Epicerie solidaire

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Toulouse, Hôtel de Police et Quartier des Minimes

Juliette Delhuine ayant déjà assuré la permanence du week-end précédent, c’est Samira qui se trouvait ce samedi matin dans le bureau du commissaire.

« Je sais que nous sommes samedi et que la plupart des effectifs sont absents, commença Ange, mais je ne veux pas laisser passer deux jours avant de lancer quelques recherches sur cet Igor Polounin. Je voudrais que tu voies dans les fichiers de la préfecture depuis quand il est en France et son parcours depuis son entrée sur le territoire. Lance également une recherche auprès d’Interpol pour demander s’il y a quelque chose sur lui dans d’autres pays. Enfin, prends contact avec la DGSI, vérifie s’il a des antécédents qui auraient justifié une surveillance particulière.

— Pas de problème, je vais m’en occuper dès ce matin, mais je ne sais pas si nous aurons beaucoup de réponses avant lundi.

— Ce sera encore plus long si on attend avant de poser les questions ! On a du nouveau sur le secteur des Minimes ?

— On a obtenu une liste de locaux commerciaux et de maisons appartenant au clan Belkacem. Il y a en particulier un truc intéressant, rue Bourbaki. C’est une ancienne épicerie, aujourd’hui fermée. On a envoyé des gars interroger les voisins. Ils ont rapporté qu’il y avait parfois des allées et venues, surtout la nuit. La localisation colle avec les vidéos du camion.

— Ils n’ont rien remarqué de particulier aux dates qui nous intéressent ?

— Non, personne n’a vu le camion taggué.

— En même temps, ils ne sont pas complètement cons, ils doivent prendre un minimum de précautions. Contacte Madur, demande lui son accord pour aller visiter cette boutique. Prévois une équipe de techniciens. Si la fille ou le Russe ont été abattus dans ce local, il doit forcément rester des traces, même s’ils ont fait le ménage. Et même si c’est trop propre, ce sera déjà un signal. Fais-moi signe quand tout sera prêt, je t’accompagnerai, je n’ai rien d’autre à faire aujourd’hui, ça me fera prendre l’air.

— Je vais appeler le substitut, le temps de prévenir la scientifique, je ne pense pas qu’on soit prêts avant le début d’après-midi.

— C’est parfait, ça me laisse le temps de mettre à jour la paperasse. Tu veux déjeuner avec moi ?

— Oui, mais rapide ! »

Il était midi et demi quand Sam passa la tête chez Ange.

« C’est bon, dit la capitaine, on a l’accord du proc. On y va à trois heures. Le déjeuner, ça tient toujours ?

— Bien sûr, le Bistro XIII, ça te convient ?

— Je ne suis pas trop portée sur le cochon, mais je suppose qu’ils ont des salades !

— Allez, moi il faut bien que je m’imprègne des valeurs locales.

— Ici, c’est surtout le XV !

— Tu m’expliqueras la différence.

— Ce n’est pas à moi qu’il faut demander ça, par contre Diallo est imbattable sur le rugby. Il a joué deuxième ligne dans sa jeunesse.

— Faut admettre qu’il a le gabarit ! Bon, on y va à pied ?

— Oui, on aura le temps de revenir chercher la voiture, confirma Samira. »


Ange appréciait ces moments de proximité avec ses adjoints. Il regrettait encore la période où lui-même menait les équipes sur le terrain, malgré les heures de planque de nuit ou les interventions armées. En dehors du travail, il n’avait que très peu de vie sociale à Toulouse et les voyages de Julie le laissaient trop souvent seul à son goût.

Le café avalé, les deux policiers reprirent le chemin du commissariat pour y retrouver le reste du groupe d’intervention. Le lieutenant Morel, un vieux briscard du groupe 2 les attendait.

« Les gars de la Scientifique nous retrouvent sur place, précisa-t-il, j’ai une voiture, je vous conduis ?

— Tu connais le chemin ?

— J’ai mené les enquêtes de voisinage. »

Devant la boutique fermée, un homme attendait, une sacoche à outils en bandoulière. Samira lui présenta le document reçu des bureaux du procureur.

« Vous pouvez ouvrir ?

