Investigations

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Toulouse, Quartier des Izards

Avant de parler avec Aboubaker Belkacem, Kamel préférait avoir au moins quelques réponses aux questions qu’Abou ne manquerait pas de lui poser. Il s’arrêta sur le seuil de la petite pièce réservée à Meriem. Le lieutenant d’Abou avait un petit faible pour la jeune femme qui avait fermement tourné le dos aux traditions du pays pour s’intégrer au mieux dans la société française. Née à Toulouse, elle était vaguement apparentée à son patron, ce qui lui évitait d’être importunée par les hommes qui gravitaient autour de l’entreprise. Elle avait réussi à aller à l’université, au Mirail, et disposait d’assez de connaissances pour rendre des services dépassant le rôle officiel de secrétaire qui lui avait été attribué.

Meriem terminait de classer des documents administratifs dans des dossiers, qu’elle rangea soigneusement derrière son bureau.

« Meriem, demanda Kamel, est-ce que tu aurais quelques minutes à me consacrer ?

— Bien sûr, répondit-elle avec un sourire lumineux. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

— J’aimerais que tu fasses une recherche sur internet. Alexander Leonorov, il habiterait à Vieille-Toulouse.

— C’est le Russe qui a tué Khaled ?

— Probablement pas personnellement, mais il pourrait être le commanditaire.

— Laisse-moi deux minutes, le temps de regarder ça. »

La jeune femme tapa quelques touches sur son clavier. Kamel en profita pour contourner son bureau et regarder par-dessus son épaule.

« N’en profite pas pour mater mes nichons, dit-elle sur le ton de la plaisanterie ou je le dis à Abou. »

Une page de références s’afficha sur l’écran de Google.

« J’ai plusieurs entrées correspondant à Alexander Leonorov, dont deux sur Toulouse. Les autres sont en Russie ou d'autres régions.

— Commençons par Toulouse.

— Un article de la Dépêche, qui date de deux mille dix-huit : « L’homme d’affaires Alexander Leonorov rachète le groupe Daurat pour la somme de cinq cent cinquante millions d’euros. Daurat est un fournisseur d’équipements aéronautiques…. ». Et ici, dans le bulletin municipal de Vieille-Toulouse, en janvier deux mille dix-neuf : « Lors du dernier conseil municipal, des élus de l’opposition municipale ont contesté le permis de construire accordé à Alexander Leonorov, se basant sur des irrégularités et des lacunes dans le dossier présenté ». Sur la page suivante, on trouve les habituels sites d’informations financières qui reprennent tous les mêmes infos à propos de Daurat.

— Rien qui fasse état de Leonorov dans des affaires judiciaires ou des faits divers ?

— Non, en tout cas rien de récent sur la région. Je peux modifier la recherche pour inclure des éléments plus privés.

— Vas-y !

— Tiens, voyons si c’est le même Leonorov. Dans Nice-Matin, en deux mille dix-sept : « Alexander Leonorov, bien connu dans la communauté Russe de la région à annoncé ses fiançailles avec l’ancienne mannequin Olga Pavlova. Cette annonce a été faite lors d’une réception donnée dans la villa de l’homme d’affaires ». Il y a une photo. On dirait bien que c’est le même homme.

— Il a bon goût, elle est bien gaulée !

— Vous les mecs, vous ne pensez qu’à ça.

— Tu peux m’imprimer ça, surtout les photos et les porter dans le bureau d’Abou, je vais faire le point avec lui.

— Tu peux y aller, il est seul. »

Kamel frappa et attendit l’invitation pour entrer. Le lieutenant resta quelques instants à regarder l’homme assis derrière le bureau. Il paraissait avoir vieilli de dix ans en quelques jours.

« Ça va Abou ? Tu as l’air fatigué.

— Je n’ai pratiquement pas dormi depuis dimanche. J’espère que tu m’apportes de bonnes nouvelles. Dis-moi que tu as identifié l’assassin de mon fils.

— Je n’ai pas celui qui tenais le couteau, pas encore, mais je crois savoir qui en donné l’ordre.

— Parle alors ! lança Belkacem avec agacement.

— Alexander Leonorov, ça te dit quelque chose ?

— Un Russe, bien sûr, je ne crois pas avoir entendu parler de lui.

— Ce n’est pas très étonnant, vous ne vivez pas vraiment dans le même monde. »

À ce moment, Meriem entra avec les pages imprimées.

« Voilà ce que nous avons trouvé.

— Comment l’as-tu identifié ?

— Nous avons intercepté le gars qui voulait supplanter Yassine à Rangueil. Il a fallu un peu insister, mais il nous a donné le nom de son patron.

— Qu’est-ce que vous en avez fait ?

— Pour le moment, il est dans la boutique, aux Minimes, mais Youssef s’en débarrassera cette nuit.

— Il est mort ?

— Oui, Selima l’avait déjà pas mal abimé pour le rendre bavard. C’était plus charitable d’abréger ses souffrances.

— Selima ! Cette fille est une sacrée tigresse. Elle vaut mieux que ce que Youssef lui fait faire.

— Elle a été à une bonne école.

— On en reparlera, qu’est-ce que tu prévois pour la suite ? On ne s’arrête pas là maintenant qu’on sait qui tire les ficelles.

— On ne connait pas de famille directe à Leonorov. On ne peut pas lui prendre son fils, mais il semble qu’il ait une jolie femme.

— Je ne sais pas si le Prophète considère qu’une femme vaut un fils, mais si c’est tout ce qu’on a, on fera avec. Envoie des gars surveiller les habitudes autour de la propriété de ce Russe.

— Tu connais Vieille-Toulouse ? Nos hommes se feront remarquer en moins de quinze minutes. Des femmes seront plus discrètes.

— Des femmes ? Quelles femmes ?

— Selima justement, elle peut tout à fait se faire passer pour une Européenne et on pourrait proposer à Meriem de l’accompagner.

— Hum, ça sort un peu de nos schémas habituels, mais tu as peut-être raison, on ne risque pas grand-chose en essayant. »

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