46. L'ascension - Partie 2
Le jour n'était pas encore levé lorsque Kiran fut réveillé par le bruit familier des casseroles s'entrechoquant. Il grogna en se retournant sur sa couche, essayant de se rendormir malgré l'agitation matinale de sa maison. Mais c'était peine perdue.
La voix tonitruante de son père résonna dans la petite pièce où il dormait : "Allez, Kiran ! Debout ! T'as pas toute la journée pour rêvasser !"
Le garçon soupira bruyamment, enfonçant son visage dans sa paillasse comme s'il pouvait encore grappiller quelques secondes de sommeil. Mais il savait déjà que c'était peine perdue. Le plafond en bois sombre au-dessus de lui laissait filtrer quelques rayons de lumière entre le haut des murs et le toit, illuminant des toiles d'araignées suspendues dans un coin. Sa chambre n'était qu'un espace délimité par des rideaux délavés, partagée avec ses deux frères plus jeunes, qui dormaient encore profondément malgré le vacarme. Il se redressa avec résignation, jetant un coup d'œil en direction de la pièce principale, d'où lui parvenait un agréable parfum de nourriture.
Sa mère remuait une marmite de porridge tout en surveillant les petits morceaux de pain qui cuisaient sur une plaque chauffée au feu de bois. L'odeur simple mais réconfortante du petit-déjeuner emplit la maison.
Kiran passa une main dans ses cheveux en bataille avant de se lever et d'enfiler rapidement sa tunique de coton râpé : "J'arrive, j'arrive." marmonna-t-il, bien que sa voix trahisse son manque de motivation.
Dans la pièce principale, son père était installé sur un tabouret, des gros sacs de grains à ses pieds. Sa carrure imposante semblait encore plus marquée dans l'espace étroit de leur maison. Il attrapa un morceau de pain que sa femme venait de poser sur la table et se tourna vers son aîné lorsqu'il entra : "Tu t'es enfin décidé à nous honorer de ta présence ?" lança-t-il avec un sourire à cheval entre la taquinerie et le reproche.
Kiran haussa les épaules en s'asseyant face à lui : "Il fait encore sombre dehors. Tu pourrais me laisser dormir un peu plus longtemps…"
Son père gloussa : "Quand tu seras riche et que tu auras des serviteurs, tu pourras dormir autant que tu veux. En attendant, il y a du travail. Mais avant… mange ! En plus, j'ai une histoire amusante à vous raconter : le vieux Buk a encore beaucoup parlé hier soir."
Kiran leva les yeux, intrigué malgré lui. Il connaissait bien ce ton qu'il prenait lorsqu'il racontait une histoire : une voix grave et un brin théâtrale, qui captait l'attention de toute la famille. Il adorait ces moments, même s'il ne l'aurait jamais admis à voix haute. Son père était un homme pragmatique, un travailleur acharné, et ce genre d'histoires était rare venant de lui. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. Quant au vieux Buk, il était connu dans le village pour ses commérages pas toujours fiable. Pourtant, ses histoires étaient souvent fascinantes.
"Il parlait du mage royal." continua son père, sa voix devenant plus grave : "Le maître de magie du roi. Vous savez, celui qu'on dit capable de contrôler les éléments et repousser des armées entières."
Sa mère hocha la tête avant lui, elle aussi intriguée.
"Et alors ?" l'encouragea-t-il à poursuivre.
"Il est en train de dépérir, apparemment." déclara son père en prenant un air sérieux : "Buk dit qu'il est malade et que sa mémoire n'est plus ce qu'elle était non plus. Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est ce que ça signifie !"
Kiran et sa mère le fixaient tous les deux, en attente de la suite.
"Quand un Archimage meurt ou devient incapable de servir, le roi organise une ascension." expliqua l'homme : "C'est une épreuve pour choisir son successeur. Une tradition ancienne. Et n'importe qui peut y participer, tant qu'il sait manier la magie. C'est ce qu'a dit Buk."
"N'importe qui ?" répéta le garçon avec une incrédulité non dissimulée.
"Oui, n'importe qui." confirma son père, le regard pensif : "Pas besoin d'être riche ou noble : le roi ouvre ses portes à tous les candidats, peu importe d'où ils viennent. Bien sûr, l'épreuve ne doit pas être simple, et la concurrence est certainement rude… Mais le gagnant devient le plus puissant mage du royaume. Il obtient richesse, respect et une place dans la haute société."
