Chapitre 36 : Le grand combat (première partie)

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Une ombre s'avance dans le couloir doucement éclairé par de grandes torches. Olaf est assis à la porte de la chambre de la reine Kaïra ; Adena s'est endormie, les grands pans de son manteau repliés sur elle. Le Gardien tourne la tête en entendant les pas. C'est Owen qui revient, il l'a perçu avant même de pouvoir distinguer nettement sa silhouette. C'est le signe que les sens et intuitions des Gardiens sont en éveil, mais Olaf sait aussi qu'il est lui-même très sensible à l'aura d'Owen, plus qu'à celles de leurs autres compagnes et compagnons. Il explique cela par l'amitié qui les lie et le fait d'avoir déjà mené plusieurs missions côte à côte. Le Gardien ne sait pas encore précisément de quelle manière se mènera le combat contre le Seigneur des Ténèbres, mais il espère se trouver aux côtés d'Owen et agir, à son niveau, avec ses propres forces, comme il le faudra, pour le seconder au mieux. Il ne doute pas que le Grand Maître jouera aussi un rôle important, mais pour Olaf, il est plus que certain que ce sera Owen leur guide dans ce combat.

Le jeune homme s'approche, prenant soin de ne pas réveiller Adena : les heures de sommeil sont précieuses pour tous.

- J'ai parlé avec le Grand Maître, murmure-t-il très bas en s'accroupissant pour être à hauteur d'Olaf. Nous aurons une chose importante à décider demain, après que le prince Galiané aura été conduit dans la crypte sacrée.

- Je devine ce que ce sera, dit Olaf. Attendre ou provoquer.

- Oui. Tout est calme, ici ?

- Pour l'heure, oui. Limur s'est installé dans un arbre qui donne non loin de la fenêtre de la chambre de la reine. Quant à Siwu, il dort avec les deux suivantes, dans la chambre à côté. Il dit qu'il faut aussi un garde pour elles, ajoute Olaf avec un petit sourire.

Owen sourit en retour. Il hésite un instant, voudrait retrouver Kaïra, mais même si Olaf connaît leur secret, il se demande s'il peut se le permettre. La voix d'Olaf le surprendrait presque :

- Va la rejoindre, Owen. Ces heures que nous vivons sont peut-être nos dernières.

- Adena ?

- Elle ne trouvera rien à redire à cela... Elle a compris.

Owen opine, n'ajoute rien. Il se relève lentement et, sans bruit, entre dans la chambre de Kaïra.

La reine dort profondément, épuisée par la journée, les tensions qu'elle ressent, mais aussi les semaines qui viennent de s'écouler. De retrouver le confort d'un lit, d'une chambre, l'a plongée très vite dans le sommeil. Elle n'entend pas Owen entrer dans la pièce, ni venir se coucher à ses côtés. Une simple chandelle est restée allumée et il la contemple dans sa lueur vacillante. Il ne peut qu'espérer que cette nuit ne sera pas la dernière, mais il se dit que s'il doit périr, au moins, il aura connu le bonheur d'être aimé d'elle, de pouvoir l'aimer en retour. Il aura fait ce qu'il pensait être le mieux, veiller sur elle tout en tenant ses engagements de Gardien. Agir pour la paix. La guerre n'est pas le fait de leur amour. Leur amour n'a pas été destruction. Il est même porteur d'avenir. Mais cela, le jeune Gardien ne peut y songer avec sérénité. Peut-être ne connaîtra-t-il jamais son enfant. Peut-être ne le verra-t-il pas grandir. Mais il restera une trace de lui, en ce monde, et surtout dans le cœur de Kaïra et cela lui semble le plus important.

Il porte la main vers son visage, caresse doucement les longs cheveux qu'elle a laissé libres ce soir. Sa main descend dans son cou, sur son épaule, puis vient caresser le sein rond à travers l'étoffe fine de sa robe de nuit. La respiration de Kaïra s'accélère un peu, il devine aussi que son cœur bat plus vite. Elle cligne des paupières, soupire :

- Owen ?

- Je suis là. Je veille sur vous.

- Vous n'êtes pas resté au-dehors ?

- Non, sourit Owen. Je suis votre époux. J'ai le droit d'être dans ce lit avec vous. Sauf si vous le refusiez...

Il voit un léger sourire se dessiner sur ses lèvres. Puis son visage redevient grave.

- Nous n'avons peut-être plus qu'une seule nuit, n'est-ce pas ? Ne pouvons-nous avoir qu'une seule nuit ?

- Peut-être. Mais chacune de ces heures a été riche. Et quoi qu'il advienne, vous ne serez pas seule.

- Je mourrai peut-être avec vous.

- Je ne le crois pas.

- Owen..., soupire Kaïra, mon destin sera-t-il de vous pleurer ?

- Gardez confiance. Vous ne soupçonnez pas la force que va représenter l'union des Gardiens. Moi-même je n'en ai qu'une idée assez floue. Mais je peux vous assurer que la puissance qui a dévasté votre pays en trouvera une bien vaillante face à elle.

- Vous ne perdez pas espoir ?

- Non, dit-il. Peut-être est-ce à cause de ce que je suis, de ce que je connais de ce monde et de celui des Esprits. Peut-être est-ce parce que je sens des choses que le commun des mortels ne sent pas. Mais vous, vous aussi, vous pressentez des choses.

- J'ai foi en notre amour.

- Alors, c'est le plus important, dit Owen en approchant un peu plus son visage de Kaïra et en la fixant un moment avant de l'embrasser tendrement.

Elle répond à son baiser, noue ses bras autour de son cou et l'attire contre elle. Puis elle murmure contre ses lèvres :

- Alors, aimez-moi fort, cette nuit, comme la première. Que je puisse croire encore et encore en cette force qui est la nôtre.

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