9 — Ce Que Nous Sommes: Ce Qui Se Brise.
Le bureau de Maxime Montalban, au soixante-dixième étage de Superna Corps, offrait une vue imprenable sur Paris. Debout devant l'immense baie vitrée, il observait la ville qui s'éveillait sous une pluie battante. Son reflet dans le verre lui renvoyait l'image d'un homme parfaitement maître de lui-même — costume sur mesure impeccable, posture droite, visage impassible. Une image qu'il avait passé des décennies à cultiver.
Mais ce matin, pour la première fois depuis longtemps, cette façade menaçait de se fissurer.
Sur l'écran de son smartphone personnel, l'application Surveillance émettait un signal continu. L'icône représentant Ace clignotait, non plus dans les quartiers périphériques où elle errait habituellement, mais en plein cœur de Paris. Se rapprochant. Inexorablement.
D'un geste précis, Maxime activa l'interphone de son bureau.
— Mademoiselle Dubois, convoquez Irène et Roxy immédiatement. Et activez le protocole Sentinelle niveau 1.
— Bien, Monsieur Montalban, répondit la voix désincarnée de son assistante.
Il se détourna de la fenêtre et prit place derrière son bureau en acajou massif. Sur l'écran de son ordinateur s'affichait le dossier du Protocole Chrysalide — des années de planification, de recherches, de précautions. Une structure conçue spécifiquement pour contenir et diriger la nature d'Antonia.
Pour la protéger d'Ace. Et peut-être, plus important encore, pour protéger Ace d'elle.
Un mouvement furtif attira soudain son attention. Dans le coin le plus sombre de son bureau, une silhouette se détacha de l'ombre comme si elle en avait toujours fait partie.
— Tu devrais vraiment améliorer ta sécurité, Maxime, dit une voix doucereuse. Même le plus grand empire s'effondre si ses fondations sont... poreuses.
Ava Karpel se tenait devant lui, élégante et dangereuse dans son tailleur anthracite. Contrairement à sa sœur jumelle Inès, Ava cultivait une apparence impeccable qui rivalisait avec celle de Maxime lui-même. Ses cheveux auburn étaient tirés en un chignon serré, accentuant ses pommettes hautes et ses yeux d'un vert métallique.
L'Avarice incarnée.
Maxime ne montra aucun signe de surprise. Il avait appris depuis longtemps à ne jamais offrir à Ava la satisfaction de ses réactions.
— Je me demandais quand tu te montrerais, dit-il simplement. Toujours à l'affût de la moindre faille à exploiter.
Un sourire calculateur étira les lèvres parfaitement maquillées d'Ava.
— Je préfère le terme 'opportunité', corrigea-t-elle, s'avançant dans la pièce d'un pas mesuré. Et aujourd'hui, les opportunités abondent, n'est-ce pas ?
Elle s'approcha de son bureau, laissant ses doigts élégants effleurer la surface polie.
— Ace qui se réveille enfin de sa léthargie... Antonia qui découvre sa vraie nature... et toi...
Elle fit une pause théâtrale
— … perdant lentement le contrôle de tout ce que tu as bâti.
Maxime ne cilla pas, bien que la présence d'Ava ici, dans son sanctuaire, représentait déjà une faille majeure dans ses défenses.
— Que veux-tu, Ava ? demanda-t-il directement, n'ayant ni le temps ni la patience pour ses jeux.
Elle le regarda avec un amusement à peine dissimulé.
— Ce que je veux toujours, Maxime. Plus.
Elle s'assit nonchalamment sur le bord de son bureau.
— Mais aujourd'hui, je suis curieuse. Que comptais-tu faire de la petite, exactement ? L'enfermer indéfiniment dans ton précieux Protocole Chrysalide ? La façonner à ton image ?
— Mes plans pour Antonia ne te concernent pas.
— Au contraire.
Ava se pencha vers lui, son parfum coûteux envahissant son espace personnel.
— Tout ce qui a de la valeur me concerne. Et cette enfant... elle vaut plus que tout ce que tu possèdes, n'est-ce pas ?
Un muscle tressaillit imperceptiblement sur la tempe de Maxime. Ava sourit, satisfaite d'avoir touché un point sensible.
— Tu sais pourquoi je suis vraiment ici ? continua-t-elle, se levant pour faire le tour du bureau. J'ai peut-être... accidentellement... laissé quelques indices à notre chère sœur errante. Quelques miettes de pain menant directement à ta précieuse Antonia.
Maxime se raidit, la colère froide montant en lui.
— Tu as quoi ?
— Oh, rien de dramatique, dit-elle avec un geste désinvolte. Juste une conversation stratégiquement placée près du canal Saint-Martin, où Ace aime tant errer. Quelques mentions du musée où la petite devait se rendre...
Elle haussa les épaules avec une élégance étudiée.
— Il faut si peu pour orienter l'Absence quand elle cherche un but.