— C’est l’affaire de quelques minutes, répondit le serrurier, je vais peut-être même le faire sans dégâts. C’est un mécanisme basique. »

L’artisan sortit un trousseau comprenant un nombre impressionnant de clés et en sélectionna une première. À la troisième tentative, il s’écarta pour laisser le passage.

« Et voilà, la voie est libre. Vous aurez encore besoin de moi ?

— Oui, attendez pour refermer quand nous aurons terminé ! »

Les trois policiers examinèrent la boutique. Les affiches qui recouvraient la vitrine dataient pour certaines de plus de deux ans. Morel trouva l’interrupteur et alluma la lumière.

« Selon les données du cadastre, le local a été vendu il y a dix-huit mois à une société appartenant à Belkacem, précisa le lieutenant. On a interrogé le précédent propriétaire, il l'a cédé pour prendre sa retraite. C’était un « arabe de quartier » sans histoires. Selon lui, le local devait être prêté à une association pour une faire une épicerie solidaire, mais visiblement, ça n’a pas marché. »

Ange fit le tour des rayonnages poussiéreux. Il ne restait aucun produit consommable, mais quelques articles de ménage avaient été négligés.

« Ne touchez à rien, recommanda le commissaire, ce local est peut-être une scène de crime. On va juste jeter un œil derrière, il semble qu’il y ait une autre pièce. »

Ange poussa la porte du pied. Un local sans fenêtres, deux chaises, ça sentait le produit d’entretien récent.

« On a fait le ménage ici. Regardez, le sol est propre au milieu, mais il y a une couche de crasse près des murs. On ressort et on laisse faire les techniciens. »

L’équipe scientifique était menée par Maria Lopez, une jeune femme qu’Ange connaissait de vue. Samira se rapprocha d’elle et lui expliqua le contexte.

« Il faudra tout regarder, mais je pense que c’est la remise du fond qui nous intéresse. On soupçonne qu’un ou plusieurs homicides y aient été commis.

— On va commencer par rechercher des traces de sang, dans ce cas. »

Quelques minutes plus tard, la technicienne les rappela.

« Vous aviez raison, il y a eu un vrai carnage là-dedans. Regardez ! »

Lopez leur montra un mur sur lequel une constellation de micro-taches avait été révélée par le luminol. Sur le sol, deux zones présentaient de vastes étendues luminescentes.

« Nous allons effectuer des prélèvements, mais au vu de la localisation, je pense que nous avons deux sources distinctes. Sur le mur, les gouttelettes sont assez basses, et il semble que la trajectoire soit légèrement de haut en bas. Je dirais qu’un individu debout a tiré sur une personne assise près du mur. La tache au sol laisse deviner l’emplacement de la chaise.

— L’homme retrouvé devant l’église russe a été abattu d’une balle dans la tête, mais il avait auparavant subi des blessures à l’arme blanche. Il faut comparer les ADN. »

Un homme en tenue blanche interpella Maria.

« Regardez, je pense que j’ai retrouvé une balle, dit-il en montrant un morceau de métal écrasé et ici, il pointait une zone du mur entre les taches de sang, on a ce qui pourrait être un impact.

— Ça confirme ce que je viens de vous dire. L’autre zone, plus proche de la porte pourrait correspondre à une personne abattue debout, qui se serait ensuite affaissée sur le sol. Vous voyez, on a deux taches principales autour d’une zone plus propre. Le sang se sera écoulé de part et d’autre du corps, la balle n’est probablement pas ressortie.

— Il faudra vérifier l’autopsie de la prostituée, commenta Ange à l’intention de Samira, et aussi comparer les échantillons de sang.

— Bon boulot Maria ! félicita Sam. Peux-tu également chercher des éléments qui pourraient nous aider à identifier les tueurs ?

— Bien sûr, mais il doit y avoir des tonnes d’empreintes dans cette pièce.

— Tu crois que la balle peut nous aider ?

— Elle a l’air très abimée, mais on pourra au moins te donner le calibre. A vista de nas, je dirais du 9mm.

— À vue de nez, traduisit Sam pour son chef en riant, c’est de l’occitan. À m’en donné, il va falloir que tu apprennes aussi le parler d’ici, boudu con. »

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