Autopsie

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Toulouse, Hôtel de Police

Samira Saada rentrait juste de la pause déjeuner avec son groupe quand son portable vibra dans la poche de son blouson. Ce n’était pas l’appareil utilisé pour son travail, mais un simple téléphone réservé aux appels privés. La capitaine laissa ses collègues rejoindre les bureaux et resta devant le bâtiment pour prendre la communication. Le numéro affiché lui était inconnu.

« Salut Samira, déclara une voix en arabe maghrébin.

— Capitaine Saada, s’il te plait, répondit l’intéressée en français.

— C’est le père d’un fils assassiné qui te parle, nous sommes presque cousins.

— Sincères condoléances. Ce n’est pas parce que nos parents sont nés dans la même région que nous sommes cousins.

— Samira, Capitaine, comme tu voudras, j’ai besoin de savoir ce qui est arrivé à Khaled. Tu comprends ça ?

— L’enquête ne fait que commencer, nous aurons les premières conclusions après l’autopsie en début de soirée. Au fait, comment as-tu ce numéro ?

— Nous vivons dans la même communauté Samira, que cela te plaise ou non. Nous avons des parents ou des amis communs.

— Des parents, peut-être, mais des amis ça m’étonnerait.

— Sam, je sais ce que tu penses de moi, mais je te demande aussi cela pour Fatima, sa mère. Mets-toi à sa place.

— Sincèrement, je compatis et je partage votre peine, mais il est hors de question que je t’aide à lancer une vendetta. Je vais faire un geste, je passerai demain à ton bureau avec l’officier qui dirige l’enquête, ce n’est pas moi. Elle te dira ce que tu as le droit de savoir en tant que père de la victime, mais je te préviens, si une guerre de gangs se déclenche à Toulouse, nous serons intraitables et je saurai où chercher en premier. »

Deux heures plus tard, Juliette était de retour. Elle passa par l’open-space où le groupe de Sam travaillait.

« Tu as un moment ? demanda-t-elle à sa collègue.

— Alors, comment ça s’est passé ?

— Ce n’était pas très beau à voir. Je te passe les généralités, rien de particulier à noter, à part des traces de cannabis dans le sang, mais ce n’est pas une surprise puisque le môme fumait pas mal. On a retrouvé tout le matos dans le camion. Pas d’autre trace de stupéfiant ni d’alcool. La blessure mortelle par contre est intéressante. Selon le docteur Doumeng, l’assassin a utilisé un couteau à lame longue et épaisse, parfaitement affutée. La blessure part sous l’oreille gauche et se termine sous la droite. Il y a des ecchymoses sous le menton, ce qui laisse penser que le meurtrier a d’abord tiré la tête en arrière avant de frapper. Un geste semi-circulaire qui a tout tranché jusqu’aux vertèbres. Pour le légiste, c’est une technique de commando, pas de voyou de la rue. L’assassin est probablement droitier, mais ça ne nous aide pas beaucoup.

— De toute évidence, l’acte était prémédité. Le meurtrier attendait sa victime dans le véhicule et il a filé aussitôt. Tu as reçu les vidéo-surveillances.

— Oui, la police municipale nous a fait parvenir toutes celles du quartier jusqu’à Saint-Sernin. Lacaze les a parcourues rapidement. On a la confirmation de ce que les témoins ont déclaré. On voit le type sortir du métro Jeanne d’Arc, puis il a traversé la rue et il a forcé la serrure du fourgon, à peu près trente minutes avant que le garçon ne vienne prendre son café. Cinq minutes plus tard, on le voit ressortir à l’arrière et partir en marchant tranquillement vers la basilique. Pas la peine de me demander, à aucun moment il n’est identifiable. Tenue noire, similaire à celle de tous les employés de surveillance, pas de marque ou logo visibles. Il porte une casquette à visière longue baissée sur les yeux et un masque anti-virus.

— Tu as contacté Tisséo ? S’il est arrivé en métro, il est possible qu’on le repère sur les quais.

— Je vais demander à Lacaze de s’en occuper. On peut aussi prolonger le pistage après Saint-Sernin, il y a pas mal de caméras dans le secteur.

— Il est peut-être retourné vers la station Capitole, pour repartir comme il est arrivé.

— Je vais demander les vidéos des banques, il y en a plusieurs rue d’Alsace-Lorraine, le point de vue est plus proche du sol. Il aura peut-être enlevé son masque après s’être éloigné du boulevard.

— Bon, comme je le préssentais ce matin, j’ai reçu un appel du père de la victime, Aboubaker Belkacem. Il a joué sur la corde sentimentale pour essayer de me soutirer des infos. Je lui ai dit qu’on passerait le voir demain tous les deux. J’espère que ça ne te dérange pas que j’aie pris cette initiative.

— Au contraire, j’aime autant que tu m’accompagnes. Il aurait fallu le faire de toute façon. Et puis, nous n’avons rien d’autre pour le moment. Je ne sais pas si Ange t’en a parlé, mais le procureur en personne a pris des nouvelles dès ce matin. Il craint les éventuelles réactions aux Izards, histoire de nous mettre un peu de pression.

— C’est sûr que Belkacem ne va pas rester les bras croisés. Ses gars doivent déjà être en train de battre le pavé dans les quartiers, mais il n’a pas envie qu’on envoie les CRS sur son domaine. Ce n’est jamais bon pour le business.

— Dès qu’il aura une idée de qui est derrière le meurtre de son fils, il y aura des représailles, c’est évident.

— Sauf si le coup vient de chez lui, mais j’en doute, ça se passera ailleurs.

— Je vais faire passer le mot aux BST, au GSP et aux BAC *. Je vais aussi prévenir la police municipale.

— Pour les municipaux, il vaut peut-être mieux que tu laisses Ange s’en charger. »

* BST : Brigade Spécialisée de Terrain, GSP : Groupe se Sécurité de Proximité, BAC : Brigade Anticriminalité

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