48. L'ascension - Partie 4
Kiran venait de tout déballer et attendait, droit comme un piquet, que l'un ou l'autre de ses parents ne les sorte de ce silence pesant en disant quelque chose. N'importe quoi.
Son père, assis à la vieille table de bois, triturait machinalement un bout de ficelle qu'il avait ramassé dans ses outils.
Sa mère, de son côté, s'était figée, le regard fixé sur lui comme si elle tentait de déchiffrer un langage étranger.
'Et voilà.' pensa Kiran, le cœur battant à tout rompre : 'C'était une erreur. Ils vont me tuer. Ils vont me dire que c'est complètement stupide. Que je suis fou. Que je vais finir comme le vieux Buk à parler tout seul au coin du feu. Bon sang, pourquoi j'ai ouvert la bouche ?'
Son père, d'abord perplexe, entrouvrit les lèvres puis les referma, comme s'il cherchait ses mots. Puis contre toute attente, son enthousiasme brisa le silence aussi brutalement qu'un coup de marteau sur une enclume dans un atelier désert : "Mon garçon !" s'exclama-t-il en se levant, renversant presque sa chaise : "Tu nous dis que tu es magicien ? Et que tu veux devenir le prochain Archimage ? Le soutien du roi ?"
Le garçon, déconcerté, prit une légère inspiration pour répondre, mais sa mère le devança.
Une main sur le cœur, il vit des larmes de fierté briller dans ses yeux pour la première fois de sa vie : "Oh, mon fils." murmura-t-elle, la voix tremblante : "Tu as toujours été spécial. Je l'ai toujours su. Mais là… Là, tu vas changer nos vies. Tu vas changer le monde."
Avant que Kiran puisse protester ou expliquer quoi que ce soit, elle s'approcha de lui pour l'enlacer avec force.
"Tu nous rends tellement fiers, mon garçon" dit-elle avec émotion : "Si fiers."
Son père arpentait déjà la petite pièce comme un coq dans une basse-cour, ajoutant : "Et dire que le vieux Buk pensait que notre famille n'avait jamais rien produit d'autre que des paysans ! Tu vas leur montrer, Kiran. Tu vas leur prouver qu'il avait tort !"
Le garçon tenta à nouveau d'ouvrir la bouche, mais était à nouveau emporté par leur enthousiasme démesuré.
"Attends, attends." dit sa mère en se détachant de lui, une main sur la tempe comme si une idée venait de l'éclairer : "Il te faut des vêtements convenables pour aller au palais ! On ne peut pas t'envoyer là-bas avec ces haillons. Oh, et de quoi manger pour le voyage… Ton père et moi, on va arranger tout ça, n'est-ce pas ?"
"Absolument !" rebondit l'homme avec un large sourire : "On peut vendre la vieille charrue ? On ne l'utilise pratiquement plus. Avec ça, on pourra lui payer ce qu'il faut pour représenter notre famille comme il se doit. Représenter le village tout entier, même !"
Kiran recula légèrement, il n'avait pas eu le temps d'en placer une et leva les mains comme pour les calmer : "Attendez, attendez… Vous ne comprenez pas. Ce n'est pas… gagné d'avance, d'accord ? Ce n'est même pas sûr que j'aie une chance… Et il y aura sûrement des mages bien plus puissants que moi. Et puis il y a Solas aussi… Il est très doué… trop doué, même." Mais ses paroles semblaient glisser sur eux comme la pluie sur les tuiles du toit.
"Tu es modeste, mon garçon, c'est bien !" dit son père en lui tapant sur l'épaule avec un rire : "Mais je sais que tu t'en sortiras très bien. Tu as toujours été débrouillard. Et maintenant, avec cette magie que tu as apprise… Tu vas leur montrer de quoi tu es capable !"
"Exactement !" appuya sa mère : "Le roi verra en toi ce que nous voyons chaque jour : un garçon exceptionnel."
Au plus ses parents parlaient, et au plus il sentait une boule se former dans sa gorge. Ce n'était pas le rejet qu'il avait redouté, mais cette ferveur inattendue le déstabilisait bien plus encore. Leurs attentes paraissaient soudain écrasantes, comme si toute leur fierté et leurs espoirs reposaient sur lui : "Vous ne comprenez pas… Je pourrais échouer." murmura-t-il, presque plus pour lui-même.