Kiran sentit son cœur s'accélérer. L'idée d'une telle opportunité était à la fois exaltante et effrayante. Il imaginait déjà des scènes grandioses : des sorts spectaculaires, des épreuves impossibles et un public ébahi : "Tu crois que quelqu'un du village pourrait y aller ?" interrogea-t-il, une pointe d'espoir dans la voix.
L'homme haussa les épaules : "Pourquoi pas ? Ce serait une sacrée fierté que quelqu'un du village y aille, mais personne ne manie la magie ici, que je sache. Si une personne avait le courage et les compétences pour tenter sa chance, elle devrait au moins essayer en tout cas. On ne sait jamais."
Se perdant dans ses pensées, l'image de Solas surgit immédiatement dans l'esprit de Kiran. Son ami était intelligent, curieux… et maintenant, il y avait ce livre. Cet ouvrage qu'ils avaient découvert dans la tour. Et s'ils pouvaient vraiment apprendre à maîtriser la magie ? S'ils pouvaient réellement participer ? Cette histoire arrivait avec un timing presque trop parfait, comme si les pièces d'un grand puzzle s'assemblaient autour de lui.
"Bon, fini de rêvasser." annonça son père en se levant pour ébouriffer affectueusement ses cheveux en passant à côté de lui : "On a des sacs à livrer."
Kiran termina rapidement son morceau de pain, cogitant encore sur cette folle rumeur. L'idée d'une ascension, d'un concours où n'importe qui pouvait devenir Archimage… Cela semblait tellement hors de portée et pourtant, une étincelle d'espoir persistait. Il songeait à ses parents économisant chaque sou, à ses jeunes frères obligés de porter ses vieilles tuniques trouées : 'Et si Solas avait raison ? Et si ce grimoire pouvait nous donner la chance d'une vie meilleure ?' Il emporta les paniers de récolte de sa famille et sortit de la maison en suivant son père. L'air frais du matin contrastait avec la chaleur étouffante de l'intérieur.
Les premiers champs apparurent rapidement devant eux, scintillant encore de rosée. Lorsqu'ils atteignirent enfin les parcelles du vieux Sabir, qui les employait, son père s'arrêta pour répartir les tâches : "Je vais m'occuper des sacs. Toi, file aider Solas. Il est déjà arrivé, regarde." affirma-t-il en indiquant ses paniers à l'entrée du champ : "Et sois efficace, pas comme d'habitude !"
Kiran roula des yeux mais obéit sans protester, déposant une partie de ses propres affaires pour s'éloigner avec un panier sous le bras. Il avait beau parler beaucoup et se laisser facilement distraire, il n'en restait pas moins efficace dans son travail. Pour autant, ce n'était pas du tout la petite vacherie de son père qui occupait ses pensées, c'était uniquement cette histoire narrée durant le petit déjeuner. Il fallait qu'il la raconte à Solas. Si quelqu'un d'ici pouvait croire en une telle opportunité, c'était bien lui. En s'approchant du coin où ils s'étaient précipitamment arrêtés la veille, il aperçut enfin la silhouette familière de son ami.
Solas était déjà au travail, agenouillé parmi les plants encore debout, ses mouvements méthodiques et précis. Ses cheveux sombres coupés court semblaient capter la lumière du matin et, malgré la rudesse de la tâche, il était concentré, perdu dans ses pensées.
Kiran posa son panier avec un bruit sec, attirant volontairement son attention.
"Eh bien, tu prends ton temps ce matin !" lui lança son ami de manière plutôt bougonne.
"Et toi, t'as l'air encore plus renfrogné qu'un buffle !" rétorqua Kiran, avant de s'installer près de lui pour rapidement raconter, sans transition : "Mon père nous a raconté un sacré potin ce matin, c'est énorme."
Solas leva un sourcil, intrigué : "Quoi encore ? Une histoire du vieux Buk ?"
"Pas juste une histoire." insista-t-il, baissant la voix sans trop savoir pourquoi : "Il a parlé du mage du roi. Il serait déclinant… Et tu sais ce que ça veut dire, d'après mon père ?"
Le garçon s'arrêta de travailler pour se tourner vers lui : "Quoi donc ?"
