Jérémiades et Mea-Culpa d'un Esprit Divin.

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Cortèges de lumière ; joyaux et bijoux ; munificents écrins de velours ; pourquoi ne puis-je plus vous atteindre ? Vous m'avez rejeté. Perdu, je suis perdu ; effacé. Je gis sur les riens du commun, sous cet inaccessible empyrée. Il me cloue au sol, mutile mon être, m'éblouit de sa vastitude, me frappe de vacuité.

Je traine cette déréliction sur les reliquats de vaines utopies. Grandeur et majesté ne sont plus qu'abysse. Mon regard jadis omniscient s'égare sur le cosmique, hors de ma portée aujourd'hui. Ni prière ni supplique pour nourrir mon essence ; mes veines de jaspe ne charrient que poussière délétère ; je larmoie sur cette déliquescence. Ô que revienne cette ère, où jaillissait en moi de précieuses ardeurs. Je rêve de retourner voguer sur les sentes stellaires, de revoir les innombrables lieux où l'on m'adorait autrefois. Là où moult servants et adeptes se prosternaient devant les autels de pierre, de marbre et de bois.

Que de souvenirs exaltants où mon esprit divague...

Dominant le vivant en mon siège miroitant, je reçois vos hommages ; fleurs, fruits et piété de pythies ! J'assiste aux offices, aux cérémonies, aux services, païens ou emphatiques, extatiques et licencieux, sacré ou ésotérique. Flattant mon égo, musiques sauvages, lyriques, litanies envoûtantes m'adorent. J'admire vos silhouettes de danseurs qui se meuvent sous des étoffes fluides et légères. J'entends vos tambours résonner, ponctuer le rythme de vos pas. La terre s'enflamme de vos passions tout comme mon cœur d'airain. Comblé, altier, je jette sur vous des regards aimants, bien que, je l'avoue, condescendants...

Ma songerie éveillée s'arrête ; la réalité m'empoigne sans pitié. De ses effluves cendreux, l'amertume m'enlace. Mais la mémoire demeure plus vivante que jamais en ces dernières heures.

Je pleure sur ces temps de souvenance où on me donna bien des noms, je fus souvent démultiplié en de nombreuses entités. Et, quelque soit l'époque où la manière de me rendre grâce, mes incroyables enfants ne manquèrent pas d'imagination pour me plaire. J'ai pris, je n'ai point donné, si ce n'est leurs chairs et esprits.

Braves, lâches, influençables, entreprenants, passionnés, désespérés, aimants, cruels, criminels, égoïstes, généreux, pingres, épicuriens, chastes... tant de défauts et de qualités. Je les avais créés à mon image ; comment auraient-ils pu s'y retrouver ?

Mon vœu le plus ardent ? Retourner en arrière, pour leur donner conseil, les enseigner, les guider vers l'âge d'or qu'ils ont cherché sans repos. Agir pour qu'il en soit ainsi. Car hélas, je m'en suis bien gardé.

"Libre-Arbitre !"

"À vous de décider !"

Injonctions qui ne sont que solutions de facilité ; quelle honte pour une divinité !

Enfants tant aimés, vous me manquez ! Vos esprits puérils ont eu raison de vous, me laissant sans invocations, sans espoirs, sans forces ; pulvérulent aux quatre vents. C'est à peine si j'entends les échos de vos dernières batailles. De quelle manière vous jetez-vous en ultimes résistances ? Quelle horreur, si vous vous dévorez ; répondez-moi ? Êtes-vous déjà morts ?

Je sais que bientôt sera l'obscurité, plus d'yeux pour pleurer, car eux-mêmes s'altéreront au fil de ma conscience délitée ; s'y mêlerons alors les débris des âges écoulés.

Ce sera... la fin... la fin des temps ? Non, ma fin...

L'univers ne chutera-t-il pas ? Ne me fera-t-il pas de ses soleils, un bref, mais lumineux linceul ? Quelle outrecuidance ; j'imagine encore être superbe ! N'ai-je rien appris ? Ah ! Que me vienne l'humilité, avant que mon immuabilité ne me soit arrachée ! je m'éteindrais alors comme un mortel, sans éclat, sans gloire, sans étancher ma soif d'éternité. Car elle est là encore, elle me brûle, elle me tourmente, elle cisaille mon karma de blessures asséchées.

Moi qui ai tant promis : l'immortalité de l'âme, le nirvana de l'au-delà, mille délices en paradis. Que n'aurais-je pas inventé pour prolonger mon existence. Je me retrouve devant cette crainte identique à la leur : celle du néant, et personne vers qui me tourner pour me rassurer.

Désespérément, je m'accroche à leurs lueurs mourantes ; il en reste si peu ! Je crie en direction de leur Armageddon :

« Non, ne vous anéantissez pas ! Restez avec moi, ne voyez-vous pas mon agonie ? »

Ne suis-je pas pathétique ? Les rôles s'inversent, c'est moi qui les supplie d'écouter. Soudain cela m'irradie, je viens de comprendre. Au seuil du trépas, un rideau de fumée se déchire, dévoilant la vérité.

Désagrégation de mes lèvres.... un rire ....... iro...nie...

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