Ce que la peau retient

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Le chaudron bouillonnait, les flammes dansaient sous le métal noir, et la voix de Slughorn résonnait avec la rondeur paresseuse de l'après-midi :

— Malefoy et Weasley. Fascinant duo, je dois dire ! Le sang et le feu, quelle belle alchimie...

Ginny leva à peine les yeux. Son estomac se serra.
Draco. Encore.

Ils s’étaient déjà revus dans la Salle sur Demande depuis ce fameux soir. Des conversations prudentes, des silences habités, une confiance naissante — fragile, mais réelle.

Mais ici, dans le plein jour, entourés des autres élèves, c’était différent. Interdit.

Elle s’installa à sa place, de l’autre côté du chaudron. Il s’assit face à elle, calme, l’expression neutre. Pourtant, sous la table, elle sentait une tension vive, presque électrique.

Slughorn les lança sur l’élixir de lucidité. Une potion délicate, très instable, qui réagissait à l’agitation intérieure. Ironique, vraiment.

Ginny se concentra sur les ingrédients. Racine de gingembre. Mucosité de veracrasse. Quelques éclats de chrysocolle. Elle tendit la main pour attraper le flacon au centre de la table.

Draco tendit la sienne au même moment.

Et leurs doigts se touchèrent.

Pas un simple frôlement.
Un vrai contact. Paume contre dos de main. Chaud. Réel.

Ginny ne bougea pas.
Ni lui.

Ses doigts à lui étaient fins, froids, mais son toucher était presque... hésitant. Comme s’il ne s’attendait pas à ce qu’elle ne le repousse pas immédiatement.

Elle le regarda. Le reste de la classe disparut.
Il ne souriait pas. Il ne parlait pas. Il attendait.

Et dans cet instant suspendu, elle sentit quelque chose remonter dans sa gorge : une chaleur qu’elle ne voulait pas nommer. De la peur, peut-être. Ou autre chose.

Elle voulait lâcher le flacon. Mais elle ne le fit pas.

Elle voulait lui dire d’arrêter. Mais ce fut lui qui retira sa main le premier. Doucement. Presque à regret.

Le verre tinta légèrement quand elle attrapa le flacon seule, sa main tremblant à peine.

— Fais attention avec la chrysocolle, murmura-t-il enfin, sa voix basse, calme.
— Pourquoi ? Tu crois que je vais exploser ?

Il haussa les épaules, sans quitter ses notes des yeux.
— Non. Je pense que tu sais exactement ce que tu fais. Et c’est ça qui me fait peur.

Elle serra les dents, troublée, incapable de répondre.

Le reste du cours se déroula comme dans un rêve. Slughorn passa, commenta, complimenta leur potion parfaitement brillante. Ginny n’entendit rien.

Elle replia rapidement le mot et le glissa dans sa poche, son cœur battant à toute allure.

— C’était quoi, ça ?

Elle sursauta.
Harry.

Il était là, à quelques pas.
Son regard n’avait rien d’innocent. Pas inquiet. Pas curieux. Sombre. Méfiant. Presque blessé.

— Juste un mot, dit-elle. Rien d’important.

— Tu mens.

Sa voix claqua. Pas comme un cri, mais comme une lame.

Ginny se redressa, les épaules tendues.

— Je sais encore ce que je lis, merci.

— C’était de Malefoy, non ? Je vous ai vus pendant le cours. Ce regard... Ce contact.

Elle détourna les yeux.

— C’était rien. On travaillait ensemble. Slughorn nous a imposés en binôme.

— Ginny, tu le défends ?

Elle le fixa, les sourcils froncés.

— Je dis juste qu’il ne s’est rien passé.

— Tu crois que c’est un jeu ? Ce type est dangereux. Il cache quelque chose, j’en suis sûr. Et toi, tu reçois des mots de sa part ? Tu...

— Harry, arrête.

Elle avait parlé plus fort que prévu. Quelques élèves s’étaient retournés, curieux.
Elle baissa d’un ton, mais pas d’intensité.

— Tu ne sais rien. Et ce n’est pas le moment pour ce genre d’interrogatoire.

— Alors tu ne me diras rien ?

— Non.

Un silence, dur, tendu.
Harry la fixa encore, comme s’il cherchait une faille dans son masque. Mais Ginny savait garder ses secrets.

Il recula finalement, sans un mot, les mâchoires serrées.
Elle le regarda partir, la gorge nouée.

Et quand il eut disparu au coin du couloir, elle glissa la main dans sa poche et serra le mot contre ses doigts.

"Tu crois qu’un contact ne veut rien dire. Mais moi, j’ai senti le tien."

Elle aurait voulu le brûler.
Mais elle ne pouvait pas. Pas encore.

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