La porte s'ouvrit à cet instant, révélant Irène et Roxy. Elles s'immobilisèrent en apercevant Ava, leurs visages trahissant une méfiance instantanée.
— Tiens, voilà la Colère et la Luxure, ronronna Ava. La petite réunion de famille s'agrandit.
— Comment es-tu entrée ? demanda Irène, son ton glacial cachant mal la menace sous-jacente.
— Toujours aussi directe, chère sœur. Ava sourit. Disons que certains de vos employés sont... sensibles à certaines incitations.
— Elle a guidé Ace jusqu'à nous, déclara Maxime, sa voix parfaitement contrôlée malgré la rage qui montait en lui. Délibérément.
Les yeux de Roxy s'élargirent légèrement, tandis qu'Irène fit un pas en avant, ses poings se serrant automatiquement.
— Pourquoi ? demanda Roxy, la confusion évidente dans sa voix habituellement assurée.
Ava s'éloigna du bureau de Maxime, se plaçant stratégiquement de manière à garder les trois autres dans son champ de vision.
— Considérez cela comme... un test, dit-elle, son sourire s'élargissant. Un test de la stabilité de l'ordre que notre cher frère nous a imposé pendant des décennies.
— Un sabotage, corrigea froidement Maxime.
— Un rééquilibrage, contra Ava. L'Avarice ne supporte pas le statu quo, Maxime. Je veux voir ce qui se passera quand deux forces opposées se rencontreront enfin. Ce qui en résultera pourrait avoir... une valeur inestimable.
Sur l'écran mural, l'alarme silencieuse indiquant la progression d'Ace clignotait toujours. Elle était maintenant à quelques rues de Superna Corps.
— Elle arrive, annonça Maxime sans préambule, ignorant temporairement Ava pour se concentrer sur la menace immédiate. Les mesures de confinement sont-elles prêtes ?
— Oui. Le niveau -3 est sécurisé, répondit Irène, son regard vigilant ne quittant pas Ava. Le personnel a été évacué des niveaux adjacents.
Maxime se leva, incapable de rester assis plus longtemps avec l'Avarice perchée sur le bord de son bureau comme un rapace attendant sa proie.
— Maintenant que tu as semé le chaos, Ava, qu'espères-tu gagner exactement ?
Elle le fixa avec une intensité prédatrice.
— L'Avarice ne se contente jamais d'espérer, Maxime. Elle calcule. Elle accumule.
Son regard se durcit.
— Et quand ton précieux ordre s'effondrera, je serai là pour recueillir les fragments les plus précieux.
Roxy s'avança, son visage habituellement séduisant marqué par une inquiétude qu'elle ne cherchait pas à dissimuler.
— Maxime, dit-elle, utilisant son prénom — un écart qui montrait la gravité de la situation. Es-tu certain que c'est la bonne approche ? Isoler Antonia, la cacher... cela ressemble plus à une provocation qu'à une protection.
— Que suggères-tu, Roxy ? demanda-t-il, une pointe d'irritation perçant dans sa voix parfaitement modulée. Que je laisse Ace s'approcher d'elle ? Que je permette à l'Absence de toucher la Gourmandise ?
— Nous ne savons pas ce qui se passerait, intervint Irène, son ton mesuré contrastant avec la tension ambiante. Nous supposons une annihilation mutuelle, mais...
— Je ne baserai pas notre survie sur des suppositions, trancha Maxime. Son regard se durcit. L'Orgueil ne suppose pas. Il sait.
Un rire doux et mélodieux s'échappa des lèvres d'Ava.
— Et c'est précisément pourquoi ton empire va s'écrouler aujourd'hui, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour les autres. Parce que tu refuses d'envisager que tu pourrais avoir tort.
Maxime l'ignora, activant l'écran mural de son bureau. Une mosaïque de caméras de surveillance s'afficha, montrant différentes zones de Superna Corps. En haut à droite, une silhouette solitaire marchait sous la pluie, se dirigeant droit vers l'entrée principale du bâtiment.
Ace.
Malgré la distance et la qualité moyenne de l'image, Maxime ressentit un pincement familier en observant sa sœur. Même à travers l'écran, sa présence était palpable — cette aura d'absence qui semblait absorber la lumière autour d'elle. Les réverbères s'éteignaient sur son passage, les caméras grésillaient.
— Elle est plus... déterminée que d'habitude, nota Roxy, observant la démarche inhabituellement directe d'Ace.
— Elle a senti Antonia, confirma Maxime. La connexion s'est établie.
— Avec un peu d'aide, ajouta Ava, un sourire satisfait aux lèvres.
Maxime se tourna brusquement vers elle, sa patience finalement épuisée.
— Je devrais te faire arrêter pour ce que tu as fait.
Ava leva un sourcil parfaitement épilé.
— Et pourtant, tu ne le feras pas, dit-elle avec assurance. Parce que tu sais que je ne suis qu'un catalyseur. Ce qui se passe aujourd'hui était inévitable depuis que la petite est apparue.