La femme posa une main sur la joue de son fils, le regard tendre : "Si tu échoues, ce ne sera pas grave, Kiran. Ce qui compte, c'est que tu essaies. Nous imaginons combien tu as travaillé dur pour parvenir à ce premier exploit : tu fais de la magie ! Et rien que pour ça, tu es déjà un héros à nos yeux."
Son père hocha la tête, plus sérieux cette fois : "Mais oui, ta mère a raison. Ce ne sera pas facile, mais tu as notre soutien. Alors, fais ce que tu as à faire. Et surtout, reviens-nous en un seul morceau, d'accord ?"
Un silence tomba dans la pièce, mais cette fois, ce fut un peu moins pesant. C'était une quiétude chargée de promesses et d'émotions, mais Kiran ne savait pas comment la gérer non plus : "Merci" dit-il finalement d'une voix rauque : "Je vais faire de mon mieux." C'était à l'opposé complet de tous les scénarios qu'il avait imaginés, mais était-ce vraiment le meilleur ?
Sa mère lui ébouriffa les cheveux, un sourire radieux sur le visage, tandis que son père se remit à marcher de long en large, déjà en train de planifier ce qu'ils allaient vendre et comment ils allaient préparer son départ.
Le garçon, lui, resta immobile, l'estomac noué par une pression qu'il n'avait jamais ressentie auparavant. Il avait travaillé extrêmement dur pour suivre le rythme de Solas… Pourtant, pour la première fois depuis qu'ils avaient trouvé le grimoire, il se demanda s'il avait réellement ce qu'il fallait pour être à la hauteur.
Le surlendemain, le soleil se levait à peine mais l'agitation inhabituelle dans le village rendait l'air plus lourd que la chaleur matinale. Kiran se tenait devant sa maison, son sac à dos rempli de tout ce que ses parents avaient pu rassembler : des provisions, quelques vêtements, et même un petit couteau que son père avait insisté pour qu'il emporte au cas où.
Mais ce n'était pas ce sac qui lui pesait le plus. Non, c'était le regard des voisins rassemblés devant la maison, chuchotant entre eux ou échangeant des sourires d'encouragement.
"Voilà notre Kiran, le futur mage du roi !" lança une vieille femme en tapant dans ses mains.
Le garçon sentit ses joues s'empourprer. Il avait envie de disparaître sur-le-champ, mais, ironiquement, même sa magie ne pouvait lui éviter cette situation absurde.
"Tu crois qu'il va vraiment réussir ?" murmura un homme à son voisin, assez fort pour que Kiran l'entende.
"Bien sûr qu'il va réussir !" répondit la voix plus forte de son père, qui émergea de la maison en bombant fièrement le torse : "Mon fils a toujours été intelligent et débrouillard. S'il y a bien quelqu'un qui peut devenir important, c'est lui !"
Kiran grimaça discrètement. Il n'avait pas eu la moindre idée que ses parents allaient en parler à tout le village. Il avait imaginé un départ discret, peut-être une poignée d'adieux rapides et gênés. Mais au lieu de ça, c'était une véritable cérémonie improvisée : "Maman, papa… Vous n'auriez pas dû…" murmura-t-il, les yeux baissés.
Sa mère, debout à côté de son père, posa une main affectueuse sur son épaule : "Allons, mon chéri, c'est un grand jour pour toi. Tout le monde ici te soutient. Et puis, ils ont le droit de savoir, non ? Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un du village a une chance comme celle-ci !"
Une chance comme celle-ci… Ces mots résonnaient dans son esprit. Il savait que ses parents étaient fiers de lui, mais ce genre de démonstration publique ne faisait qu'alourdir le poids de leurs attentes. Il imaginait sans mal qu'un certain nombre de personnes étaient présentes, non pas parce qu'elles croyaient en lui ou le soutenaient, mais pour cancaner et médire sur son compte et celui de sa famille.
