Chapitre 1

6 minutes de lecture

Chloé venait à peine d’ouvrir lorsque sa sœur poussa la porte du « Monde enchanThé » surexcitée :

"Il a fait ses premiers pas ce matin ! N'est-ce pas formidable ? On fête ça ce soir à la maison, 19 heures, tu viendras bien sûr ? J'y vais je vais être en retard ! Bisous à ce soir."

Sans attendre de réponse, elle sortit pour prendre son poste à l'agence immobilière qui se situait deux rues plus loin. Chloé sourit. Bien sûr qu'elle serait là. Benjamin était le premier petit de la famille. Tout rond. Aussi rose et appétissant que les cupcakes qu'elle créait. Elle avait ouvert sa boutique en plein centre-ville de Narbonne cinq ans auparavant et la clientèle avait été au rendez-vous dès le début. Ce complément de revenu était le bienvenu. Depuis sa majorité, elle avait investi une partie de l'argent de l'assurance-vie de ses parents dans deux immeubles dont un qu'elle avait mis en location immédiatement et occupait ainsi son temps entre la gestion de son parc immobilier, et son salon de thé. Elle avait embauché l’année précédente la jeune apprentie qu’elle avait formée et pouvait depuis passer davantage de temps à conseiller les clients sur les différentes variétés de thés qu’elle proposait et vendait dans de beaux coffrets- cadeaux. Chloé avait décoré cette pièce à son image : des fées colorées s’étalaient sur les murs vert anis et les petites tables basses rondes étaient encadrées de délicieux fauteuils invitant à la détente. Elle aimait cette ambiance cosy, propice aux confidences des uns et des autres et prenait plaisir à être un élément du moment de douceur que s’offraient chez elle régulièrement les clients habitués. Lorsque les touristes entraient pensant choisir rapidement un panier garni pour leurs proches, ils étaient généralement charmés par la magie et la quiétude du lieu et se laissaient volontiers guider à l’une des tables pour une dégustation des différentes variétés de thé avant de faire leur choix. Alléchés par l’odeur sucrée des pâtisseries en vitrine, ils repartaient également souvent avec une petite boîte de délicieux biscuits colorés.

Sabine quant à elle avait utilisé les fonds pour rénover la demeure familiale dont elles avaient hérité, et qu'elle habitait maintenant avec Peter et leur petit garçon d'un an. Chloé et elle y avaient grandi jusqu’à l’accident qui avait coûté la vie à leurs parents. Faute de famille, elles avaient passé 4 ans ensemble au foyer Saint Joseph, avant que Sabine, devenue majeure, ne demande sa garde au juge aux affaires familiales, mais ce dernier avait décidé qu’à 18 ans et en faisant des études, il était inenvisageable de s’occuper à temps plein d’une enfant de 12 ans. Sabine avait alors bénéficié d’un droit de visite et d’hébergement les week-ends et elle était restée sur Narbonne jusqu’à la majorité de Chloé. C’est ainsi qu’en 2006, elles avaient réintégré ensemble le manoir des Fleurynes. La bâtisse de deux étages avait été construite dans les années 1850 en bord de mer aux Cabanes, un petit village de pêcheurs qui s'était depuis transformé en charmant petit bourg et accueillait une joyeuse population d'amoureux du littoral. Tous se connaissaient et prenaient avec philosophie l'arrivée de l'été et de ses hordes de touristes. Elles étaient la sixième génération de Fiorespina à l’habiter ensemble. Du moins officiellement, car depuis la création de la boutique, qui avait coïncidé avec le mariage de Sabine et Peter, Chloé logeait le plus souvent dans son appartement du dessus. Elle avait certes toujours sa chambre au manoir, mais préférait laisser leur intimité à la famille en semaine, venant surtout le week-end profiter de son petit neveu.

La clochette tinta. Les premières clientes de la journée, une mère et sa fille, s'installèrent à une petite table et prirent commande d'un chocolat chaud de circonstance au vu du vent glacé de ce début de matinée, accompagné bien entendu d'un délicieux petit gâteau surmonté d'un glaçage au citron ré-haussé par de jolies perles de sucre gris.

***

Lorsque Chloé referma le rideau en fer, elle prit soin de ne pas écraser la petite boîte remplie de douceurs, puis marcha d'un bon pas jusqu'au parking où était garée sa petite Yaris et se dépêcha de rentrer aux Cabanes.

Une délicieuse odeur de bouillabaisse l'accueillit à son arrivée, accompagnée des cris du petit Benjamin qui tentait d'échapper à la main de sa mère pour accourir seul dans les bras de sa tante. Il n'était cependant pas encore assez aguerri dans l'art de la marche pour y être autorisé par ses parents ! Sabine amena l'enfant jusqu'à elle et échangea son fils contre les petits gâteaux avec grand plaisir.

