Chapitre 7

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Les jours suivants, Ren continua à se tenir à distance, mais je sentais qu’il m’observait constamment. J’avoue que je jouais sans vergogne de ce pouvoir que je me sentais avoir sur lui. Pour la première fois, j’avais l’impression que les rôles étaient inversés : c’était lui qui était fasciné par ma mortalité. Je m’ébattais aux bains, nu dans l’étang, sachant qu’avec lui, je ne risquais rien. J’ignorais alors qu’en faisant ainsi étalage de ma chair, j’attisais son désir et aggravais les souffrances de ses fièvres. J’étais jeune et bête. Loin de me douter que la réalité allait nous rattraper bien vite, Ren et moi...


*


Cela commença par une convocation. Toutes les nouvelles lunes, Ren devait se faire examiner par la Gardienne du temple, une elleth chargée de tenir à jour le registre des reproducteurs d’Æriban. Parmi tous ces prestigieux étalons, Ren était le plus surveillé. Ses périodes de rut étaient soigneusement consignées et, régulièrement, la Gardienne le convoquait pour vérifier la qualité de son luith, qu’elle enrageait de ne pouvoir lui extraire. Ren avait horreur de cela. Lorsque ces convocations arrivaient, il devenait maussade et même, parfois, agressif. J’avais du mal à le dérider lorsqu’il revenait. Or, ce jour-là, lorsque je lui transmis la convocation que j’avais reçue pour lui le matin même, il l’ignora.

— Vous n’y allez pas ? lui demandai-je, surpris.

— Non.

— Mais vous n’avez pas le choix...

— J’ai décidé de ne pas y aller, coupa-t-il d’un ton qui marquait la fin de la discussion.

Mieux valait ne pas insister. Je rangeai la convocation, un peu inquiet à l’idée des répercussions qu’allait forcément occasionner ce refus. La Gardienne allait peut-être penser que je n’avais pas accompli mon travail.

Et le couperet tomba. Pas sur moi, mais sur Ren. Sous la forme d’une autre convocation : celle pour le rite de la Lune Ardente, que les sidhes nommaient entre eux « Nuit de la Honte ».

Je la reçus le matin. Horrifié de voir le nom de Ren sur la missive, je me tordis les mains toute la journée, n’osant la lui transmettre. Ce fut Ren lui-même qui, en revenant au temple, m’apostropha :

— Ta sueur sent la peur. Qu’est-ce que tu me caches ?

Je lui tendis alors la lettre. Il la prit, la parcourut des yeux en silence, le visage hiératique, puis me la rendit.

— Maître... commençai-je timidement.

Ren vissa son regard impitoyable sur le mien.

— Tu as déjà entendu parler de cette cérémonie ? Tu sais ce qu’on y fait ?

Je hochai la tête, n’osant lui répondre de vive voix.

— Je t’interdis d’y assister, lâcha-t-il, glacial. Si je t’y vois, je te tue. C’est clair ?

Et de nouveau, il me congédia.

Cette fois, Ren était obligé de s’y rendre. Deux contingents d’aios armés vinrent le chercher. Il aurait pu causer un massacre, mais la Gardienne avait compris ce qui se tramait et elle ordonna à l’un de ses sbires de me mettre le couteau sous la gorge.

— Si tu n’obtempères pas, Silivren, récita-t-il, j’ai ordre d’égorger ton aslith.

Ren sortit lentement du temple, sa haute silhouette se découpant sur le portail nimbé de lumière de la fin de journée. Auréolé de l’aura que lui donnait le luith, il resplendissait.

— Lâchez-le. Je n’avais pas l’intention de me dérober, de toute façon.

— Tu fais bien. Tu verras que le rituel, lorsqu’on s’y abandonne, fait beaucoup de bien. C’est un honneur d’y être choisi.

Ren murmura quelque chose d’indistinct, puis il saisit son shynawil pour s’en draper. Mais la Gardienne, qui jusqu’ici se cachait derrière les aios, l’arrêta d’un geste.

— Tu n’en auras pas besoin. Ton aslith va te préparer.

Cette fois, Ren perdit son stoïcisme. Je vis ses pupilles s’agrandir, et derrière lui, son panache s’agita nerveusement.

— Trouvez-en un autre. Je veux que Myrddyn reste garder le sanctuaire en mon absence. Il doit travailler ses gammes.

Le rire de l’elleth éclata dans le crépuscule.

— Ses gammes ? C’est un esclave. Les seules « gammes » dont il a besoin, c’est des assouplissements quotidiens pour pouvoir prendre ton gros membre engorgé par le rut, Silivren. Et si tu le laisses tout seul, les autres sidhes vont se faire un plaisir d’éprouver son savoir-faire.

— Qu’on l’enferme le temps de mon absence, alors. Myrddyn ne saura pas me préparer. Il n’a jamais appris à le faire pour lui.

— Il connait le protocole : cela faisait partie de sa formation. Si tu ne lui as pas laissé le loisir de le laisser te montrer ce qu’il savait faire, c’est ton problème, Silivren. Allez, les prêtres de l’Arbre de Vie nous attendent.

Un frisson descendit le long de mon échine. L’Arbre de Vie... c’était sur cet arbre que Ren allait subir son supplice. Et le plus terrible, c’est que je voulais voir cela. Je voulais être là pour le préparer, et être présent pour l’encourager.

Si je t’y vois, je te tue.

Ce n’était pas des paroles en l’air.

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