Même le vieux Buk était là. Évidemment, il n'aurait tout de même pas manqué une bonne histoire à raconter plus tard. Il avança son visage ridé éclairé par un sourire chaleureux : "Kiran, mon garçon, fais honneur à notre village. Montre-leur que nous, les gens simples, sommes aussi capables de grandes choses."
Il hocha la tête, mais sentit sa gorge se nouer une fois de plus. Il croisa alors les bras pour cacher de légers tremblements dans ses mains.
"Bon, il est temps." annonça son père d'une voix forte : "Il ne faudrait pas que tu sois en retard !"
Les villageois s'écartèrent de devant le chariot que sa famille avait préparé. Le cheval attelé secoua la tête, agacé par l'agitation et la chaleur matinale. Un mince nuage de poussière s'élevait sous ses sabots, tandis que l'odeur du foin imprégnait encore le bois du charroi.
Sa mère, les yeux brillants d'émotion, l'enlaça une dernière fois : "N'oublie pas que maman est fière de toi, quoi qu'il arrive."
Son père lui tapa dans le dos avec un sourire, l'encourageant à monter à bord et, rapidement, la carriole branlante se mit en route sur le chemin poussiéreux menant à la maison de Solas. Le père de Kiran tenait fermement les rênes tandis que ses deux frères cadets s'agitaient à l'arrière, trop excités pour rester en place.
Le garçon, lui, était assis à l'avant, le regard fixé sur la route.
"Tu devrais te détendre" dit son père sans tourner la tête.
Kiran grogna quelque chose d'inintelligible en réponse : 'Me détendre ? Facile à dire…' Il n'avait pas dormi de la nuit, ressassant encore et encore les espoirs que ses parents avaient placésen lui. Maintenant qu'il voyait leur enthousiasme, et celui du village tout entier, il se sentait encore plus coincé. S'il avait réellement eu envie de participer à cette ascension, il ressentait désormais des regrets.
"On est presque arrivé !" cria son plus jeune frère, pointant du doigt la petite bâtisse en terre cuite qui se dessinait au loin.
Kiran aperçut la silhouette de Solas, debout devant sa maison, un sac posé à ses pieds. À ses côtés, une petite fille, Nakia, qui tirait sur la manche de sa chemise. Sa mère, un sourire triste aux lèvres, l'inspectait en ajustant son col, tandis que son père se tenait un peu en retrait, les bras croisés, visiblement perdu dans ses pensées.
Lorsque le chariot s'arrêta devant eux, Kiran descendit sans un mot. Il observa un instant la scène devant lui, se demandant pourquoi cette maison, modeste, mais chaleureuse, lui semblait soudain si différente de la sienne.
Nakia était en train de nouer un ruban jaune qu'elle avait enroulé autour du poignet de son frère : "Comme ça, tu penseras à moi." murmura-t-elle d'une petite voix étouffée.
Solas, toujours calme malgré l'émotion évidente dans ses yeux, posa une main sur sa tête et lui adressa un sourire rassurant : "Merci. Je penserai à toi tous les jours." promit-il.
Kiran sentit un pincement au cœur en observant cette scène. Chez lui, l'ambiance était bien différente. Ses deux frères, bien que plus jeunes, n'avaient pas vraiment saisi l'importance de son départ. L'un d'eux avait demandé s'il ramènerait des histoires de son aventure, tandis que l'autre s'était plaint de devoir travailler davantage aux champs en son absence. Sa mère, elle, avait préparé tout un discours, qu'elle n'avait même pas eu besoin de terminer avant que son père ne prenne la relève, vantant les exploits imaginaires de Kiran devant tout le village. Ici, chez Solas, c'était plus discret, plus intime : "Tu es prêt ?" questionna-t-il, brisant le silence en avançant vers lui.
Son ami opina et se tourna vers ses parents : "Je vais y aller maintenant."
Sa mère le prit dans ses bras, serrant fort, comme si elle ne voulait pas le laisser partir : "Je t'en supplie, sois prudent." murmura-t-elle.
Son père, plus réservé, attrapa ses épaules, contenant visiblement son émotion. Il leva ensuite la tête vers le père de Kiran pour dire plus fort : "Merci d'être passé le chercher !"
"De rien, c'est plus ou moins sur la même route." plaisanta l'homme en retour.