Un silence lourd s'installa entre eux. Chacun savait qu'elle avait raison, bien que personne ne l'admette à voix haute. L'inévitable confrontation qu'ils avaient tous redoutée se profilait à l'horizon — non plus comme une menace théorique, mais comme une réalité imminente.
— Irène, ordonna finalement Maxime, supervise personnellement le transfert d'Antonia vers le niveau -3. Assure-toi que le Protocole Chrysalide soit pleinement opérationnel.
Irène acquiesça, son visage redevenant le masque impassible qu'elle portait en public.
— Et moi ? demanda Roxy.
— Tu restes ici. J'aurai besoin de toi pour... une autre tâche.
Les yeux de Roxy se plissèrent légèrement, percevant ce que Maxime ne disait pas. La Luxure avait toujours été sensible aux subtilités, aux désirs cachés.
— Et que fait-on d'Ava ? demanda Irène, son regard froid fixé sur leur sœur indisciplinée.
— Je reste, bien sûr, répondit Ava avant que Maxime ne puisse intervenir. Je ne manquerais ce spectacle pour rien au monde.
Maxime savait qu'il devrait la faire escorter hors du bâtiment, la neutraliser d'une façon ou d'une autre. Mais il savait également que ses ressources devaient être consacrées à la menace plus immédiate. Ava était dangereuse, mais Ace et Antonia ensemble représentaient une inconnue bien plus préoccupante.
— Surveille-la, dit-il simplement à Roxy. Ne la laisse pas interférer davantage.
Une fois Irène partie, Maxime se tourna vers l'écran où l'image d'Ace avançant sous la pluie était encore visible. Ava s'était déplacée vers la fenêtre, observant la ville comme si elle lui appartenait déjà.
— Tu crains qu'elle ne soit pas seule, dit doucement Roxy.
Ce n'était pas une question.
— Inès est probablement aussi impliquée, répondit-il simplement. Les jumelles ont toujours eu une... affinité particulière pour le chaos.
— L'Envie et l'Avarice, murmura Ava depuis la fenêtre, son souffle créant un léger voile de buée sur la vitre. Toujours désireuses de ce qu'elles ne possèdent pas... et déterminées à l'obtenir par tous les moyens nécessaires.
Roxy s'approcha de Maxime, son parfum subtil envahissant son espace personnel.
— Tu ne peux pas tout contrôler, Maxime. Pas même nous.
Il se raidit imperceptiblement.
— Je le dois.
Le regard de Roxy s'attarda sur son profil, cherchant quelque chose au-delà du masque parfait qu'il présentait au monde.
— Est-ce que c'est vraiment la peur qu'elles se détruisent mutuellement qui te motive ? Ou est-ce la peur qu'elles trouvent ensemble quelque chose que tu ne pourras pas contrôler ?
Maxime ne répondit pas immédiatement. Sur l'écran, Ace s'approchait de l'entrée principale de Superna Corps. Les gardes se positionnaient, alertes, leurs armes à portée de main.
— Va superviser l'évacuation des niveaux supérieurs, dit-il finalement à Roxy, éludant la question. Je te rejoindrai au centre de commandement.
Puis, se tournant vers Ava, il ajouta :
— Quant à toi, si tu interfères davantage avec cette situation, je te promets que les conséquences seront... significatives.
Ava se contenta de sourire, nullement impressionnée par la menace.
— J'ai hâte de voir comment tu géreras les conséquences de ce qui a déjà été mis en mouvement, répondit-elle simplement.
Roxy hésita un instant, visiblement réticente à laisser Maxime seul avec Ava, puis hocha la tête et sortit silencieusement.
Une fois la porte refermée, Maxime et Ava restèrent face à face, deux incarnations de forces primordiales — l'Orgueil et l'Avarice — chacune évaluant l'autre.
— Tu sais que ton précieux ordre ne survivra pas à cette journée, n'est-ce pas ? dit finalement Ava, son ton presque compatissant. Tout empire s'effondre, Maxime. C'est une vérité universelle.
— Peut-être, concéda-t-il, surprenant même Ava par cette admission. Mais contrairement à toi, je ne construis pas pour posséder. Je construis pour maintenir l'équilibre.
Ava éclata d'un rire mélodieux.
— Tu te mens à toi-même depuis si longtemps que tu as fini par croire à tes propres mythes.
Elle s'approcha, dangereusement proche.
— Tu ne maintiens pas l'équilibre, Maxime. Tu imposes ta vision de l'ordre. Ta vision de la perfection. C'est la définition même de l'Orgueil.
Son téléphone vibra, le sauvant d'avoir à répondre. Un message de la sécurité : « Sujet en approche de l'entrée principale. ETA 2 minutes. »
Maxime prit une profonde inspiration, ajusta sa cravate par réflexe, et se dirigea vers la porte.
— Reste ici ou pars, Ava. Mais n'interfère plus.