"Une ascension." murmura Kiran, comme si le mot lui-même était sacré.
"Je suis censé savoir ce que ça veut dire ?" questionna Solas, légèrement agacé.
Kiran s'expliqua : "C'est une épreuve. Une sorte de compétition pour choisir le prochain Archimage. Mon père dit que n'importe qui peut y participer, même des gens comme nous, tant qu'on est capable de prouver qu'on sait manier la magie." Un silence suivit ses paroles, mais il ne manqua pas l'étincelle d'intérêt qui traversa le regard de son ami.
"Et tu crois que c'est vrai ?" demanda ce dernier. Sa voix calme était teintée d'une excitation difficile à dissimuler.
Kiran haussa les épaules sans perdre son enthousiasme : "Pourquoi pas ? Ça parait logique de vouloir remplacer le mage s'il meurt. Et si c'est l'cas, ce sera la plus grande opportunité qu'on ait jamais vue. Imagine, Solas ! Devenir Archimage ! C'est une chance de devenir riche, puissant… de changer nos vies ! Et celles de nos familles aussi… C'est toi qui en rêvais hier !"
Le garçon se mit à réfléchir à voix haute : "Est-ce qu'on a au moins une chance ? Les participants seront sans doute tous des adultes, et sûrement même des maîtres aguerris…"
"Je sais pas." répondit honnêtement Kiran : "Mais… on a ce livre. Et toi, t'as toujours été doué pour comprendre les choses. Peut-être que… peut-être qu'on pourrait essayer."
Solas resta silencieux un instant, ses pensées semblant s'emballer. Puis il hocha la tête : "Il reste combien de temps avant que ça commence ?"
"Aucune idée, ça dépend de l'état du mage actuel. On sait qu'il est sur le déclin, mais s'il meurt ou qu'il est déclaré inapte, le roi sera obligé de faire une annonce. Quelques semaines, quelques mois ou quelques années. Va savoir."
"Alors, on n'a pas de temps à perdre." murmura Solas, comme pour lui-même.
Kiran l'observa, partagé entre l'excitation et une pointe d'appréhension : 'Solas a ce regard… celui qu'il a quand il est déterminé à faire quelque chose de risqué… ou de stupide.' Il ajouta finalement avec un sourire nerveux au coin des lèvres : "Tu sais que c'est une folie, hein ?"
Son ami répondit d'un ton très sérieux : "Certainement. Mais je pense aussi que c'est le destin. Une petite chance, ça reste une chance quand même, pas vrai ? Ce livre parle de déplacement instantané, tu te rends compte ? Si on arrive à apprendre quelque chose comme ça, ça pourrait faire la différence. T'as déjà entendu parler d'un magicien capable de faire ça ? Même les anciens mages de légendes ne savaient pas le faire !"
La magie était pour lui une notion aussi étrangère que la richesse et pourtant… : "C'est vrai… Ah, bon sang ! À aller dans ton sens comme ça, je deviens aussi fou que toi !"
Les deux garçons échangèrent un sourire, un mélange d'excitation et de peur. Leurs esprits tournaient déjà à toute vitesse, imaginant les possibilités et les défis qui les attendaient.
Quelques mois avaient passé depuis leur découverte du vieux manuscrit, et les deux amis s'étaient lancés dans un apprentissage laborieux. Chaque soir, dès qu'ils avaient terminé leur travail dans les champs, ils se retrouvaient dans l'ancienne tour, cachant soigneusement leurs allées et venues pour éviter d'attirer l'attention. Le grimoire était leur secret, leur trésor commun.
Mais s'ils partageaient le même objectif, leurs motivations différaient légèrement. Kiran était pragmatique et voyait dans cette opportunité une chance d'améliorer son statut et la vie de sa famille. Solas, lui, pourtant mû de cette même ambition, donnait parfois l'impression d'être poussé par une force invisible qui l'incitait à dépasser ses limites.
Sous un soleil déclinant qui baignait la colline d'une lueur dorée, Kiran marchait en direction de l'ancienne tour de garde. Une légère brise faisait bruisser les herbes hautes, mais l'air était lourd : 'Pas encore un orage, j'espère ?' pensa-t-il.