Le père de Solas baissa une dernière fois les yeux sur son aîné : "Fais ce que tu as à faire, mais sois très prudent, d'accord ?"
Solas hocha la tête, le regard fixé sur ses affaires au sol. Puis, il les ramassa et s'éloigna lentement, son sac à l'épaule, jusqu'à la carriole où il était attendu.
Nakia courut derrière lui, mais sa mère parvint à la rattraper.
"Tu te décides à monter, ou tu comptes marcher à côté ?" décida de chambrer Kiran, reprenant place sur le chariot à côté de son père.
"Oui, pardon." répondit son ami en lançant un dernier regard sur sa famille. Il grimpa à l'arrière, prenant place à côté des deux jeunes frères, qui le regardaient avec curiosité.
"Tu es magicien aussi, alors ?" interrogea l'un d'eux, les yeux pétillants.
"Je suppose." répondit Solas avec un sourire amusé.
Kiran roula des yeux : "Ignore-les. Ou ils ne te lâcheront pas jusqu'à ce que tu fasses un tour de magie."
Un sourire suspendu aux lèvres, Solas s'adossa à la planche robuste de la carriole avant de poser un bras dessus, la tête tournée vers l'horizon. Celle-ci s'ébranla, puis le calme s'installa parmi le groupe.
Observant son ami, Kiran essaya de deviner ce qu'il pouvait bien penser : "Ta sœur est adorable." finit-il par dire, cherchant à détendre l'atmosphère.
Solas esquissa un sourire : "Oui, elle l'est. C'est assez différent des deux tempêtes en face de moi." dit-il en regardant ses frères avec une insistance espiègle, pendant qu'ils se chahutaient sans ménagement à côté de lui, quitte à le bousculer.
Kiran soupira, ne sachant que répondre à ça. C'était une réponse qui se voulait taquine, mais qui était honnête et le faisait réfléchir. Chez lui, les choses semblaient toujours plus compliquées, et pourtant, s'il y avait bien une chose qui demeurait malgré le cirque que sa famille avait organisé, c'était qu'il tenait à leur offrir une vie meilleure. Il croisa les bras et fixa le paysage qui défilait lentement autour d'eux.
Cette première étape du voyage se déroula dans un calme relatif, rythmé par le grincement des roues sur les ornières et les éclats de rire de ses frères, qui étaient bien décidés à transformer chaque instant en jeu. Solas resta pensif, les yeux rivés sur l'horizon, tandis que Kiran oscillait entre nervosité et agacement. Ils arrivèrent rapidement à un carrefour bordé d'arbres imposants, où une petite clairière s'ouvrait sur un chemin moins fréquenté. C'était l'endroit où les deux garçons devraient continuer seuls.
Le père de Kiran tira doucement sur les rênes pour arrêter son cheval. Il se tourna pour les regarder, avec un mélange d'émotion et de fierté dans les yeux : "Eh bien, c'est ici que nos routes se séparent." annonça-t-il d'une voix posée.
Kiran descendit le premier, suivi de Solas.
Ses frères cessèrent enfin leur chahut, observant la scène avec une curiosité presque solennelle.
"Bien, Kiran…" commença l'homme en fixant son fils : "…Souviens-toi : la magie, c'est bien, mais un bon coup de poing peut parfois faire des miracles aussi."
Le garçon esquissa un sourire forcé et hocha la tête, avant de descendre ses affaires du chariot.
L'homme se tourna ensuite vers son ami, un respect sincère dans le regard : "Et toi, Solas… prends soin de toi, et de lui aussi. Je sais qu'il peut être un peu tête brûlée parfois, mais c'est un bon garçon."
"Je ferai de mon mieux, Monsieur." répondit Solas avec calme, une ombre de sourire effleurant ses lèvres, tandis qu'il repassait son sac sur ses épaules.
Son père hocha la tête avec reconnaissance, puis tira sur les rênes avant d'entamer un demi-tour avec la carriole : "Filez maintenant, avant que je ne change d'avis et que je vous ramène à la maison." lança-t-il d'un ton à moitié sérieux, à moitié amusé.
L'un des frères de Kiran lança depuis l'arrière : "Bonne chance, crétin !"
