un rouge impérial, et je gagne une troisième couche de morale supplémentaire : je vais devoir financer moi-même le rachat d’un téléphone. Je remercie le Seigneur d’avoir mis de côté à chaque fois que je reçois de l’argent de poche.

Après cette leçon de morale, je suis monté dans ma chambre pour faire mes devoirs, puis pour parler grâce à mon ordinateur à Madeleine, qui s’inquiétait encore une fois de mon mutisme soudain, et qui s’est inquiétée encore plus quand je lui ai conté ce qui s’est passé plus tôt. Mais aussi à Henri, que j’ai remercié, car je n’y ai pas pensé sur le moment. De même, je lui ai promis de lui racheter un pantalon dans la semaine pour celui qu’il a déchiré en sautant tel Superman. Ce qu’il a refusé directement, mais après une petite dizaine de minutes de négociation où j’ai dû lui dire qu’en plus j’avais mes parents sur le dos pour qu’il accepte, ce qui n’est pas réellement faux, étant donné qu’ils m’ont demandé le contact de ses parents.

Le lendemain, en arrivant au lycée, je me fais prendre d’assaut par mes très chers camarades me questionnant sur mon état, n’ayant pas pu, et surtout pas pensé à leur répondre. Je les rassure en rappelant que le plus à plaindre, c'est Henri, qui, en plus d’avoir eu une grosse frayeur, s’est bien amoché le genou. Alors que tout le monde se tourne vers lui, il continue de minimiser les choses et préfère que les gens se préoccupent de moi. C’est très gentil de sa part ; cependant, je trouve quand même ça un peu triste pour lui que les gens n’aient pas cherché plus loin et se soient directement retournés vers moi.

Madeleine arrive peu après et rajoute une couche mélodramatique à tout cela. Je l’ai interrompue dans son monologue pour, encore une fois, réaffirmer le rôle d’Henri dans tout cela, mais celle-ci m’a lancé un regard noir comme je n’en avais jamais vu de sa part, ce qui créa un silence assez lourd. Silence cassé par la première sonnerie, et nous nous séparons pour aller dans nos classes respectives.

Je profite de ce premier cours de la journée pour planifier avec Henri l’achat de son nouveau pantalon.

— Henri, vu qu’on n’a pas cours cet après-midi, tu veux qu’on aille t’acheter ton nouveau pantalon

— T’es vraiment pas obligé, tu sais ?

— Si. Premièrement, c’est normal, tu m’as littéralement sauvé la vie. Deuxièmement, maintenant que mes parents ont le contact de tes parents, ils sauront si je ne le fais pas. Et si je ne le fais pas, je crois bien devoir prier pour mon salut.

— Ok, je vois, rigola-t-il. Le seul problè…

— Le seul problème, c’est que vous parlez ! interrompit M. Lebuçon, notre magnifique professeur de mathématiques.

Après deux minutes de silence, Henri me tend un petit papier sur lequel il est inscrit : « le seul problème, c’est que j’ai allemand de 13 à 14 h. » Je réfléchis un court instant et lui chuchote :

— Bien, je t’attendrai.

Il me fait un sourire et hoche la tête en guise d’acceptation.

À la fin de notre dernier cours de la journée, à 11 h 55 — que Dieu bénisse les mardis —, nous nous dirigeons tous vers le réfectoire quand Madeleine nous rejoint. Après que celle-ci a salué tout le monde, elle se colle à moi, m’enlaçant le bras en me demandant le programme de l’après-midi. Je lui dis alors que j’ai prévu d’aller racheter un pantalon à Henri. J’ai à peine terminé ma phrase que celle-ci me lâche brusquement le bras et recule d’un pas avant de me demander si je n’ai pas oublié quelque chose.

J’ai réfléchi quelques secondes avant de lui répondre par la négative. L’instant d’une seconde, j’ai cru voir son regard se noircir. Elle me rappelle alors que, la veille, je lui avais proposé d’aller voir un film avec elle. Je lui explique que j’avais totalement oublié, mais que nous pourrions aller voir un film une autre fois, parce que Titanic, il n’y a pas besoin d’attendre qu’il soit diffusé exceptionnellement au cinéma pour le voir. Je vois alors sur son visage une multitude d’expressions, avant que celle-ci n’esquisse un sourire, me dise « d’accord » et m’embrasse sur la joue avant de dire qu’elle retourne avec ses amies pour manger.