— Oh, je n'ai plus besoin d'interférer, répondit-elle avec un sourire énigmatique. J'ai déjà obtenu ce que je voulais. Le reste... se fera tout seul.
Maxime la fixa un instant de plus, puis sortit, la laissant seule dans son bureau. Dans l'ascenseur qui le descendait vers le centre de commandement, il prit quelques instants pour renforcer ses défenses mentales, tout en se demandant ce qu'Ava avait réellement prévu.
Car l'Avarice ne se contentait jamais de déclencher le chaos pour le simple plaisir de voir l'ordre s'effondrer. Elle avait toujours un objectif précis. Un gain spécifique.
Et cela, plus que tout le reste, l'inquiétait profondément.
Le centre de commandement du Protocole Chrysalide occupait tout le niveau -2 de Superna Corps. Une série de postes de contrôle entourait une table de conférence centrale, où des écrans holographiques affichaient en temps réel la situation à chaque étage du bâtiment.
Lorsque Maxime entra, une dizaine de techniciens s'affairaient déjà à leurs consoles, tous formés spécifiquement pour cette éventualité. Roxy se tenait près de la table centrale, discutant à voix basse avec le chef de la sécurité.
— Au rapport, exigea Maxime en s'approchant.
— Le sujet a franchi le premier périmètre de sécurité, annonça le chef de sécurité, un homme au visage anguleux et au regard vide d'émotion. Les gardes au point d'entrée Alpha sont... neutralisés.
— Neutralisés comment ? demanda Maxime, bien qu'il connaisse déjà la réponse.
— Endormis, monsieur. Sans blessures apparentes. Juste... éteints.
Sur les écrans, une silhouette pâle traversait le hall principal de Superna Corps. Les caméras grésillaient à son passage, l'image devenant floue, puis se stabilisant une fois qu'elle était passée. Comme si sa simple présence brouillait la réalité autour d'elle.
— Où est Antonia ? demanda Maxime, son ton parfaitement contrôlé malgré la tension palpable.
— En transit vers le niveau -3, sous la supervision d'Irène, répondit Roxy. Le Protocole Chrysalide est prêt à être activé dès son arrivée.
Une alarme discrète se déclencha soudain sur l'un des écrans périphériques.
— Monsieur, appela un technicien, son visage tendu. Nous avons une brèche au niveau de l'accès sécurisé B, étage -2.
— Ace ne peut pas déjà être à ce niveau, fronça Maxime.
— Ce n'est pas elle, monsieur, répondit le technicien en faisant apparaître une image de surveillance. C'est...
Sur l'écran, une silhouette élégante progressait d'un pas assuré dans un couloir faiblement éclairé — Ava, un sourire calculateur aux lèvres, se dirigeant droit vers les commandes centrales du Protocole Chrysalide.
— Comment a-t-elle... ? commença Roxy.
— Les codes d'accès, comprit immédiatement Maxime. Elle a dû les voler il y a des semaines, peut-être des mois.
— Monsieur Montalban, intervint le chef de sécurité. Elle se dirige vers la chambre forte du sous-système Oméga.
Le sous-système Oméga. Le cœur technologique du Protocole Chrysalide, où étaient stockées toutes les données concernant la nature d'Antonia, ses évaluations, son potentiel. Une mine d'informations d’une valeur inestimable sur l'essence même de la Gourmandise.
— C'est ce qu'elle voulait depuis le début, réalisa Maxime, une colère froide montant en lui. Pas le chaos. L'information.
— Monsieur, alerta un autre technicien. Le sujet principal a atteint le niveau -1 et continue sa progression. Les barrières énergétiques... ne répondent plus.
Maxime fixa les écrans, son visage parfaitement immobile malgré la tempête qui se déchaînait en lui. D'un côté, Ace qui progressait inexorablement vers Antonia. De l'autre, Ava qui pillait les secrets les plus précieux de Superna Corps.
Et quelque part dans ce labyrinthe souterrain, Antonia, dont la nature même était l'enjeu de cette bataille silencieuse.
— Les capteurs ont détecté une anomalie thermique au niveau -3, Monsieur Montalban, annonça le chef de sécurité. Une baisse de température localisée, s'étendant progressivement.
— Elle est presque arrivée, murmura Roxy, une note d'émerveillement mêlée d'appréhension dans sa voix.
— Où est Irène ? exigea Maxime, son air composé commençant à s'effriter.
— Toujours avec Antonia, Monsieur. Elles sont entrées dans l'environnement Chrysalide il y a trois minutes.
— Et Ava ?
— Elle a atteint la chambre forte Oméga. Elle…
Le technicien hésita.
— Elle semble être en train de télécharger des données.
Maxime serra les poings, contemplant les options qui s'offraient à lui. Ace qui approchait d'Antonia, menaçant l'équilibre même qu'il s'efforçait de maintenir. Ava qui volait des informations cruciales, sapant les fondations de son pouvoir.
Il devait faire un choix.
