Chapitre 31 : L'épée de feu (première partie)

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Après avoir disparu dans le boyau étroit qui débouche sur la caverne, Siwu mène le petit groupe. Owen et la reine viennent derrière lui. Alora les suit et Olaf ferme la marche. Pendant un bon moment, ils ne peuvent avancer de front. Owen n'a rien dit, mais la reine et Alora se posent bien des questions sur l'endroit où Siwu va les mener et ce qu'il a manigancé pour qu'ils quittent tous ainsi leur refuge. Comme le chemin qu'ils avaient suivi pour gagner la caverne, ce boyau est faiblement éclairé par la roche.

Enfin, le passage s'élargit et ils peuvent marcher à deux de front. Owen prend d'autorité la main de Kaïra pour l'aider. Par expérience, il sait combien les chemins des Gronfalls peuvent être par endroits difficiles, encombrés de rochers ou marqués de trous. La jeune femme marche d'un bon pas. Le silence, qui avait été imposé par leur départ discret et leur cheminement en file indienne, commence à peser à Alora et doucement, elle demande :

- Maître Olaf, quelle est la magie de la pierre pour éclairer ainsi le chemin ?

- Ce sont des roches phosphorescentes. Elles sont composées d'une sorte de diamant. Les Gronfalls n'ont ainsi pas besoin d'une grande torche pour renvoyer la lumière. Mais même sans cette lumière, nous pourrions avancer.

Et il lui explique alors par quel procédé les Gardiens parviennent à connaître leur environnement proche, même en étant privés de la vue. Cette capacité leur a été enseignée, il y a bien longtemps, par un Gardien aveugle. Et, depuis, son savoir se transmet à chaque appelé. Alora l'écoute avec attention, tentant de mettre à son tour à profit cette connaissance. Marchant devant eux, Kaïra ne perd pas une parole de ce qu'Olaf explique. Elle ignorait cette capacité que possèdent les Gardiens. Elle se demande si, un jour, elle aura le temps de parler de tout cela avec Owen. Car elle serait très curieuse d'en apprendre un peu plus sur leurs "pouvoirs", même si elle sait qu'il ne pourra pas tout lui dire.

Même si Siwu l'a surprise en la réveillant si tôt, et qu'elle s'inquiète un peu d'avoir laissé Dame Hilayna sans rien lui dire, elle se sent heureuse de cheminer aux côtés d'Owen. Sa main est chaude dans la sienne. Elle avance avec assurance, ne craignant pas les chaos du chemin. Elle se souvient de leur voyage vers Petimont et du sentiment de sécurité qu'elle ressentait quand il chevauchait auprès d'elle. Elle se souvient aussi du trouble qu'elle avait éprouvé en le voyant, une fois, par le jour filtrant à travers ses rideaux. Toute à ses pensées, elle ne remarque pas tout de suite que le terrain change. Siwu propose une halte, près d'une source. Ils se reposent un moment, mangent un peu avant de repartir. De longues heures de marche les attendent encore.

**

- Nous nous arrêterons là pour ce soir, dit Siwu en désignant un recoin creusé le long de leur chemin.

- Est-ce encore loin, Messire Siwu ? demande Kaïra qui ne sent plus ses jambes.

- Si tout va bien, nous devrions la trouver demain. Mais nous allons d'abord bien nous reposer. Et puis manger, ajoute-t-il en s'approchant de ce qui ressemble à un foyer.

Il y allume rapidement un petit feu, alors que les Gardiens sortent quelques provisions. Lors des pauses de la journée, ils ont entamé ce que Kaïra et Alora portaient, afin d'alléger leurs sacs. L'appelée et la reine ne sont pas mécontentes de pouvoir s'arrêter enfin. Devinant des jambes lourdes, Owen prépare une infusion qui les soulagera.

Au cours du repas, Siwu raconte ce qu'il sait de l'épée de feu. Elle aurait été donnée aux Gronfalls, dans un âge très reculé, par un grand sage. Peut-être un ancêtre des Gardiens, précise-t-il sans le savoir vraiment. Elle possède une magie particulière qui fait que nul ne peut s'en saisir sans mourir. Nul humain, bien entendu. Mais même parmi les Gronfalls, rares sont ceux qui peuvent la toucher.

- Elle est beaucoup trop lourde pour nous. Nos mains sont trop petites pour la tenir. Et comment pourrions-nous la manier ? Il faut beaucoup de force pour la porter.

- Dans ce cas, pourquoi vous l'a-t-on confiée ? demande Alora, intriguée.

- Pour la bonne raison que justement nous ne pourrions pas nous en servir ! Qu'elle était en quelque sorte en sécurité avec nous. Nous devons veiller à ce qu'elle ne tombe pas en de mauvaises mains.

- Alors vous la protégez avec une certaine magie ? demande Kaïra à son tour.

- Non. La magie provient de l'épée elle-même. Des fois, je me demande pourquoi nous devons la garder puisqu'elle se garde bien toute seule ! répond Siwu avec philosophie.

Owen sourit de la remarque, mais il n'a rien perdu du récit de leur petit ami. Il en connaissait l'essentiel, mais cela n'est pas un mal de se remémorer ces éléments. Puis Siwu se met à raconter d'autres histoires, mais bien vite, Owen devine que les paupières de Kaïra et d'Alora se font lourdes et il y met un terme.

