Chapitre 12 : Estompe

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À l'aide, Katia. Je m'efface, et j'ai besoin que quelqu'un soit là pour me dire que tout ira bien. Je ne veux pas devenir comme La Terreur. Je ne veux pas devenir comme l'étranger. Je veux retrouver ma part perdue, avoir une chance à nouveau. C'est faux de dire que je n'ai pas peur de mourir. Tout le monde a peur de mourir. Et il le sait. Il voit comme mon âme tremble derrière mes yeux. Il n'est qu'à une détente de m'envoyer dans le noir.

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Katia, je t'en prie, pardonne-moi.

Je m'abandonne alors que tu es là.

Katia, pardonne-moi.

Je te laisse, toi et notre enfant.

Katia.

Vois que je suis un monstre, et ce sera moins douloureux.

Vois que je suis la Terreur, l'Homme de poix, l'Etranger, la Souris.

Ce sera justice.

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Il me regarde, l'étranger. Il a les mêmes démons que moi. Sauf qu'il les a invoqués. Il est tout puissant, il est ma fin. Je ne sais plus ce qui m'anime. Je ne sais plus si c'est la peur, l'envie d'y mettre un terme, la résignation… Sans cette part de moi, qui suis-je ? C'est trop tard maintenant, je ne peux plus la retrouver. Je l'ai laissée là-bas, et il l'a ramassée pour modeler le monstre qui me hante.

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Allez, étranger ! C'est le moment !

La douleur, je sais pas ce que c'est. La peur, je sais pas non plus ce que c'est. J'ai tiré, comme ça. Et ça m'a rien fait.

Voilà, étranger.

Ce sera plus doux, pour toi ! Alors tire !

Ne tiens pas compte de mes larmes.

Regarde, je lâche mon arme.

Je m'abandonne à ton courroux.

C'est le moment, étranger.

C'est la fin de ton épopée.

Alors vas-y, laisse-moi m'effacer.

Tu serais la troisième personne à m'ordonner de mourir.

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Il me fixe. Il me domine. Il n'a plus qu'à tirer, et ce sera la fin de tout. La fin de mon monde, et la fin du sien. La fin d'un récit. Celui d'un homme qui a tout perdu, qui est parti du désert pour retrouver ceux qui ont fait couler son sang. Un homme qui a entrepris une expédition punitive. Qui a trouvé les responsables et s'en va exterminer le dernier.

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Allez, étranger, tire.

Le canon se colle à mon front désormais.

Je ferme les yeux, je revois ma vie.

Il y a Katia, la première fois que je l'ai vue.

Il y a le moment où l'on a fondé notre foyer.

Il y a l'appel.

Il y a les batailles.

Il y a les amitiés qui naissent dans le sang.

Il y a le retour.

Il y a tout l'effort de ma femme pour comprendre.

Il y a mes œillères et mon silence.

Il y a l'odeur, l'alcool, l'écran et le monstre.

Et quand j'ai dit les mots.

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Je ferme les yeux.

Je n'entends plus.

Je ne respire plus.

Je suis dans le noir.

Je me suis effacé.

Voilà, c'est la fin.

C'est fini.

Désolé, Katia.

C'est justice.

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Il y a un clic.

Je les ouvre à nouveau.

Il range son arme.

Il pleure.

Il me dit :

J'espère que tu souffriras encore

Pour l'éternité

Même après ta mort.

Il me tourne le dos.

Se rhabille.

Et sans un mot, il s'en va.

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