Une fois sur place, le garçon alluma une petite lampe à huile qu'ils avaient dénichée parmi les débris. Si la lampe était là et encore éteinte, alors cela ne pouvait signifier qu'une chose, il était arrivé le premier. Et il fut en effet rapidement surpris par un bruit dans son dos : "Bon sang, tu m'as fichu la frousse !" reprocha-t-il aussitôt, la main sur le cœur.
Solas ricana ouvertement de lui.
L'ambiance de la tour était déjà suffisamment sinistre à elle seule pour qu'on lui fasse des frayeurs pareilles. Son expression affichait sûrement une dose de reproche difficile à dissimuler.
Son ami s'excusa alors : "Désolé, mes corvées se sont éternisées."
"C'est pas comme si je venais d'arriver… Ah si, en fait." ironisa Kiran, parvenant à se détendre et à sourire.
La nuit tomba rapidement, et la lumière de la lampe à huile éclairait faiblement l'intérieur de la plateforme circulaire. Solas et Kiran s'étaient installés l'un contre l'autre sur une vieille couverture qu'ils avaient récupérée, les pages ouvertes face à eux. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils s'acharnaient à en comprendre les secrets, mais les progrès restaient minces.
Au début, il n'y croyait pas réellement. La magie, c'était pour les nobles, les érudits, les gens qui vivaient loin des champs et de la boue. Mais à chaque soir passé dans la tour, quelque chose changeait. Ce n'était plus juste une blague ou une expérience hasardeuse. Il voyait Solas progresser concrètement sur le déchiffrage de ces textes, capter des nuances dans les symboles, parler avec une assurance nouvelle. Et il se surprenait à y croire aussi : "Tu es sûr que c'est comme ça qu'il faut faire ?" interrogea-t-il, les sourcils froncés alors qu'il observait son ami repasser à la craie la rune complexe qu'il avait dessinée au sol la semaine précédente.
"Je pense, oui." répondit ce dernier, concentré : "Tout ce qu'on a lu jusque-là parle d'une chose essentielle : avant de faire quoi que ce soit, on doit se connecter aux flux magiques qui nous entourent. C'est la base de tout."
Kiran roula légèrement des yeux : "Les flux magiques… J'ai toujours du mal à croire qu'un truc invisible existe vraiment."
"Et pourtant, on sait que ça existe." rétorqua Solas, le regard brillant d'une conviction inébranlable : "Regarde le livre. Les symboles, les instructions… tout ça, c'est pas du vent."
"Et la rune sert à quoi dans l'histoire ?"
"C'est censé… aider… Je crois."
Kiran soupira mais finit par se redresser, imitant la posture de son camarade : "Alors, rappelle-moi ce qu'on doit faire."
Solas ferma les yeux un instant, cherchant ses mots : "On touche la rune, on ferme les yeux et on calme notre respiration. Il faut essayer de sentir… quelque chose. Une chaleur, un frisson, un courant, je ne sais pas. Quelque chose qui n'a rien à voir avec ce qu'on voit."
"Ça ressemble plus à un exercice pour s'endormir."
"Tu veux y arriver un jour ou pas ?" lança Solas avec un sourire amusé.
"Bon, d'accord." céda Kiran, avançant légèrement la main sur la rune tracée sur le sol. Il ferma les yeux à son tour, essayant de se concentrer sur les sensations qui l'entouraient. Le silence envahit la pièce, seulement interrompu par le bruit léger du vent s'engouffrant entre les pierres des murs. C'était très difficile pour lui de rester immobile trop longtemps. Le garçon tenta de faire abstraction de tout, mais son esprit vagabondait, incapable de saisir ces prétendus flux : 'Qu'est-ce que je suis censé sentir ? Une sorte de force magique qui flotte dans l'air ?'
"Je crois que je sens quelque chose." chuchota Solas au bout d'un moment.
Kiran ouvrit un œil, intrigué : "Quoi ? C'est comment ?"
"C'est comme… quelque chose qui rebondit contre moi. Ça arrive et ça repart."
Il fronça profondément les sourcils à ces paroles : 'Pourquoi est-ce toujours si facile pour lui… ?' pensa-t-il avec une pointe d'agacement mêlée de jalousie, essayant à nouveau de se concentrer. Mais il n'eut pas le temps de poursuivre l'exercice qu'un grondement sourd résonna au loin, et un éclair illumina brièvement la pièce : "Encore un orage, j'espère que celui-là ne sera pas trop violent." murmura-t-il en se levant pour grimper à l'échelle.
