L'histoire - 23 -

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— Tu n’en dis pas plus ?

— Non ! La vérité éclatera beaucoup plus tard. Une seule personne la connait à cette époque, et elle va le payer cher !

— C’est Mathilde qui…

— Ce qui m’étonne le plus, c’est ce prénom d’Adélaïde que nous avons donnée à notre petite dernière !

— Comme pour Mathilde, je n’ai pas pu donner mon avis…

— On ne va pas repartir sur cette discussion ! J’ai suggéré et ces prénoms ne t’ont pas déplu !

— C’est vrai que je les trouve très beaux. N’empêche que je ne savais pas ce qu’ils représentaient.

— Nous sommes en train de désamorcer les bombes ! Je t’ai dit le conte de mon enfance avec l’héroïne qui s’appelait Mathilde et comment je forçais papa à me le lire, rien que pour voir son rictus. Pour Adélaïde, c’est beaucoup plus compliqué : jamais je n’avais entendu consciemment ce prénom. Je pense que Mathilde, ma grand-mère, a dû évoquer plusieurs fois sa propre grand-mère quand papa était enfant, ce qui ne devait rien signifier pour lui. Mais il a réussi à me transmettre le mystère qui entourait ce prénom. Je suis imprégné de cette histoire sans l’avoir connu…

— Surtout par ses côtés obscurs. Tu t’es rendu compte que tu n’avais plus du tout d’absence depuis que tu as hérité de cette maison ? Bien avant de découvrir cette histoire…

— Tu crois que je souffrais de ces drames sans les connaitre ? En plus, entre Émile et Adélaïde, la famille n’a pas le cerveau très solide…

— Je ne sais pas ! On continue, car cela devient de plus en plus passionnant. Un petit point d’étape avant, s’il te plait ? Je commence à me perdre.

— On reprend vite fait depuis le début : Martin, le serviteur du Duc qui fait fortune avec la banque Law en 1720. Il s’installe ici et fait construire la maison. Deux générations sans histoire jusqu’à la Révolution. Victor qui fait les campagnes de Napoléon. Son fils Émile qui souffre… disons de mélancolie, mais qui épouse la magnifique Célestine, tandis que sa mère dilapide une bonne partie de la fortune dans des spéculations malheureuses.

— Tu t’intéresses beaucoup à la fortune, maintenant !

— Tu te rends compte : nous pourrions être encore plus riches !

— On va en reparler. On en est où ?

— Adélaïde, la fille d’Émile et de Célestine, est tombée sous le charme de Pierre. Sacré gars qui engrosse les fillettes alentour et envoie son beau-frère mourir aux colonies, lorgnant la place de maitre du domaine. Il n’en profite pas, puisqu’il meurt très jeune, dans d’atroces souffrances. Le châtiment…

— Stop ! Au lieu de divulgâcher la suite, n’oublie pas de souligner que le beau Pierre a laissé des rejetons un peu partout, et notamment dans la ferme d’à côté !

— Tu as raison ! Donc nous sommes juste avant le tournant du siècle. À Jonhac, il y a Célestine, qui frise la cinquantaine, toujours détachée des soucis matériels, préférant la compagnie de ses amies et voisines. Puis Adélaïde, encore jeune, mais qui bat la campagne comme son père.

— Et les deux gamines…

— Alphonsine et Ophélie, qui auront six et cinq ans en 1900. Ça ne devait pas être drôle pour elles entre ces deux femmes absentes. C’est là qu’intervient Henriette !

— C’est ta préférée ?

— Pas vraiment mon genre ! En tous les cas, elle est une figure très intéressante, un second rôle qui a une grande influence sur ces deux fillettes et par répercussion sur les suivantes. On ne sait presque rien d’elle : son nom, Henriette Bonneton, qu’elle est née un peu avant 1880, qu’elle est arrivée à Jonhac en 1899 pour y mourir soixante ans plus tard. La chambre du second, au lit défoncé et aux crucifix avec le buis desséché, devait être sa chambre. Elle n’a pas bougé depuis 1959 !

— Et ?

— Nous avons la lettre de la mère d’Henriette à Célestine, acceptant de l’envoyer à Jonhac. Elle apparait sur quelques photos. Elle semble avoir toujours été vieille. On imagine bien le personnage, perclus de religion, la vieille fille bloquée en grenouille de bénitier.

— Bravo pour les clichés ! L’histoire de l’inventaire, tu l’as inventée ?

— À peine ! J’ai trouvé des témoignages identiques. Penser qu’elle a défendu l’Église de son maigre corps me plait ! Mais on reprend dans l’ordre.

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