— Activez le Protocole Chrysalide, niveau 2, ordonna-t-il. Verrouillez tous les accès au niveau -3. Et envoyez une équipe de sécurité pour intercepter Ava. Protocole de contention Delta.
Les techniciens s'exécutèrent avec une efficacité silencieuse, leurs doigts volant sur les claviers. Sur les écrans, des portes de sécurité se fermaient automatiquement, des champs de force s'activaient, créant un labyrinthe d'obstacles.
— Maxime, appela doucement Roxy. Regarde.
Il suivit son regard vers un écran périphérique. Dans un angle du niveau -1, presque invisible dans l'ombre d'un couloir, une silhouette attendait. Élancée, aux cheveux auburn, son visage à moitié dissimulé mais reconnaissable.
— Inès, murmura Maxime, comprenant soudain l'ampleur de la conspiration. Les jumelles ont travaillé ensemble. L'une pour créer la diversion, l'autre pour s'emparer de ce qu'elles convoitaient.
Sur un autre écran, Ava sortait précipitamment de la chambre forte, un petit dispositif de stockage à la main. Son visage reflétait une satisfaction prédatrice — l'Avarice qui venait de s'emparer d'un trésor inestimable.
Maxime ferma brièvement les yeux, concentrant sa volonté. L'Orgueil ne s'affolait pas devant les complications. Il les anticipait. Les maîtrisait.
— J'y vais, décida-t-il soudainement, se dirigeant vers la porte.
— Maxime ! appela Roxy, surprise. Que fais-tu ? Ava est en train de s'échapper avec les données !
— Laisse-la partir, ordonna-t-il, à la stupéfaction générale. Ce qu'elle a volé est précieux, mais ce n'est rien comparé à ce qui se joue entre Ace et Antonia.
Roxy le fixa, stupéfaite.
— Tu abandonnes les données ?
— Je priorise, corrigea-t-il. L'Avarice peut voler des informations, mais l'Absence et la Gourmandise qui se rencontrent... c'est l'équilibre même de notre existence qui est en jeu.
Une lueur de compréhension passa dans les yeux de Roxy. Ce n'était pas seulement une question de contrôle ou de protocole. C'était personnel. Familial. Aussi tordu que soit leur version de la famille.
— Je viens avec toi, déclara-t-elle.
— Non. Reste ici. Coordonne la défense. Si... si les choses tournent mal, tu sais quoi faire.
Un instant de communication silencieuse passa entre eux — des décennies de collaboration, de compréhension mutuelle, condensées en un regard.
Puis Maxime sortit, laissant Roxy face aux écrans qui montraient le chaos progressif envahissant Superna Corps.
Sur l'un de ces écrans, presque inaperçu dans la confusion générale, Ava et Inès se retrouvaient à un point de sortie secondaire, échangeant un bref sourire de victoire avant de disparaître dans les ombres.
L'Envie et l'Avarice avaient obtenu ce qu'elles désiraient — non pas la destruction de l'ordre, mais quelque chose qu'elles considéraient comme bien plus précieux : la connaissance même de ce qu'était la Gourmandise, dans son essence la plus pure.
Pendant ce temps, Maxime descendait vers le niveau -3, inconscient que dans sa détermination à contrôler la rencontre entre Ace et Antonia, il avait permis le vol le plus significatif de toute l'histoire de Superna Corps.
L'ascenseur était hors service — les systèmes électroniques ayant été affectés par la progression d'Ace. Maxime opta pour l'escalier de secours, descendant les marches avec une précision mécanique. Son esprit, habituellement si ordonné, était envahi de souvenirs qu'il avait longtemps réprimés.
Le jour où ils s'étaient tous éveillés à la conscience, émergeant du néant comme des concepts incarnés.
Les premières années, où ils avaient tenté de comprendre ce qu'ils étaient, ce qu'ils représentaient.
La décision de créer Superna Corps — une structure, un ordre pour contenir leurs natures chaotiques.
Et Ace... toujours à l'écart. Toujours résistante. Non par rébellion active, mais par nature même. L'Absence ne pouvait s'intégrer à aucun système sans le vider de sa substance.
Au niveau -1, il rencontra la première équipe de sécurité neutralisée — quatre hommes affalés contre un mur, profondément endormis. Leurs visages étaient paisibles, presque sereins, comme si l'Absence leur avait offert le plus doux des sommeils.
Au détour d'un couloir, son téléphone vibra soudainement. Un message crypté de Roxy : "Données Oméga compromises. Ava et Inès ont quitté le périmètre. Niveau de menace : Critique."
Maxime serra les dents. L'Avarice et l'Envie venaient de s'emparer des informations les plus sensibles concernant Antonia — des années de recherches, d'observations, d'analyses de la nature même de la Gourmandise. Entre leurs mains, ces données pourraient devenir une arme, un levier, un outil de manipulation.
Mais il ne pouvait pas se permettre de s'attarder sur cette trahison maintenant. Pas quand une menace bien plus immédiate se profilait.
