Chapitre 6 : Promesses
Le ciel de fin d’après-midi était d’un bleu poudré, parsemé de nuages pâles qui glissaient lentement comme des souvenirs. Maya marchait dans la rue, ses pas lents, mesurés. Elle portait une écharpe crème autour du cou, pas tant pour la chaleur que pour le réconfort familier qu’elle lui procurait. Les voitures défilaient dans un fond sonore constant, mais elle n’entendait que le battement irrégulier de son cœur.
Elle s’arrêta devant l’immeuble de Leo. C’était un bâtiment modeste, avec une petite entrée en brique et un escalier grinçant qu’elle connaissait presque par cœur maintenant. Elle monta doucement, prenant le temps de sentir chaque marche sous ses pieds.
Arrivée devant la porte de son appartement, elle frappa deux fois, hésita, puis leva la main pour frapper une troisième fois — quand la porte s’ouvrit.
— Maya, dit Leo dans un souffle.
Il était là, debout, vêtu d’un simple pull noir et d’un jean, les cheveux en bataille, comme s’il avait tourné en rond dans le salon depuis des heures. Ses yeux trahissaient un mélange d’appréhension et de soulagement.
— Salut, murmura-t-elle.
— Entre, s’il te plaît.
Elle entra. L’appartement était baigné d’une lumière douce, celle d’une lampe à abat-jour dans un coin et de guirlandes lumineuses suspendues au-dessus du canapé. Une bouilloire sifflait doucement dans la cuisine ouverte.
— Tu veux du thé ? proposa-t-il.
— Oui, avec du miel si tu as.
Leo hocha la tête, disparut un instant dans la cuisine. Maya en profita pour faire quelques pas dans la pièce. Sur la table basse, elle reconnut leur carnet commun — celui qu’ils avaient commencé à remplir tous les deux, page après page, mot après mot.
Leo revint avec deux mugs fumants et s’assit à côté d’elle. Le silence s’installa, pas pesant, mais attentif. Comme si chacun attendait que l’autre ouvre une brèche.
— Tu vas mieux ? demanda-t-il doucement.
Maya hocha la tête.
— Je crois. C’est confus, parfois. Mais… je pense que je commence à comprendre ce que je ressens.
Elle le regarda dans les yeux.
— Tu m’as manqué. Pas seulement comme petit ami, mais comme… ancrage.
Leo baissa les yeux, un sourire discret naissant au coin de ses lèvres.
— Moi aussi. J’ai essayé de faire semblant que tout allait bien. Mais sans toi, tout sonne faux.
Ils burent quelques gorgées de thé en silence. Puis Maya reprit, sa voix plus assurée :
— J’ai passé des années à me cacher derrière les livres, les projets, les rêves trop grands. C’était plus facile que d’affronter les choses que je ne contrôle pas.
— Comme moi, dit Leo. J’écris au lieu de parler. Et je me tais quand je devrais crier.
Elle sourit, un sourire vrai.
— On est un peu cassés, toi et moi. Mais on colle les morceaux ensemble, non ?
Leo la regarda longuement.
— Oui. Et c’est ce qui nous rend réels.
Il se pencha vers la table, ouvrit le carnet, tourna les pages, puis prit un stylo et écrivit en silence. Lorsqu’il eut terminé, il poussa doucement le carnet vers elle.
Elle lut à voix haute :
— « Je te promets de ne plus te laisser deviner ce que je ressens. Je te promets des mots, même maladroits. Je te promets d’être là, même quand c’est flou. »
Maya sentit une boule dans sa gorge. Elle prit le stylo à son tour et écrivit sous ses mots :
« Je te promets de ne plus me taire. Je te promets d’aimer sans me cacher. Je te promets d’oser, même si j’ai peur. »
Elle posa le stylo, puis releva les yeux vers lui.
— Ce n’est pas une promesse parfaite.
— Rien entre nous ne l’a jamais été. Et c’est pour ça que c’est vrai, répondit-il.
Un silence. Puis Leo avança doucement sa main vers la sienne. Elle la prit, naturellement. Et sans rien dire de plus, il se pencha et l’embrassa.
Un baiser tendre. Lent. Profond. Un baiser qui n’était pas une fin mais un point d’ancrage. Un retour à ce qu’ils étaient, à ce qu’ils avaient décidé de devenir ensemble.
Quand ils se séparèrent, Maya posa son front contre celui de Leo.
— On a encore beaucoup à apprendre.
— Tant mieux, répondit-il. Je veux tout apprendre de toi. Encore et encore.
Et ce soir-là, entre les tasses de thé refroidies, les pages griffonnées et les regards silencieux, Maya sut une chose essentielle : parfois, les promesses n’ont pas besoin d’être parfaites — il suffit qu’elles soient tenues.

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