Chapitre 1.1

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Comme à chaque fois, l’aéroport est bondé. Si bien que les odeurs, les visages et les voix stridentes des autres me pénétrent, jusqu’à lacérer mes sens et m'étouffer. Trop de lumières et trop de senteurs, pour un endroit si étroit et les murs semblent se rapprocher dangereusement de nous.

Mon corps est lourd, mes valises intenables, et l’air devient presque irrespirable.

Je vais m’évanouir… je songe, brièvement jusqu’à ce que je vois apparaître ma sœur, dans toute cette attroupement de folie.

Un grand sourire illumine son visage. Sa chaude présence, si familière et si rassurante, écarte toutes les ombres menaces que forme la foule autour de nous. Malgré le poids de mes bagages, je fonce vers elle, quitte à avoir l’air ridicule en traînant lourdement deux grosses valises derrière moi, pour me jeter dans les bras de Fuyumi, ma sœur aînée.

Nous restons collées l’une à l’autre un long instant, qui s’éternise, lorsque Fuyu’ me serre davantage contre elle, en entourant mon dos de ses bras.

— Tu m'as manquée, maugrée-je.

Tendrement, elle pose ses mains sur mes joues en ancrant son regard dans le mien.

Longuement, Fuyumi m’analyse, s’attardant sur le moindre détail de mon visage, les lèvres brièvement étirées. Son regard, lui, est teinté d’une grande nostalgie mais quelques traces de bonheur l'imprégnant, ça et là.

— Tu es magnifique, soupire-t-elle.

Malgré les nombreuses heures qui viennent de s’écouler dans le train puis l’avion, je réalise à peine que je suis enfin rentrée à la maison. Ma maison. Un endroit sacré dont je me suis toujours sentie interdite.

Lorsque j’ai été officiellement diplômée d’un master en lettres, après six années de dur labeur, ni une, ni deux, j’ai vidé la minuscule chambre où j’ai vécu tout ce temps, rompu mon contrat de travail avec la mère des enfants que je gardais, et pris un billet pour rentrer au Japon, le tout sans me retourner. On ne m’a plus revue dans le campus, dont les murs sont à jamais saturés de mon travail et de mes larmes, ni à la bibliothèque où j’allais étudier, et encore moins dans les spots où je flânais avec des amis, durant nos heures perdues.

Mais ce n’est que là, dans les bras de Fuyumi, que l’évidence devient une réalité.

Je suis chez moi.

— Yuna, on y va ? Histoire d’arriver à l'heure à la gare.

Nous entamons donc main dans la main, le chemin jusqu'à la sortie de ce labyrinthe d’aéroport. Je n’ose pas dire grand chose, préférant savourer la joie d’être auprès de ma grande sœur. Mais surtout, après plusieurs mois sans se voir, Fuyumi a tendance à me parler avec un vocabulaire plus élaboré et avec plus de cérémonie. Notre langue est ainsi faite et pourtant cela me met constamment mal à l’aise. Comme si d’un coup, je ne suis plus une des siennes. Généralement, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne se détende.

Aussitôt calée contre elle, dans le véhicule, tandis que le chauffeur entre notre destination, Fuyumi m’invite à m’assoupir, pour récupérer de ce long voyage, prétextant avoir “tant de chose à me raconter dans le train” mais mon cerveau ne me laissera pas me reposer du moment que je ne suis pas assurée d’une certaine chose…

— Est-ce que les parents savent que je suis ici ?

— Seulement maman. Mais elle ignore que c’est définitif. Parce que c’est définitif, n’est-ce pas ?

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