Il continua sa descente, une inquiétude sourde grandissant en lui. Sur son téléphone, un nouveau message de Roxy clignotait : « Anomalie détectée dans l'environnement Chrysalide. Antonia en mouvement. »
Son cœur se serra. La petite avait-elle trouvé un moyen de s'échapper ? Ou était-ce Irène qui avait failli à sa mission ?
Il pressa le pas, atteignant finalement le niveau -3. Le couloir principal était plongé dans une semi-obscurité, seules les lumières d'urgence fonctionnant encore. L'air était significativement plus froid ici, comme si toute chaleur avait été aspirée.
En passant devant une porte entrouverte, il aperçut un éclair de mouvement. À l'intérieur de ce qui semblait être un centre de contrôle secondaire, Ava se tenait devant un terminal, ses doigts volant sur le clavier.
— Je croyais que tu étais partie, dit-il froidement, s'arrêtant dans l'encadrement de la porte.
L'Avarice se tourna vers lui, nullement surprise par son apparition.
— Tu pensais vraiment que je me contenterais des miettes, Maxime?
Son sourire était celui d'un prédateur.
— Les données étaient précieuses, certes, mais ce qui va se passer ici... ça, c'est inestimable.
Un frisson glacé parcourut l'échine de Maxime tandis qu'il comprenait enfin.
— Tu n'as pas seulement guidé Ace jusqu'à Antonia. Tu as désactivé les protocoles de sécurité.
Ava haussa élégamment les épaules.
— L'Avarice ne se contente jamais d'observer de loin. Je veux voir ce qui se produira quand l'Absence et la Gourmandise se rencontreront. Je veux être témoin de la naissance d'un nouveau paradigme.
— Tu joues avec des forces que tu ne comprends pas, siffla Maxime, avançant d'un pas menaçant.
—Au contraire, répondit-elle, reculant stratégiquement vers une sortie secondaire. Je suis peut-être la seule à comprendre vraiment ce qui est en jeu. L'équilibre ne vient pas du contrôle, Maxime. Il vient de l'interaction naturelle des forces.
Avant qu'il ne puisse l'atteindre, elle disparut dans le couloir obscur, sa voix flottant derrière elle comme un écho moqueur :
— Bonne chance pour récupérer les morceaux de ton empire, frère.
Maxime s'arrêta, partagé entre la poursuite d'Ava et l'urgence plus pressante d'atteindre Ace et Antonia. Au loin, il entendait des voix — ou plutôt, une absence de son qui semblait plus éloquente que n'importe quelle parole.
Il choisit de continuer, s'avançant vers la source de ce silence surnaturel. Il passa devant plusieurs portes ouvertes — des salles vides, abandonnées à la hâte. Le personnel avait évacué, conformément au protocole.
Finalement, il atteignit la porte principale de l'environnement Chrysalide. Elle était entrouverte — un mauvais signe. À l'intérieur, la reproduction parfaite de la chambre d'Antonia était vide, les draps du lit froissés comme si quelqu'un venait de se lever.
— Irène? appela-t-il, sachant déjà qu'il n'obtiendrait pas de réponse.
Son téléphone vibra à nouveau. Cette fois, c'était une alerte système :
"Protocole Chrysalide compromis. Défaillance système, niveau 5."
Une alarme silencieuse s'activa sur son téléphone — non pas sonore, mais une vibration continue qui signalait une brèche de sécurité maximale.
Maxime se précipita hors de la chambre, suivant son instinct plus que la logique. Le froid s'intensifiait à mesure qu'il avançait dans le couloir principal. Au loin, une porte marquée "Contrôle Chrysalide" était grande ouverte.
Il s'approcha avec précaution, tous ses sens en alerte. Une voix douce, presque chuchotée, lui parvint :
— Je t'ai vue dans mes rêves. Tu es celle qui a froid.
La voix d'Antonia. Suivie d'une réponse encore plus douce, à peine audible :
— Et tu es celle qui a faim.
Ace.
Maxime sentit une peur glacée l'envahir — non pas pour lui-même, mais pour l'ordre cosmique qu'il s'efforçait de maintenir. La rencontre qu'il avait passé des années à prévenir était en train de se produire, à quelques mètres de lui.
Il franchit les derniers pas et apparut dans l'embrasure de la porte. La scène qui s'offrit à lui sembla figée dans le temps — Ace, pâle et éthérée, se tenant face à Antonia, petite silhouette aux yeux brillant d'une intensité surnaturelle. Entre elles, l'air semblait vibrer d'une énergie contenue, ni chaleur ni froid, mais quelque chose de plus fondamental.
— Éloigne-toi d'elle, Ace, ordonna-t-il, sa voix tranchante brisant le moment.
Les deux têtes se tournèrent vers lui — l'une aux cheveux noirs comme la nuit, l'autre aux mèches châtain clair. Deux visages, si différents et pourtant liés par quelque chose de plus profond que l'apparence.