« Ils sont à quoi ceux que tu as amenés ? Mmhh à la framboise, tu sais que ce sont mes préférés. Merci Chloé. Au fait, on a appelé le meilleur ami de Peter aussi, je sais que tu ne l'apprécies pas trop.

-Je ne dirais pas ça comme ça... Disons que je n'ai pas trouvé son comportement très approprié à votre mariage.,.

-Tu parles de son histoire avec ma copine Debbie ? C'est oublié voyons ! Elle s'en est remise depuis, ne t'inquiète pas. Et puis vu comme elle était éméchée, ça m'étonnerait qu'elle ne l'ait pas elle-même cherché !!!

-Il n'y a pas que ça Sab. Regarde l'été dernier au baptême du petit, il fanfaronnait d'être le parrain. Cette attitude suffisante... Il m'agace on dirait qu'il fait exprès de toujours tout ramener à lui. Et mon travail par ci, et mes voyages par-là...Monsieur Parfait dans toute sa splendeur !

Sabine se mit à rire.

- Eh bien ma parole, tu es jalouse ou je ne m'y connais pas ! Essaie de faire un effort tu veux ? Tu connais Peter, il n'aime pas se retrouver seul quand on se met à papoter.

- Où est-il d’ailleurs ? Il ne rentre pas plus tôt d’habitude ?

- Il va être un peu en retard. Le directeur régional est en visite chez eux aujourd’hui. Tu sais comme ces entrevues peuvent s’éterniser quand ces messiers parlent profits !

Daniel choisit cet instant pour entrer sans frapper, les bras encombrés d'un énorme ours en peluche, ce qui ne manqua pas de déclencher chez Chloé un haussement de sourcil désapprobateur. Elles se contenta cependant de se sourire à sa sœur d'un air entendu. Quel cadeau extravagant en dehors de toute occasion ! Benjamin ne lui accorda d'ailleurs pas un regard, tout occupé qu'il était à essayer d'attraper les boucles d'oreilles de sa tante. Et quel toupet de ne même pas sonner !

« Bonjour Sabine ! dit-il d'un ton enjoué en confiant l'ours en peluche à sa belle-sœur. Comment ça va ? Et ce petit bonhomme, alors il marche ? Il tire de son tonton c'est évident !

- Bonjour Daniel. Ça va je te remercie. Espérons qu'il n' ait pas les mauvais côtés des Smith !

-Surtout le goût pour l'excentricité, renchérit sa sœur.

- Salut Chloé, toujours ravi de te voir. Niveau excentricité, il me semble que ni mon bureau ni mon appartement ne sont peints en rose paillettes jeune fille. Allez, donne-moi mon filleul un petit peu, je suis sûr que tu l'as depuis longtemps. »

A contre cœur elle céda l'enfant et marmonna quelques mots sur l’improbabilité qu’un architecte autant réputé ait un bureau si peu personnalisé. Un sourire en coin indiqua que Daniel avait parfaitement entendu, mais il ne releva pas, préférant se vautrer au sol pour faire l’avion au petit Benjamin, hilare. Déçue de ne pas pouvoir se disputer avec lui, Chloé reporta son attention sur les préparatifs du repas puis alla aider à mettre le couvert.

Le service en porcelaine avait été sorti. Sabine aimait beaucoup les motifs fleuris qui figuraient sur les assiettes creuses et dans rien d'autre elle n'aurait souhaité servir son plat. Tout ici lui rappelait son enfance, jusqu'aux recettes qu'elle mettait un point d'honneur à reproduire en essayant de ne jamais trop les modifier. C’était cependant très difficile car leur mère avait une fâcheuse tendance à ne rien mesurer. Si les ingrédients étaient présents dans le carnet, ce dernier ne mentionnait en revanche jamais aucune proportion. Sabine s’amusait à raconter à sa cadette dont les souvenirs étaient plus flous, les expériences culinaires lorsque jeune fille elle essayait de reproduire les mets familiaux et que leur mère lui disait « oh…. Tu vois, n’en mets ni trop ni trop peu ». De nombreux plats furent ainsi massacrés. Mais heureusement, Sabine avait eu quelques années pour ajouter ses commentaires et adapter lorsqu’il y avait trop ou pas assez de telle épice ou de tel légume. Elle était désormais une cuisinière aguerrie par l’expérience du mariage et d’un mari trop occupé à travailler pour cuisiner. Peter n'arrivant toujours pas, Sabine proposa de prendre l'apéritif en l'attendant et ils portèrent tous trois un toast aux premiers pas de la vedette du jour.

Les verres étaient encore levés lorsque la porte d'entrée s'ouvrit sur un Peter livide.

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