Le repos de la guerrière

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Vieille-Toulouse, Villa Tolosa

Selima se débarrassa de la serviette et se glissa dans l’eau chaude bouillonnante. Elle était la seule occupante de cette villa dont la propriétaire avait été heureuse de trouver une cliente à cette période de l’année. Depuis un cybercafé de Carcassonne, il ne lui avait pas été difficile de trouver cette chambre d’hôte, à proximité du golf de Vieille-Toulouse. Elle avait réservé pour toute la semaine, payant d’avance et en liquide, prétextant un déplacement professionnel imprévu. L’hotellière n’avait pas posé de question et lui avait remis la clé, après lui avoir fait visiter les lieux et expliqué le mode d’emploi du jacuzzi.

Selima avait décidé de mettre à exécution le plan élaboré quelques jours plus tôt. Elle retournerait sur le parking du golf le lendemain pour affiner sa stratégie et s’assurer que rien n’avait changé depuis la semaine précédente. Si tout se passait comme prévu, la famille Belkacem serait vengée et elle serait libérée de son engagement. Où irait-elle ensuite ? Elle ne s’était pas encore vraiment posé la question. Elle avait un peu d’argent disponible, une voiture, certes modeste, mais anonyme. Pourquoi pas retourner à Alicante ? Au moins pour quelque temps, Radouane accepterait sans aucun doute de l’héberger. La semaine précédente, la jeune femme avait senti qu’elle ne le laissait pas indifférent et il lui avait précisé qu’il était maintenant sans attaches. Oui, c’était une bonne idée. Dès mercredi, elle prendrait la route sans attendre, sitôt le contrat exécuté.

Selima se laissa couler au fond du bassin, le corps secoué par la multitude de bulles et de jets. Elle sentit une agréable sensation qui montait de son ventre. Elle émergea et fit descendre sa main entre ses cuisses. Elle se rappela le temps de ses classes, dans une caserne de Tripoli. Elle n’avait que quinze ans, mais ce n’était pas trop jeune pour le Colonel. Elle n’avait jamais été appelée par le « Frère Guide », cependant toutes les filles du dortoir fantasmaient sur le sujet. Officiellement, les amazones avaient pour mission la protection rapprochée du dictateur, mission qui se poursuivait assez souvent jusqu’à la couche de Kadhafi, sous une tente dans le désert. Selima était encore une cadette à cette époque, elle apprenait le maniement des armes modernes aussi bien que des armes blanches, le combat rapproché à mains nues ainsi que diverses autres façons de donner la mort, comme l’utilisation de substances toxiques. Plusieurs instructeurs étaient russes et l’apprentissage des langues étrangères faisait également partie du cursus. La jeune guerrière avait perdu sa virginité très tôt, avec un capitaine de l’état-major. Une étreinte rapide et sans plaisir qui lui avait laissé un goût amer. Sa voisine de lit avait su la consoler en lui faisant découvrir des parties encore inconnues de son anatomie. À cette évocation, sa main se fit plus caressante, insistant sur le bouton sensible. L’orgasme vint rapidement et comme le plaisir s’estompait, la tension des derniers jours se dilua dans l’eau chaude. Pour la première fois depuis qu’elle avait repris le volant d’un camion en direction de l’Espagne, elle se sentit détendue, prête pour envisager une nouvelle vie.

Elle sortit de l’eau, se sécha, puis appliquant les consignes, remit en place les protections isothermes du spa. De retour dans sa chambre, elle s’habilla d’une tenue passe-partout, peu désireuse de se faire remarquer dans le secteur. Elle songea un instant à aller prendre un verre au club-house du golf, mais renonça, là encore pour ne pas laisser de souvenir à un serveur trop zélé. Elle choisit plutôt l’invisibilité dans la zone commerciale de Portet, profitant de l’occasion pour effectuer quelques emplettes complémentaires. Dans une grande surface de sport, elle acheta un ensemble de jogging gris sombre, ainsi qu’une paire de sneakers assortie, ainsi qu’un bonnet noir. Elle prit également un petit sac à dos pour y dissimuler le Glock. L’heure de diner étant venue, elle s’arrêta dans une pizzeria banale, n’ayant besoin que d’un peu de nourriture chaude. Il n’était pas encore vingt et une heures quand elle se retrouva dans sa chambre. « Le sommeil est une arme », avait dit un jour l’un de ses instructeurs. Elle se glissa entre les draps et s’endormit aussitôt.

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