Nous restons tous là pendant un court instant dans un silence profond, avant qu’Amine ne le rompe en me disant avec une voix calme :

— Alors là, mon gars, t’es dans la merde.

— Elle m’a dit d’accord, pourquoi je serais mal ? répondis-je, interloqué.

— Tu ne comprends pas les femmes, mon pauvre.

— Je crois bien qu’il n’a pas tort pour une fois, reprit Élisa.

— Au pire, on peut annuler et y aller une prochaine fois, Marius, me dit Henri.

— Nan, je ne pense pas qu’elle l’ait mal pris, c’est juste un cinéma.

Après ça, nous avons repris notre chemin vers la cantine, dans laquelle Amine, Thibaut et Yoachim m’ont sorti de grandes théories sur le fonctionnement fourbe des femmes. Mais ceux-ci ont vite arrêté sous la pression des regards assassins d’Élisa. Le repas terminé, les autres sont retournés en cours, pendant que je suis allé attendre Henri au foyer avec la merveilleuse compagnie d’Élisa, qui a accepté d’attendre une heure avec moi. Même si c’était un piège et qu’elle a voulu travailler sur notre oral d’espagnol pendant une quarantaine de minutes.

— Je crois que c’est bon, mis à part ta prononciation ressemblant parfois plus à du yaourt qu’à autre chose, rigola Élisa.

— C’est juste que tu n’es pas assez bonne en compréhension orale, répliquai-je en rigolant.

— Ça doit être ça, oui. Je ne me souviens plus trop de qui a supplié qui pour être en groupe.

— J’avoue, tu as gagné.

Après un court instant, elle reprit :

— Dis-moi, Marius, pourquoi tu as préféré décaler ton rendez-vous avec Madeleine, ta copine, pour cette sortie avec Henri, avec qui tu étais encore plus ou moins brouillé hier ?

— Je ne sais pas.

— Tu ne sais pas ?

— Eh bien, outre le fait que ça m’était sorti de la tête, non, sur le moment, j’avais envie d’aller avec lui. Soyons clairs, je lui en veux toujours un peu pour tout ça, mais bon, hier, il aurait pu finir gravement blessé ou même mourir en se jetant sur moi pour m’éviter cette voiture. Il mérite au moins ça.

— Je vois.

— Et puis Titanic, sérieusement, le film passe sur TF1 les dimanches soirs tous les trois mois, et c’est vu et revu. Alors qu’il y a Joker 2 qui sort demain.

— D’accord, j’espère pour toi qu’elle a la même philosophie.

— T’inquiète, je gère.

Suite à ça, nous avons totalement changé de sujet pendant les dix minutes restantes. Henri nous a rejoints quelques minutes pour parler, avant qu’Élisa ne doive partir.

— On y va ? dis-je à Henri.

— Oui, j’ai regardé, il y a un Kiabi à Sud Loire. Si on prend la ligne 1, on y est en 40 minutes.

— Tu veux dire à Co'met ?

— Je sais pas, c'est écrit "Sud Loire" sur Google Maps

— Ok je vois, dis-je en rigolant, nan, on va aller plus proche, t’inquiète.

— Ah d’accord, où ça ?

— Tu verras.

Sur ces paroles, nous nous mettons à marcher et, après une quinzaine de minutes, nous arrivons à destination.

— C’est hors de question, dit Henri.

— Bah quoi ?

— On ne va pas aller aux Galeries Lafayette, c’est hors de prix là-dedans !

— Mais nan, c’est des idées reçues. Enfin, oui, c’est plus cher qu’ailleurs, mais j’ai les cartes de réduction et puis il y a un peu plus de qualité. Et c’est moi qui paye, donc je décide où on va.

Après une petite minute à le convaincre, celui-ci accepte de rentrer. Nous parcourons les allées à la recherche d’un pantalon similaire, quand je le vois s’arrêter devant un mannequin.

— Ça te plaît ?

— Ouais, je trouve que le polo rose avec ces touches de bleu saphir aux manches et au col rend bien avec ce pantalon.

— Ok, souris-je, regardons s’il y a ta taille.

Il s’approche des présentoirs et commence à fouiller avant de s’exclamer :

— Oh merde !

— Quoi, y a pas ta taille ? Si ce n’est que ça, on peut demander aux vendeurs, peut-être qu’il en reste en réserve.

