Chapitre 7 : Les Nuits bleues

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Tout tremble autour de moi. Tout crie dans mes oreilles. Mais il n'y a que la nuit devant mes yeux. Le sol s'éventre, les murs se resserrent, et une huile noire et poisseuse suinte du papier peint. Mon souffle se coupe. Je sens un poids sur ma poitrine, m'immobilisant. Je n'ai que le contrôle de mes orbites, mais mes paupières semblent attachées à mon front par des fils invisibles.

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Du coin de l'œil, une silhouette surgit du sol. Enduite de cette poix, elle se met si près devant mes yeux que je peux plus voir que sa silhouette. Elle ouvre la bouche. Elle pourrait me dévorer. C'est une mâchoire de monstre. Elle va me gober. Il ne restera plus rien de moi. Plus de part d'ombre, plus de part laissée là-bas. Ce sera la fin. Celle que j'attends depuis si longtemps.

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Mais non. Elle veut me parler

Elle veut me parler ?

Pourquoi parler ? Je ne mérite pas qu'on me parle. Ce devrait être la fin, là, maintenant. J'ai avoué. Je l'ai enfin dit. J'ai tout dit. J'ai…

Tout dit.

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Je suinte de ton être. Je te colle à la peau. Je suis ton monstre et ton vampire. Je te draine et te transforme.

Je suis le visage dans le feu.

Je suis le peuple de la trappe.

Je suis la rafale qui a tué.

Je suis la balle oubliée.

Je suis le dégoût de ta femme.

Je suis la queue qui la pourrit de l'intérieur.

Je suis l'écran de lumière.

Je suis ta crasse, ton breuvage et ta rancœur.

Je suis l'homme simple.

Je suis la souris.

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La voix est grave. Elle vibre en moi comme le grondement d'un ours. Elle m'anime du même feu qui m'avait fait appuyer sur la gâchette. Mais elle me glace de la même peur qui m'avait fait mettre le canon sur ma peau. Je brûle et je frissonne. Je suis un métal ardent, jeté dans l'eau gelée. Je fume des pores de ma peau. Je voudrais la retirer. Elle moisit.

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La fierté nourrit leurs cœurs sombres.

Ils s'abreuvent d'hypocrisie.

Mais toi seul sait.

Toi seul as dit.

Tes mots ont tué le pacte.

Je le leur dirai.

Ils sauront tous.

Tu as dit.

Tu as refusé de porter le fardeau.

Le silence.

Le péché est admis.

Mes flammes seules seront la voix du repentir.

Tu fais bien.

Il est bon de condamner tes hommes.

De tels hommes.

C'est justice.

C'est une trahison pour eux.

Mais un nouveau pacte avec moi.

Nourrit mon feu.

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J'entends un grondement. La voix du monstre ne résonne plus seulement en moi : elle fait écho dans le monde. Des éclairs tonnent dans tous les coins. De ma position, figé, je ne peux que bouger mes yeux pour voir depuis la fenêtre que les colonnes élémentaires se rapprochent. Je serai calciné, encore une fois. C'est une nuit bleue. C'est là où les étoiles explosent dans les ténèbres. Elles emportent tout.

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Il y a de la poix.

Tout n'est que de la poix.

Une colonne tombe sur moi.

Et je nourris son feu.

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