Solas le rejoignit, escaladant jusqu'en haut avant de contourner l'énorme brasero métallique, puis scruter le ciel chargé d'éclairs : "Tu devrais rentrer avant que ça empire."
Même s'il faisait nuit, la vue offrait une vue imprenable sur les alentours, mais également sur l'orage à pas plus d'une lieue qui avançait vers eux.
"Et toi ?" répondit Kiran avec une légère surprise.
Son ami secoua légèrement la tête : "Je vais rester encore un peu. Je crois que je suis sur le point de saisir un truc essentiel…"
"T'es sûr ?" insista-t-il, avant de comprendre à son expression qu'il ne le ferait pas changer d'avis : "Bon, d'accord. Ne reste pas trop longtemps quand même…" Solas pouvait se montrer très borné, et il n'avait pas envie de se lancer dans une dispute avec lui.
Il redescendit alors par l'échelle et, lorsqu'il franchit l'entrée de la tour, la force du vent manqua de le faire tomber. Il fit quelques pas en se protégeant d'un bras lorsqu'un autre éclair illumina le ciel, suivi d'un coup de tonnerre si proche que les murs de la vieille tour dans son dos se mirent à trembler sur leurs fondations. Le garçon sursauta, son regard se tournant spontanément vers le sommet du vieil édifice.
Ce fut à cet instant qu'un éclair gigantesque s'abattit dessus, illuminant la colline entière d'une lumière blanche aveuglante. Ce fut comme si le monde se figeait un instant. Kiran ne vit plus rien, juste un violent flash qui lui brûla la rétine, les yeux pourtant clos. Puis, un moment d'inertie absolu, assourdissant.
"Solas !" cria-t-il en panique, la vision complètement troublée alors qu'il se précipitait à l'intérieur, le cœur battant à tout rompre. Il trébucha sur les marches en colimaçon, hurlant son nom à chaque palier. Lorsqu'il passa enfin la tête au sommet, il découvrit son ami à genoux, les mains posées sur le sol, la craie roulant sur le sol : "Ça va ?!" s'écria-t-il, terminant de grimper pour s'accroupir près de lui et l'examiner.
Le garçon respirait par à-coups, comme si son corps entier peinait à retrouver un rythme normal. Il leva lentement la tête vers lui, ses vêtements légèrement fumants et un sourire étrange sur les lèvres : "Oui… je crois." Il lui parut un peu… lent à réagir, un peu ailleurs.
Perplexe, Kiran jeta un coup d'œil autour de lui. Ses yeux, toujours douloureux, tentaient de se réhabituer progressivement à l'obscurité ambiante. Les pierres elles-mêmes semblaient palpiter sous l'effet de l'électricité résiduelle accompagné d'une odeur métallique flottant à ses narines. Une fine pellicule de cendre s'élevait dans les interstices des dalles noircies autour de Solas, heureusement indemne à première vue : "Je t'ai cru mort, pauvre idiot !" grogna-t-il, à la fois soulagé et furieux.
Son ami se redressa lentement en agrippant le bord du brasero, époussetant ses vêtements : "Je suis désolé… Je ne suis pas sûr de ce qui vient de se passer…"
"Ce qui vient de se passer ? La tour a été frappée par la foudre !" cria Kiran, emporté par ses émotions, tandis que le tonnerre grondait à nouveau au-dessus d'eux.
Solas ne répondit pas tout de suite, un regard étrangement distant glissant vers le ciel : "J'ai une sensation vraiment étrange dans le corps. Je ne sais pas comment l'expliquer…" Il leva les mains, comme s'il percevait quelque chose d'invisible : "Le monde est si vaste, Kiran…"
Ce dernier fronça les sourcils mais ne trouva rien à répondre, mal à l'aise devant cette phrase qui semblait chargée d'une signification plus grande que lui. Son ami était là, debout, les yeux rivés sur l'horizon, comme s'il n'appartenait déjà plus au même monde que lui. Cette fois-ci, il ne lui laissa pas d'autre choix que de quitter immédiatement cette tour de malheur. Il l'aida à descendre les marches et le traîna pratiquement dehors, s'assurant tout de même qu'il allait bien.
Prochainement : Solas
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