Hypothèses

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Toulouse, Hôtel de Police

Juliette et Samira faisaient le point sur les avancées dans les investigations dans le bureau du commissaire. Ange avait choisi de laisser ses deux capitaines travailler en parallèle afin de démultiplier les ressources et progresser plus vite. Il savait qu’ils étaient maintenant tous pris dans une course de vitesse entre deux adversaires implacables. Il rendait compte tous les jours au Procureur de Mazière qui ne se privait pas de faire peser sur lui la pression descendant des élus. La connexion entre les dossiers devenait évidente pour les policiers et les conclusions de Juliette Delhuine confirmèrent le point.

« Nous avons passé beaucoup de temps à examiner les images des caméras de la ville et du métro et nous avons maintenant quelques certitudes. On a le véhicule qui a servi à enlever la fille sur le boulevard Matabiau lundi soir. On voit ce même véhicule, un vieux Renault Master complètement taggué, qui remonte le canal depuis les Minimes jusqu’à l’endroit où on a retrouvé le corps, puis qui repart vers la rocade au sud. On n’a pas d’image du lieu précis où le corps a été balancé, malheureusement, mais le timing correspond à un arrêt d’une dizaine de minutes entre le port Saint Sauveur et le pont des Demoiselles. Une patrouille a retrouvé un véhicule de même type incendié sur un terrain vague à la Reynerie. Lacaze continue de visionner les images pour trouver par où il est passé entre l’enlèvement et le canal. Il s’est quand même écoulé plus d’une heure. Pour le rapt proprement dit, ça s’est sûrement produit sur le quai entre la rue Matabiau et la rue de la Concorde. On repère le camion qui tourne à gauche au niveau du pont Matabiau puis trois hommes qui arrivent à pied. Deux traversent côté canal, l’autre reste près de l’angle de la rue. On ne distingue pas bien les deux premiers, mais le troisième type, le guetteur sans doute, est très grand, probablement Africain. Au bout de trois minutes à peu près, on le voit partir en courant dans la direction qu’à pris le véhicule. L’angle de la caméra ne permet pas de voir plus loin. Pagès m’a expliqué qu’il y avait un café dans le secteur, vers la place Roquelaine, qui servait de point de ralliement des filles du quartier. Il m’a proposé d’aller trainer un peu dans le coin. Il devrait me recontacter ce soir ou demain.

— Bien, on a déjà un timing, conclut le commissaire, si Belkacem est à l’origine de l’enlèvement de la fille, il est probable qu’ils l’auront amenée sur leur territoire, au nord des Minimes, ce qui est cohérent avec le retour du véhicule.

— Oui, confirma Sam, Abou dispose de pas mal de locaux entre les Minimes et les Izards, plus ou moins occupés, qu’il utilise pour son business.

— Tu as quelque chose dans le métro ? demanda Ange.

— On voit le tueur monter dans une rame à la station Capitole, direction Basso-Cambo. La caméra de la rame le montre tranquillement installé, mais il a gardé son masque et sa casquette. Il est descendu au terminus et s’est dirigé vers le parking-relais. On le perd un moment, mais il n’y a que cinq ou six voitures qui passent les bornes de sortie dans les minutes qui suivent. On a les images des barrières et les immatriculations. Une d’entre elles est fausse. Le véhicule correspondant est une Range Rover Evoque noire.

— Il ne doit pas y en avoir des dizaines sur Toulouse, commenta Ange. Envoie quelqu’un chez le concessionnaire, on ne sait jamais. C’est tout pour cette voiture ?

— Pour le moment, oui. On peut essayer de la pister, mais dans les quartiers périphériques, on n’a pas trop de chances.

— OK, on a déjà assez avec le fourgon. Et sur Rangueil ?

— Je laisse Sam te faire le compte-rendu.

— On a la scène en direct, ou presque ! Le parking où a été retrouvée la femme poignardée est bien couvert par les caméras. On voit un homme assez jeune, genre étudiant, ce qui en soi est banal sur un campus, qui traverse le parking en se retournant à plusieurs reprises avant de s’arrêter et de faire face. Deux individus arrivent rapidement, un homme et une femme. La femme est notre blessée. Un autre groupe arrive par derrière, deux hommes et une femme déployés. C’est la fille du commando qui poignarde l’autre, d’un coup porté latéralement. Puis l’un des deux hommes sort un flingue et braque l’autre type, un blond. Le premier homme fait un signe de la main et un véhicule s’approche. Ils forcent le blond à rentrer dans le coffre et se barrent en voiture, laissant la blessée sur place. On la voit ramper jusqu’à l’endroit où on l’a retrouvée et téléphoner. Le véhicule est un Duster noir. Fausses plaques également. Il est parti vers la rocade. On n’a pas cherché plus loin à ce stade. Les images sont d’assez bonne qualité. Pour moi, c’est une souricière. Le blond et la fille en avaient après l’étudiant, possiblement un maghrébin, mais ils n’avaient pas prévu que le gars avait des copains.

— Tu ne nous as pas dit que les urgentistes n’avaient rien trouvé sur elle quand ils l’ont ramassée ?

— Merde, le téléphone ! Tu as raison. Il a dû rester sur place. Je vais envoyer une équipe regarder, on ne sait jamais.

— Tu ne pouvais pas le savoir avant d’avoir visionné les images.

— On aurait dû mieux analyser la scène de crime. J’ai suivi la fille trop vite.

— On ne refera pas l’histoire, concentrons-nous sur ce que nous avons. Qu’est-ce que ça nous dit, tout ça ? demanda Ange.

— Ce que l’on craint depuis le début, répondit Juliette. On a deux groupes qui se rendent coup pour coup. D’un côté des caucasiens, qu’on appellera les Russes par facilité, et de l’autre des maghrébins, sans doute le clan Belkacem. Tu es d’accord, Sam ?

— Oui. Belkacem tient une bonne partie du trafic de drogues sur les campus de la ville. Il contrôle aussi la prostitution à Matabiau. Un groupe rival veut lui faire peur, les Russes, pour reprendre l’hypothèse de Juliette, et tue le fils pour intimider le père. Le meurtre dans le camion correspond à la méthode d’un ancien commando et les militaires russes se recyclent souvent dans ce genre de jobs. Ils veulent aussi le marché de Rangueil et s’en prennent à un dealer. Malheureusement pour eux, Belkacem a anticipé le coup et le gars est protégé. Belkacem a lui aussi voulu renvoyer un message en s’en prenant à la fille du canal, mais là ça a dérapé.

— Tout ça se tient, conclut Ange, mais qui tire les ficelles à l’Est ?

— Ça, pour le moment, c’est la question à mille euros !

— Je vais remonter ça au proc. De votre côté, on cherche la Range Rover, enquête de voisinage du côté de la place Roquelaine au cas où quelqu’un aurait remarqué quelque chose lundi soir et on essaie d’identifier la fille blessée, sans oublier son téléphone. Autre chose ?

— Oui, la piste du camion, compléta Juliette.

— Exact. Au travail, on refait un point demain matin ! »

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