Le garçon secoua la tête en les regardant s'éloigner, voyant le second lui faire allégrement une grimace. Ça valait bien la peine d'insister pour les accompagner, juste pour ça… Pourtant, malgré leurs provocations, il ressentit une pointe de tristesse à l'idée d'être séparé de ces deux petits monstres.
Les deux amis échangèrent enfin un regard avant de sortir du chemin principal, pénétrant dans la clairière.
Kiran sentit son cœur s'alourdir un instant alors qu'il entendait sa famille s'en aller dans son dos, le bruit des roues grinçantes disparaissant lentement dans l'écrin paisible de la campagne : "Ça y est, on est seul…" murmura-t-il enfin, plus pour lui-même que pour Solas.
"Oui." confirma néanmoins ce dernier : "Et maintenant, on avance."
La terre battue étouffait le son de leurs pas, mais Solas finit par rompre le silence au bout d'un moment : "Tu penses qu'ils vont s'en sortir, chez toi ?" questionna-t-il.
Le regard hésitant du garçon se perdit sur le sol : "Oui, je pense. Mon père est un bon travailleur et mes frères commencent à être assez grands pour l'aider vraiment. Mais… j'espère qu'ils ne comptent pas trop sur moi."
"Ils croient en toi." rectifia son ami : "Ce n'est pas une mauvaise chose, tu sais."
"Peut-être…" dit Kiran en haussant les épaules : "Mais ça met une sacrée pression… Comment ils ont réagi chez toi quand tu leur a annoncé ?"
"Je crois que mon père a cru que j'allais faire un autre genre de confidence, au début." s'amusa Solas.
Kiran leva un sourcil : "Quel genre ?"
"Du genre que… que…" bafouilla-t-il, soudainement hésitant.
Le garçon continua de le fixer avec insistance : "T'en a trop dit."
"...qu'on a une relation… amoureuse. J'imagine que je n'aurais pas dû commencer la conversation par Kiran et moi…"
Il continua de le dévisager, aussi sérieux que possible, mais laissa finalement échapper un rire incontrôlable.
"Oh ça va… Fous-toi de moi !" râla son ami, mi exaspéré mi amusé.
Kiran se dilata la rate un moment avant de finalement parvenir à regagner son calme : "En parlant d'amour, ta sœur t'a offert ce ruban, mais… tu crois qu'elle comprend vraiment ce que ça signifie ?"
Solas ralentit inconsciemment, touchant distraitement le ruban autour de son poignet : "Non, probablement pas. C'est sûrement ma mère qui l'a encouragée à le faire. Mais elle n'a pas besoin de tout comprendre. Elle sait juste que je pars, et que je l'aime. C'est le plus important."
Le garçon l'observa un instant, impressionné malgré lui par cette simplicité. Il se demanda si lui aussi arriverait à garder cette sérénité dans les semaines à venir. Attacher un ruban au poignet de quelqu'un était un geste hautement symbolique dans leur croyance ; c'était ce que l'on faisait pour une âme sœur. Venant de sa petite sœur, évidemment, la symbolique différait quelque peu, mais dégageait tout de même un message puissant : ils étaient liés.
Quelque part au loin devant eux se trouvait le palais royal, leur destination. Alors que dans leurs dos s'allongeait la distance les séparant de leurs maisons. Le vent soufflait doucement dans les arbres comme un murmure d'encouragement, ou peut-être d'avertissement.
"Kiran et moi… on batifole le soir, dans les champs !" pouffa tout à coup Kiran d'une voix grave, désireux de détendre l'atmosphère… et de pousser la blague un cran plus loin.
"Quelle finesse… Et je sens que je vais y avoir droit durant tout le chemin." se plaignit Solas, un sourire amusé suspendu aux lèvres.
Tandis qu'il avançait sur cette route sèche aux côtés de son meilleur ami, partageant avec lui les mêmes espoirs quant à leur avenir, le rire de Kiran finit par s'éteindre. Peu importe combien il plaisantait ou essayait de faire bonne figure, il avait le sentiment que même s'il ne les voyait plus, les attentes de ses parents le suivaient comme une ombre.
Prochainement : Solas
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