- Tu as raison, Gardien. Il est temps de dormir. Le coucher sera spartiate..., dit-il d'un air désolé en regardant la reine.

- Je m'en accommoderai, Messire Siwu, ne vous inquiétez pas, sourit Kaïra pour le rassurer.

- Alors, c'est très bien ! répond le Gronfall en s'allongeant et en tirant d'un geste vif son petit manteau sur lui.

Et il s'endort aussitôt, à la grande surprise d'Alora.

- Nous n'avons plus qu'à faire comme lui, dit Olaf. Je crois qu'il est inutile de faire un tour de garde. Nous aurons tous besoin de notre "nuit" de sommeil.

Owen approuve d'un signe et cherche rapidement un endroit approprié pour Kaïra. Il trouve sans peine ce qui pourra faire office de couche assez plate, exempte de cailloux, mais bien sèche et un peu sableuse. Il étend son propre manteau sur le sol, invite Kaïra à s'y allonger et la recouvre avec l'un des pans. Il prend celui de la jeune femme, plus petit, pour se couvrir lui-même et l'entoure de ses bras. Dans l'ombre, Olaf finit de s'installer, mais Alora dort déjà.

Kaïra vient se blottir naturellement au creux de ses bras et Owen se sent heureux de ce que le destin leur offre cette nuit. Elle pourrait bien être la dernière si, demain, il ne parvient pas à prendre l'épée de feu. Mais il sait aussi qu'il n'a pas le choix. Les Esprits lui ont mentionné l'épée plus d'une fois, Alora l'a vu combattant le Seigneur des Ténèbres en la portant. Pour lui, cela signifie aussi que les Esprits seront avec lui quand il approchera de l'épée. Il lui faudra Les invoquer et il n'est pas mécontent qu'Olaf soit présent pour le faire, de même qu'Alora. Même si elle n'est qu'appelée, sa vision sur l'Ile aux Esprits avait été très forte et digne de celles qu'Ils envoient aux Gardien aguerris.

Alors que les lèvres de Kaïra viennent chercher les siennes, Owen se sent en confiance face au défi qui l'attend dans les prochaines heures.

**

Le jeune homme répond au baiser de Kaïra. Sa main se glisse jusqu'à son ventre qu'il frôle doucement. Rompant leur baiser, il devine son sourire. L'obscurité les entoure, les protège. Il sent qu'elle n'a pas peur. Elle aussi est en confiance. Soudain, ce qu'il a toujours pressenti se réalise : ils sont ensemble, face au défi. Ensemble face au danger, face à la mort et la désolation. Sans elle, il ne pourra réussir.

- Vous n'êtes pas trop fatiguée ? lui souffle-t-il très bas, à l'oreille.

- C'était une longue marche, mais je suis heureuse de l'avoir faite et d'être avec vous.

- Nous devons rester ensemble, maintenant, mon aimée, répond Owen gravement.

- Je ne veux pas autre chose...

La main de Kaïra rejoint celle d'Owen en un geste plein de tendresse.

- Nous serons même trois.

- Oui.

Kaïra lâche un soupir et ajoute :

- Je dois vous répéter les paroles de la licorne. Peut-être ont-elles un sens pour vous... Je veux dire, un autre sens que pour moi.

- Je vous écoute.

Et Kaïra lui répète le premier message de la licorne, quand Owen se trouvait au Conseil des Gardiens et qu'elle veillait. Puis celui délivré pour qu'elle parte, à la veille de la bataille de Rankir.

- Il est nécessaire de trouver l'épée. Du moins, pour affronter le Seigneur des Ténèbres, dit Owen. C'est très clair. Et je pense...

Il reste un instant silencieux, hésitant à parler des Esprits à Kaïra. Puis il termine finalement sa phrase :

- Je pense que l'Esprit du Feu aura un rôle à jouer. Mais tous les Esprits aussi. Sans Eux, nous ne pourrons rien.

- J'ai confiance, dit Kaïra. La licorne avait confiance en vous... Elle n'a jamais parlé du danger de l'épée.

- A-t-elle dit quelque chose de particulier en vous donnant la feuille ?

- Simplement que vous en auriez besoin. Mais pas de "message" comme elle en délivrait parfois.

Owen garde le silence quelques instants. Le souffle de Kaïra est régulier. Il se demande même si elle ne s'est pas endormie, quand elle parle à nouveau :

- Nul hormis vous ne sait pour l'enfant. Je l'ai caché à Dame Hilayna.

- Ce sera une cachotterie de plus, sourit Owen. Vous pensiez donc à moi, quand la licorne vous l'a annoncé.

- Oui... C'était un soir. J'étais seule dans ma chambre, à l'heure du coucher. Je regardais le ciel et votre étoile. Elle m'a surprise, en parlant. Owen... je vous aime.

- Moi aussi, mon aimée. Dormez, maintenant. Nous aurons une longue journée, demain.

Et il l'embrasse tendrement une dernière fois, avant de refermer ses bras autour d'elle, veillant à ce qu'elle ne prenne pas froid et puisse s'endormir sereinement.

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