Chapitre 3 - Remontée - Partie 3

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***

 Vitanova avait désormais deux personnages renouvelant le tableau. Sunita, la Poisseux et son fils focalisaient les attentions. L’époque du rejet, que chaque inconnu traîne comme un boulet et une double peine, appartenait au passé. Désormais, elle montrait une autre facette de sa personnalité. Défine et Sunita ne faisaient qu’un. L’une avait assagi l’autre, l’autre avait endurci l’une, indivisible. Il fallut une période de repos prolongée pour encaisser, coup sur coup, la maternité et sa renaissance mémorielle. Nella, Louis Troval, Santo et Abi avaient veillé à son rétablissement complet durant sa convalescence ces trois derniers mois.

 Les qualités de la jeune femme étaient appréciées. Plus affirmée qu’auparavant, elle savait faire adopter son point de vue à ses interlocuteurs. Abi et Santo eurent besoin d’un certain temps d’adaptation. Le jeune homme fut le plus déstabilisé par le nouveau tempérament de Sunita. Il laissa même échapper quelques « Défine ». Cependant, la jeune Poisseux ne montra pas d’animosité lorsqu’on l’interpellait de cette façon. Naturellement, ce prénom disparut de lui-même.

 C’était donc sous le nom de Sunita Ailurus que la jeune femme se présenta la première fois à son poste. Elle allait œuvrer pour la communauté de cette bulle de vie noyée au milieu de la déchèterie. Dans un premier temps, pour favoriser sa relation maternelle, elle refusa de s’engager dans des missions accaparantes. Elle ne glanerait plus, non plus, des trouvailles en surface. Elle en laissait le soin à d’autres, bien plus expérimentés. Malgré tout, elle s’autorisa quelques rapides sorties à faible distance en surface. En revanche, le traumatisme de son accouchement et des événements précédents avait déclenché en elle une forme d’aversion pour la plongée.

 Sunita se prit d’affection pour l’ingénieur Necko. Il était venu à sa rencontre, lui présentant bon nombre d’objets divers et variés provenant des niveaux inférieurs. Pour le petit homme, elle était une source intarissable de connaissance sur la technologie Poisseux. Il apprit par exemple que l’objet qu’il utilisait pour scanner des matériaux et en afficher les propriétés était en réalité employé par les décuries de maintenance. Elle lui montra que, couplé à un autre matériel, il se transformait en un synthétiseur de matériaux performants. Sunita n’était pas près d’oublier le regard émerveillé de Necko et son silence d’admiration qui découla de cette révélation.

 Mais ce matin-là, ce fut la jeune Poisseux qui requérait l’aide du petit ingénieur. Comme à son habitude, il s’agitait dans son rond à enclencher, coupler, réparer tout un tas d’objets de haute technologie. Il sursauta quand il aperçut la jeune femme à l’entrée de la pièce principale.

 « Sunita. Tu pourrais signaler ton arrivée, dit Necko feignant un air grincheux.

 — Ne me dis pas que tu n’es pas content de me voir. Je peux repasser plus tard.

 — Non, non. C’est bon. Installe-toi, lui proposa le petit homme, dégageant rapidement un siège avec des gestes empressés.

 La jeune femme prit place et regarda Necko avec un sourire.

 — Tu cherches un objet en particulier ? Tiens d’ailleurs, Santo m’a ramené ça. Mais je ne sais pas à quoi ça peut servir, demanda le petit homme en tournant dans ses mains un cube blanc où un liseré noir courait tout du long.

 Sunita fixa du regard l’objet.

 — Désolé. Cette fois, ça ne me dit rien.

 — Zut. »

 Necko partit replacer l’objet sur une étagère à sa hauteur, rejoignant tout un tas d’autres babioles dont la fonction n’avait pas été déterminée. Sunita remarqua que l’ingénieur, figure incontournable de Vitanova, s’était perdu au milieu de ses objets. Elle attira son attention par un simple toussotement.

 « Oh pardon. Tu voulais me voir pour quoi ?

 — Je voudrais que tu vérifies mon pimplant.

 — Quoi ?

 — Tu m’as bien entendue.

 — Je l’ai déjà contrôlé…

 Sunita se leva et s’approcha du petit homme. Sa stature et le regard appuyé qu’elle lui lançait le surprirent.

 — Necko. C’est important.

 — D’acc… d’accord… Louis est au courant ?

 — Non. »

 Le ton affirmé et presque glacial de Sunita suffit à faire s’exécuter l’ingénieur. Sunita s’installa confortablement dans le siège où quelques mois auparavant elle, Défine, tremblait d’anxiété.

 Une tension presque palpable emplissait la petite salle principale, faiblement éclairée, du rond de Necko. Quelques pupitres rendaient diffuses les ombres portées sur le sol. Il répéta les mêmes gestes et utilisa le même matériel que la dernière fois. Une fois les contrôleurs en place, le petit homme sautilla vers son pupitre fétiche. Il resta figé après avoir réalisé quelques manipulations.

 « Alors ? s’impatienta la jeune Poisseux.

 — C’est incroyable. Il était complètement mort la dernière fois. Il semble reconstituer ses fonctions de base…

 — C’est tout ce que je voulais savoir. Tue-le.

 — Quoi ? répondit Necko, totalement décontenancé par Sunita.

 — Désactive-le. Si tu préfères.

 — Je vais essayer », termina le petit homme.

 L’ingénieur de Vitanova passa quelques minutes à basculer des contacteurs entourant la tête de la jeune Poisseux. Sunita restait immobile pour ne pas fausser la procédure. Cependant, du coin de l’œil, elle observait le pupitre de Necko. Il semblait buter sur quelque chose.

 Ce fut comme si un flot de pensées l’assaillait de toutes parts. Elle se sentit basculer vers l’avant, à peine retenue par Necko. Elle s’affala au sol. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits.

 Le petit ingénieur essayait en vain de contrôler la situation. Une lueur sortait du boîtier inconnu posé sur l’étagère.

 « Une balise, Necko, c’est une balise à longue portée, indiqua Sunita qui se redressa en désignant du doigt le cube blanc dont le liseré noir brillait à intervalle régulier.

 — Tu m’avais dit ne pas l’avoir reconnu.

 — C’est trop tard, Necko. Mon Pimplant s’est éveillé. Je vois tout. Ils savent tout. Ils me recherchent encore.

 — Qui ?

 — La sécurité des Bas-Niveaux.

 — Pourquoi ?

 — J’ai tué. Ils m’ont trouvée. Détruis la balise, Necko. Il faut prévenir Louis. »

 Sans attendre, Necko attrapa le premier outil qu’il trouva à sa portée. Sa force n’était pas proportionnelle à sa taille. Le cube au liseré brillant de haute technologie éclata en mille morceaux devant l’efficacité du coup. Sunita s’allongea au sol en soupirant.

 « Merci. Je ne les vois plus. »

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