— Nan, c’est pas ça le problème. Ma taille y est. C’est le prix : 84 € le pantalon et 62 € le polo, c’est hors de prix ! Je ne peux même pas en prendre un des deux.

— Ah, ne t’inquiète pas pour ça, c’est moi qui te le paye. J’ai mis pas mal d’argent de côté avec mon job d’été en juillet. Et puis j’ai des réductions dans cette boutique avec les points fidélité.

— Oui, mais c’est pas décent.

C’est à ce moment qu’une vendeuse arrive pour nous demander si elle peut nous aider. Je saute sur l’occasion pour dire qu’Henri aimerait essayer l’ensemble qu’il y a sur le mannequin. Sans qu’il ne puisse rien faire, il se retrouve emporté vers la cabine d’essayage avec les vêtements. Après quelques minutes à se changer, il ressort vêtu de cette tenue, qui, je trouve, met bien en valeur ses épaules. Je retrouve presque, avec la lumière blanche du spot au-dessus de lui, ce côté angélique du premier jour.

— Plus que les richelieus et t’es un p’tit bourgeois prêt pour aller à la messe, dis-je en rigolant.

— Parce que tu mets des richelieus pour aller à la messe ?

— Euh, non. Enfin, je m’habille bien quand j’y vais. Et je suis pas un p’tit bourgeois ! bafouillai-je.

— Je te taquine, ahah. Même si j’aime bien la tenue, je ne vais prendre que le pantalon, c’est ce qui était convenu, et je ne vais pas prendre l’argent que tu as gagné.

— Soit.

Il retourne en cabine pour se changer et rend le polo à la vendeuse. Je le récupère discrètement en lui faisant signe de ne rien dire. Une fois à la caisse, la vendeuse m’apprend qu’il n’y aura pas de réduction, les points ayant été consommés récemment. À ce moment, j’ai intérieurement haï Léopoldine ou Louis-Antoine. Ils sont bien marrants à faire les grands à vivre à Paris, mais quand ça rentre, ça ne se gêne pas pour prendre les points que j’ai difficilement accumulés au cours de l’année. Chienne de vie.

Je sors alors ma carte et règle, en prenant soin de prendre le ticket en preuve de cette trahison fraternelle. C’est alors qu’Henri m’interroge sur le montant de 146 €, bien loin de celui du simple pantalon. S’ensuit alors une scène à la caisse où la pauvre vendeuse se retrouve prise entre les protestations d’Henri qui veut rendre le polo, et moi qui insiste. Je finis par prendre le sac et tout simplement partir. Il me rejoint dehors rapidement.

— Marius… Je suis vraiment gêné. Déjà que je trouvais le pantalon cher, alors les deux, je ne peux pas accepter. Avec ça, normalement, je m’achète trois pantalons, six t-shirts et des sous-vêtements. C’est beaucoup trop.

— Écoute, je te l’ai déjà dit ce matin : tu m’as sauvé la vie, et ce au péril de la tienne. Et si ça te gêne vraiment, on n’a qu’à dire que c’est pour ton anniversaire. C’est quand, d’ailleurs ?

— Le 24 octobre.

— Bah voilà, nickel. Un peu en avance, mais c’est pas grave ! Allez, tiens, prends le sac, dis-je tout sourire.

Il soupira et prit le sac. Nous nous sommes alors mis en route pour rentrer chez nous. Sur la route, je me souviens qu’après m’avoir plaqué au sol la veille, Henri m’avait dit que ça faisait plusieurs minutes qu’il me parlait sans que je ne réponde. Je décide alors de l’interroger sur ça, pour savoir si c’était important, mais celui-ci devient soudainement très évasif, évitant la question et finissant par me dire qu’il ne se souvient plus. Je n’ai pas cherché plus loin, et j’ai changé de sujet.

Arrivés au moment de nous séparer pour prendre nos chemins respectifs, celui-ci me remercie chaleureusement pour le cadeau supplémentaire, et s’excuse d’avoir gâché mon après-midi avec Madeleine. Je le rassure en lui disant qu’elle est sûrement déjà passée à autre chose, ce que j’espère, et que ça m’a fait plaisir de lui offrir ces vêtements. Nous nous saluons une dernière fois avant de partir chacun de notre côté.

Sur les quelques minutes que j’ai mises à rentrer chez moi, je me suis rendu compte que j’avais apprécié ce moment passé avec lui, et que ce mur de verre artificiel que j’avais décidé de placer entre nous quelques jours plus tôt était peut-être une erreur.

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