— Orgueil, murmura Ace, son ton dépourvu de surprise. Comme si elle l'avait attendu. Comme si sa présence était aussi inévitable que la sienne.
— Ce n'est pas ce que tu crois, continua-t-elle, sa voix à peine plus forte qu'un souffle. Ce n'est pas la destruction.
— Tu ne comprends pas ce que tu fais, répliqua-t-il, s'avançant d'un pas. Ta nature, la sienne... elles ne peuvent coexister.
— Comment peux-tu en être si sûr ? intervint Antonia, sa voix enfantine contrastant avec la sagesse ancienne qui brillait dans ses yeux. "As-tu déjà essayé ?"
Maxime fut momentanément désarçonné par la question directe, et l’absence de vouvoiement habituel. Son regard passa d'Ace à Antonia, cherchant les signes de l'influence que sa sœur aurait pu exercer sur la petite.
— Ce n'est pas une expérience que nous pouvons nous permettre, Antonia, répondit-il finalement. Si tu savais ce qu'elle est...
— Je sais exactement ce qu'elle est, coupa Antonia, une assurance troublante dans sa voix. Comme je sais ce que je suis. Ce que nous sommes tous.
Un frisson parcourut l'échine de Maxime. Comment pouvait-elle savoir? Il avait pris tant de précautions, veillé à ce qu'elle grandisse dans l'ignorance de sa véritable nature, guidée mais jamais pleinement informée...
— Qui te l'a dit? demanda-t-il, la colère perçant sous son masque de contrôle.
— Personne, répondit simplement Antonia. Je l'ai dévoré. Comme tout le reste.
Ces mots, prononcés avec une candeur enfantine, portaient pourtant le poids d'une vérité cosmique. La Gourmandise avait consommé la connaissance qu'il tentait de lui cacher — absorbant les indices, les fragments, jusqu'à reconstituer le puzzle complet.
Dans l'ombre d'un recoin, imperceptible aux trois protagonistes, Ava observait la scène avec une attention rapace. Ses yeux brillaient d'une avidité presque fébrile tandis qu'elle enregistrait chaque détail de cet instant historique avec un petit appareil dissimulé dans sa main.
— Ace, tenta Maxime une nouvelle approche, se tournant vers sa sœur. Tu sais ce qui s'est passé avec les Lambert. Ce que ta simple présence a fait à cette famille. Veux-tu risquer la même chose avec elle?
Une ombre de douleur passa sur le visage d'Ace — un rappel cruel de la tragédie qu'elle avait causée sans le vouloir.
— C'est différent, murmura-t-elle. Elle n'est pas comme eux. Elle n'est pas... fragile.
— Nous sommes complémentaires, ajouta Antonia, faisant un pas vers Ace. Pas opposées.
Maxime tendit une main, comme pour l'arrêter physiquement.
— Reste où tu es, Antonia, ordonna-t-il, une main tendue vers elle, l'autre pointant vers Ace qui se tenait immobile. Tu ne comprends pas ce qu'elle est. Ce qu'elle fait.
Antonia regarda tour à tour l'homme qui l'avait élevée et la femme aux yeux cyan qui hantait ses rêves. Une glaciale. Une brûlante. L'absence et la faim.
— Je comprends parfaitement, dit-elle simplement. Mieux que vous tous.
Et avant que Maxime puisse réagir, elle franchit la distance qui la séparait d'Ace, tendant sa petite main vers celle, pâle et fine, de l'Absence.
— Non! s'écria Maxime, s'élançant en avant.
Trop tard.
Leurs doigts se frôlèrent, et le monde sembla retenir son souffle. Maxime ferma les yeux, attendant l'effacement, l'extinction, le néant.
Mais ce qui se produisit fut tout autre chose.
Là où la faim dévorante d'Antonia rencontra le vide absorbant d'Ace, il n'y eut pas destruction, mais reconnaissance. Pas annihilation, mais résonance. Comme si deux moitiés longtemps séparées retrouvaient enfin leur complémentarité.
— Impossible, murmura Maxime, observant avec stupéfaction le phénomène qui se déroulait devant lui.
Dans son coin d'ombre, Ava étouffa une exclamation, ses yeux s'écarquillant devant le spectacle. Ce qu'elle voyait dépassait ses attentes les plus audacieuses — une transformation, une synthèse qu'elle n'aurait jamais cru possible.
Autour d'Ace et d'Antonia, l'air semblait vibrer d'une énergie nouvelle — ni l'absence dévorante, ni la faim insatiable, mais quelque chose d'autre. Quelque chose de... créatif.
Les lumières, qui s'étaient éteintes au passage d'Ace, commencèrent à scintiller à nouveau, mais différemment — plus vives, plus claires, comme nourries par une nouvelle source d'énergie.
Maxime recula d'un pas, son esprit luttant pour comprendre ce qu'il voyait. Tout son modèle du monde, toute sa compréhension soigneusement construite de leurs natures, s'effondrait devant cette simple vérité : l'Absence et la Gourmandise, loin de s'annihiler mutuellement, se complétaient.
