L'histoire - 11 -

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Augustin, associé à la lecture de l’Encyclopédie, est avide de nouveautés. Il a entendu parler de « pommes de terre », cultivées dans les terres du nord, et déjà plantées de-ci delà dans la contrée. Difficile de se faire une idée, car il entend dire que leur culture est difficile, que si cela nourrit les hommes, c’est surtout un gonfle-bougre, que cette plante requiert beaucoup de fiant, ce que tout le monde n’a pas. Mais, et cela attise son intérêt, les quantités récoltées sont énormes et sont un précieux secours quand le pain manque. Il parvient à se procurer un panier de potonóus, comme on les nomme déjà, à se faire expliquer aussi bien leur culture que leur préparation culinaire. La cuisson et la dégustation sont menées avec soin et le résultat fort décevant : le goût est fade et la mâche molle, désagréable, mais on ressent, effectivement, un bon effet de satiété. Ajoutée à une soupe, elle lui donnerait une consistance aussi plaisante que le pain. De plus, aucun dérangement digestif ne prolonge cette expérience.

Les quelques plants, mis soigneusement dans la riche terre du potager, l’étonnent par la quantité ramassée lors de cette clémente année 1767. Il convie alors Masbelenq, le boulottie qu’il estime le plus, à déguster cette purée, sans lui en indiquer la nature. Tandis que l’autre, étonné, mâchouille cette substance, une idée germe dans l’esprit d’Augustin : la culture de cette plante serait uniquement destinée à l’usage du paysan et de sa famille, sans partage, mais avec interdiction de la vendre. Il escompte ainsi libérer les ressources pour le bled et autres grains. Ce maigre avantage achève de convaincre le tenancier.

L’année suivante est difficile, mais par un heureux hasard, la parcelle choisie par le paysan ne souffre pas de la sécheresse et sa famille mange à sa faim. L’envie suffit à propager cette nouvelle culture.

Sur la fin de sa vie, Augustin répétera souvent à son fils que sa vraie fierté et d’avoir pu apporter un peu de consolation à la misère grâce à cette plante miraculeuse. Il ne manquera jamais d’ajouter que c’était bien avant le grand cas qui sera mené à Paris, des années plus tard pour promouvoir ce tubercule, avec la bénédiction du Roy.


— Il a vraiment introduit la pomme de terre ici ?

— Non. Comme je le dis, elle était connue. On peut, quand même, lui reconnaitre un réel effort de promotion ! Maintenant, quelque chose d’étonnant !


En cet été de 1784, un événement incongru survient. De Jonhac, on entend les cris montants de Lampeyrac. Croyant à un cataclysme, tous les habitants de la ferme et de la grande maison se précipitent pour assister au phénomène le plus étrange qui soit. Dans le ciel flotte une énorme boule de couleur rose, décorée d’arabesques et de fleurs de lys. Sur un créneau bordant sa base, deux hommes agitent la main. La brise pousse cette boule qui disparait ensuite derrière le ressaut de la colline. Quel étrange phénomène : des hommes parmi les nuages ! Et qui paraissent bien vivants et souriants !

Ce n’est que plus tard qu’ils apprendront que cette « montgolfière », selon l’appellation qui convient, s’était envolée sur la grande place de Rodès, menée par un savant venu de Picardie. On parla longtemps de cet événement, beaucoup désapprouvant ce mélange contre nature entre homme et ciel.


— Où as-tu trouvé cela ?

— Dans un livre d’histoire ! Cela s’est réellement passé le 4 août 1784. Ils se sont envolés de Rodez à 8 h 17 et posés vers Inières à 9 h 3. Si tu traces la ligne, elle passe sur l’autre versant de Lampeyrac. De là à dire qu’ils l’ont vraiment vue… ! On termine avec un dernier aspect des problèmes de ce temps…

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