Le Doyen

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Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie ont émergé dans un monde inconnu dont les jours sont bercés de deux soleils. Par un concours de circonstances obscur, Julie a appris la langue locale. Le groupe s'est fait par la suite capturer par des soldats chevauchant des griffons, qui les ont emmenés vers une forteresse. Tandis que leur ravisseur a tenté de les faire disparaître après plusieurs mois en prison, ils ont été sauvés par un inconnu appelé Sayur, d'un peuple venant de l'Est lointain. Les voici arrivés à la cité de Vertval, à la demeure de la famille De Grandvaux (Obianne et Barnabas), chez qui Sayur devait les amener. Ils y découvrent des domestiques centaures, rencontrent le doyen des mages Palil d'Adk, et se voient offrir la possibilité de faire leur première toilette depuis des lustres.

Ce court instant de répit fut interrompu par des pas discrets, à peine audibles sous les hauts plafonds. Palil revenait, accompagné d'un homme grisonnant et d'un autre plus jeune. Il initièrent des présentations malgré la barrière de langue qui les séparait de la majorité du groupe.

  • Barnabas, mima le plus vieux en se désignant.

Il s'approcha du groupe et leur serra tous chaleureusement la main. L'homme dégageait une aura de sympathie authentique.

  • Mathias, imita le second, démarrant sa propre tournée de poignées de mains.

Il paraissait moins à l'aise que le précédent.

  • Vous devez être Julie, enchaîna le plus âgé, je me présente à nouveau : je suis Barnabas de Grandvaux, et vous êtes ici chez moi. Voici Mathias, mon fils aîné. Je sais que vous avez reçu un accueil disons, perfectible, de la part du seigneur Ballin. Soyez sans crainte, je n'ai, pour ma part, aucune intention de vous faire du mal ou de vous remettre en prison. Comment vous sentez-vous ?
  • Jusqu'ici ça va, répondit Julie méfiante. Où est Sayur, l'homme qui nous a amenés ici ?
  • Il a dû repartir. Vous savez, il ne reste jamais longtemps au même endroit, ne vous en offusquez pas.
  • Mmm, grommela Julie peu convaincue.
  • Votre amie a besoin de soins, dit Palil en désignant la chambre de Marie. Je l'ai sentie mal en point à votre arrivée. La servante qui s'est occupée d'elle m'a confié qu'elle était couverte de gros hématomes, et peinait à bouger. Je peux arranger ça.
  • Tu sais que je n'aime pas qu'on fasse de la magie sous mon toit, Palil, intervint le maître des lieux.
  • Allons Barnabas, mets tes principes de côté pour une fois, tu vois bien que cette jeune fille souffre. Julie, je voudrais que vous veniez tous avec moi dans la chambre de Marie. Cela vous rassurera et elle aussi.

La pièce, pourtant spacieuse, était maintenant bien remplie. Avec les quatre membres du groupe, Barnabas et son fils en spectateurs, Marie sur le lit et Palil assis à côté, il n'y avait presque plus de place pour bouger.

  • Dites-moi Julie, est-ce que vous pourriez essayer de m'expliquer comment vous en êtes venue à comprendre notre langue ?
  • Le guérisseur du village de la montagne a dû me faire quelque chose involontairement. Je ne saurais pas vous expliquer clairement, j'ai comme revécu une partie de ses souvenirs quand il m'a soignée, et je crois qu'il m'a transmis sa connaissance de la langue.

Le doyen se frotta la barbe pendant un instant, pensif, puis haussa les sourcils, et se tourna vers Marie. Il écarta un pan du vêtement de la jeune femme alitée, et posa ses mains contre son flanc, ce qui la fit grimacer de douleur. Julie amorça un mouvement de protection. Un rejet instinctif qu'elle ne s'expliquait pas la poussait à s'interposer. Franck la retint de justesse.

Palil fronçait les sourcils, comme s'il souffrait à son tour, tandis que les bleus de Marie disparaissaient peu à peu. Même sa lèvre fendue se referma. Le jeune femme serrait les dents en retenant des cris de douleur. Elle vrillait le drap de son poing crispé, le corps tendu comme un arc. Une larme perlait au coin de son œil. Après quelques instants de contorsions dignes d'un exorcisme, elle lâcha brusquement prise et se laissa tomber sur la couche, comme instantanément soulagée.

  • Ih del eas, Marie ? Habet heler strar ?

Marie regarda ses amis incrédule.

  • Il te demande si ça va maintenant, traduisit Julie
  • Non seulement ça va, mais j'ai aussi compris ce qu'il m'a demandé. Merci Palil, lui répondit-elle, les douleurs ont complètement disparu.

Le vieux mage sourit.

  • Et bien ils ne vous ont pas ménagée. Il faudra que nous ayons une discussion sérieuse plus tard sur ces interrogatoires. Julie, par curiosité, le guérisseur qui vous a soigné avait-il une tache de naissance sur le cou ?

La question paraissait bien trop précise pour ne pas être rhétorique.

  • Je ne l'ai pas vu assez longtemps, je ne m'en souviens pas. Honnêtement, j'étais à moitié inconsciente.
  • Oui ! répondit Marie, oui, il avait une tache mauve sur le cou, du côté droit, elle était assez étendue, je m'en rappelle très bien !
  • Je le connais, il a été un de mes élèves. Pas des plus brillants, malheureusement. Il a toujours échoué au test de la barrière, donc je crois qu'il a involontairement projeté une partie de ses souvenirs vers vous. Pendant que je soignais Marie, j'ai essayé de partager avec elle des souvenirs de mes cours de lecture et séances scolaires de ma jeunesse. Avec des effets secondaires imprévus, mais bienvenus. Si seulement ça marchait avec nos enfants, l'école irait bien plus vite ! Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Peut-être que votre esprit a quelque chose de spécial, ce serait un sujet d'étude intéressant, conclut-il les yeux dans le vague.

Il se tourna vers Marie, focalisant à nouveau son attention.

  • J'ai fait en sorte d'ancrer ces souvenirs dans votre mémoire. Si vous expliquez cela à vos compagnons et qu'ils le souhaitent, je leur apprendrai également notre langue. Et si vous croisez un jour à nouveau Sayur, vous pourrez le remercier, car ce qu'il vous a fait boire a une valeur inestimable pour lui, et devient de plus en plus rare sur le Continent Ouest, conclut-il.

Surprise que Palil soit au courant de cet épisode, Marie voulut en savoir plus. Mais il était clair qu'il ne s'étendrait pas sur ce sujet. Le mage réitéra l'apprentissage miraculeux auprès de chacun des membres du groupe qui ressentirent une satisfaction inégalée lorsqu'ils comprirent enfin les échanges entre les habitants de ce nouveau monde.

Lorsqu'il en eut terminé, la nuit était déjà avancée. Barnabas leur pria d'aller chercher du repos dans leurs chambres respectives, ce dont ils admirent tous avoir grandement besoin. Franck prit un moment assis sur le rebord de la fontaine du milieu de la cour pour admirer le ciel constellé d'étoiles. Il faisait étonnement sombre. Aucune pollution lumineuse ne voilait l'obscurité, la toile de la nuit couvrait le ciel d'un noir d'encre. Après quelques minutes d'observation, Franck comprit ce qui manquait. Aucune Lune ne parcourait ce ciel, dont la noirceur n'était percée que d'une infinité de points scintillants.

Ce monde était décidément bien étrange.

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