— Qu'avez-vous fait? demanda-t-il, sa voix à peine audible.
Ace et Antonia se tournèrent vers lui d'un même mouvement, leurs visages illuminés par une compréhension nouvelle.
— Nous n'avons rien fait, Orgueil, répondit doucement Ace. Nous avons simplement cessé de résister à ce qui est.
— Ce qui a toujours été, ajouta Antonia, sa petite main fermement serrée dans celle d'Ace. Le vide qui crée l'espace pour la faim. La faim qui donne un sens au vide.
Une alarme retentit soudain dans le bâtiment — stridente, insistante. Sur les écrans de contrôle encore fonctionnels, des alertes rouges clignotaient.
— Superna Corps est en train de s'effondrer, constata Maxime, un calme étrange l'envahissant malgré la catastrophe imminente. Tout ce que j'ai construit...
— Pas s'effondrer, corrigea Antonia, son regard trop ancien pour son jeune visage. Se transformer.
Dans l'ombre, Ava s'éclipsa silencieusement, son trésor d'informations et d'images sécurisé. Ce qu'elle venait d'observer valait plus que toutes les données volées. L'Avarice venait de s'emparer d'une connaissance que l'Orgueil avait toujours refusé d'envisager : la possibilité de transcendance.
Antonia fit un pas vers Maxime, entraînant Ace avec elle.
— Viens avec nous, proposa-t-elle, tendant sa main libre.
Pour la première fois de sa longue existence, Maxime Montalban, l'incarnation de l'Orgueil, se trouva face à un choix qu'il n'avait pas prévu, une option qu'il n'avait pas calculée.
Abandonner le contrôle.
Il fixa cette petite main tendue, sentant le poids écrasant des décennies d'ordre imposé, de structure maintenue par pure volonté.
— Je ne peux pas, murmura-t-il finalement. Ce n'est pas ce que je suis.
Antonia hocha la tête, une compréhension au-delà de ses années dans son regard.
— Alors nous reviendrons, promit-elle. Quand tu seras prêt.
Maxime les observa tandis qu'elles passaient devant lui, main dans la main — l'Absence et la Gourmandise, unies non dans la destruction mais dans une harmonie qu'il n'aurait jamais crue possible.
Il ne fit rien pour les arrêter. Comment l'aurait-il pu? Pour la première fois, il voyait la limite fondamentale de l'Orgueil : l'incapacité à reconnaître qu'il existait des forces au-delà de son contrôle, des vérités au-delà de sa compréhension.
Alors qu'elles s'éloignaient dans le couloir, les lumières ne s'éteignirent pas sur leur passage. Au contraire, elles semblaient briller d'un éclat nouveau, plus riche, plus profond.
Maxime resta seul dans la salle de contrôle, entouré des débris de son ordre parfait. Sur les écrans encore fonctionnels, il pouvait suivre leur progression — à travers les couloirs, dans les escaliers, traversant le hall principal où le personnel évacué les regardait passer avec un mélange de crainte et d'émerveillement.
Personne ne tenta de les arrêter. Pas même Irène ou Roxy, qui les observaient depuis le centre de commandement, leurs visages reflétant une compréhension nouvelle.
Dans un dernier geste de défi, ou peut-être d'acceptation, Maxime désactiva tous les protocoles de sécurité restants. Les portes s'ouvrirent. Les barrières s'abaissèrent. Le chemin vers l'extérieur s'éclaira.
Ace et Antonia émergèrent dans la pluie parisienne, leurs silhouettes se découpant contre le ciel gris. La grande et la petite. L'Absence et la Faim. Main dans la main, elles s'éloignèrent de Superna Corps, laissant derrière elles non pas le chaos que Maxime avait tant redouté, mais quelque chose de différent.
Une possibilité.
Quelques rues plus loin, dans une voiture de luxe aux vitres teintées, Ava regardait les données défiler sur son écran portable. À côté d'elle, Inès observait les images de la rencontre entre Ace et Antonia, un sourire pensif aux lèvres.
— Tu avais raison, murmura Inès. C'était plus précieux que tout ce que nous aurions pu imaginer.
Ava hocha la tête, ses yeux brillant d'une lueur calculatrice.
— L'équilibre a changé, dit-elle doucement. Et nous sommes les seules à savoir exactement comment.
La voiture s'éloigna silencieusement dans la pluie, emportant avec elle les graines d'un futur que même l'Orgueil n'avait pas pu prévoir.
Seul dans son empire fracturé, Maxime Montalban, l'Orgueil incarné, fit face à une réalité qu'il avait passé des décennies à nier : parfois, le véritable ordre naît non pas du contrôle, mais de l'acceptation de ce qui est plus grand que soi.
Et quelque part dans Paris, sous la pluie qui lavait la ville, l'Absence et la Gourmandise marchaient ensemble, explorant un nouveau chemin que ni l'une ni l'autre n'aurait pu trouver seule.

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