Chapitre 1

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Une légende d'un autre temps raconte que le Soleil et la Lune entretenaient une liaison mais que cette idylle ne pouvait perdurer car l'une naissait seulement quand l'autre se couchait. Les deux astres désespéraient de ne jamais pouvoir se tenir côte à côte.

Ils prirent alors une décision, chacun se dissocia d'une moitié de son être afin de fusionner et ne plus jamais être séparés. Un nouveau lieu de vie fut créé, leur propre monde ; Une moitié de Lune enlaçant une moitié de Soleil pour ne former qu'une seule et même entité.

- Et c'est ainsi que notre monde fut créé.

Les trois gamins pelotonnés dans leur grand lit redemandèrent à ce que l'histoire leur soit contée une fois de plus. Mais il était grand temps de fermer les yeux et de se laisser gagner par le sommeil. Nayala, quant à elle, avait du chemin à faire pour regagner sa maison avant que les heures sombres ne soient trop avancées.

- Un autre jour, c'est l'heure de vous coucher, murmura-t-elle gentiment.

Elle leur remonta la couverture jusqu'aux épaules, attendit qu'ils aient les yeux fermés puis sortit doucement de la chambre.

Ils vivaient tous sur Lune, moitié du monde partiellement éclairée par les étoiles. Nayala se promenait pieds nus, le visage à demi dissimulé sous sa grande capuche.

Elle connaissait les chemins tortueux par cœur. Les habitations étaient identiques les unes aux autres : faites de pierres blanches qui formaient un édifice carré qui ne laissait place à aucune différence. Chaque habitant possédait la même maison dans ce quartier, aucun signe de richesse ne se laissait deviner.

Les chemins, tout aussi similaires, donnaient une impression de labyrinthe où un étranger pouvait s'y perdre facilement, incapable de retrouver son point de départ. Le sable se soulevait à chacun de ses pas. Après un certain temps de marche, elle arriva à la Passe-frontière, cadeau de la partie solaire qui rendait les déplacements plus rapides qu'à pieds.

Dans un cratère dépourvu d'habitations se trouvait le point de départ de la course ; moyen de locomotion qui fonctionnait uniquement grâce à l'échange de denrées entre les deux parties. Lune leur procurait bon nombre de plantes tandis que Soleil offrait le charbon nécessaire au bon fonctionnement de la machine.

Elle portait bien son nom ; monter dans cette cage roulante en fer forgé permettait de gagner un temps considérable. Nayala entra dans le petit bâtiment blanc situé au bord du vide, qui était le seul point d'entrée dans le cratère encerclé par une muraille, afin de payer la course. Elle y déposa une pièce d'argent, monnaie de Lune.

Elle descendit l'un des grands escaliers qui partait sur le côté droit puis s'arrêta une fois le fond atteint pour se diriger vers sa course affichant " Quartier Ouest à quartier Sud". L'intérieur était vaste, plusieurs places y étaient moulées dans le même matériau froid.

Un frisson la parcourut quand ses pieds entrèrent en contact avec le sol. Elle alla s’asseoir tout au fond de l'engin. Son compartiment était pour le moment vide, encore quelques minutes à patienter avant le départ. Elle espérait faire le voyage en toute tranquillité. Finalement personne ne monta, elle voyagea seule comme prévu.

Elle se laissa aller contre son dossier en observant les milliers d'étoiles présentes. Un spectacle dont elle ne se lasserait jamais, pensait-elle. Une épaisse fumée grise se dégagea dans l'air, signe que la course allait démarrer.

Nayala habitait le quartier Est en compagnie de Yélé, son bienfaiteur, un vieil homme qui n'avait pas hésité à la prendre sous son toit quand elle était mendiante. Sa halte au quartier Sud n'était pas un hasard : avant de rentrer, elle avait un emprunt à faire à la boutique "L’Eau est source de vie", magasin d'eau en tout genre.

C'était un bâtiment plus imposant que les maisons en pierre, mais fait dans la même roche et qui se situait à une vingtaine de minutes du cratère abritant la Passe-frontière. Tout y était affreusement cher. Pourtant l'eau lunaire, même diluée, était indispensable pour les lotions médicinales. Les autres ingrédients nécessaires à la santé étaient pour la plupart réquisitionnés par le Palais, ce qui laissait peu de quantité pour les gens qui vivaient à l'extérieur.

De son point de vue, ce n'était pas juste de priver ainsi le peuple en ne laissant qu'un nombre limité de plantes à disposition. Tout le monde devait y avoir accès mais personne ne se révoltait car le système était ancien. Et ce ne serait sûrement pas elle qui ferait entendre sa voix : la discrétion et la transparence étaient ses mots d'ordre.

A un croisement entre deux rues, elle décida de prendre de la hauteur afin d'échapper à la vigilance des Eminents en uniforme bleu. Elle prit discrètement appui sur les pierres irrégulières d'une maison, puis se hissa adroitement sur le toit et examina les Gardes plus loin en contrebas.

Les patrouilles n'avaient rien d'inhabituel, mais ce qui semblait surprenant étaient leur grand nombre ce soir-là, ce qui n'arrangeait en rien ses affaires. Dans leurs uniformes foncés, ils inspectaient les rues en effectuant des allers-retours, armes coincées dans leur ceinture serrée à la taille.

Nayala resta postée dans la même position à les observer, puis après une longue attente décida, tout en restant prudente, de continuer son chemin. Elle tira davantage sa capuche pour dissimuler son visage, puis passa de toits en toits jusqu'au boui-boui qui l'intéressait.

Elle entra furtivement par l'une des fenêtres, où plutôt l'encadrement béant sans vitre du second étage, tout en veillant à ne pas se faire remarquer avant d’atteindre le rez-de-chaussée. Elle connaissait l'endroit comme sa poche et, une fois descendue, y trouva ce pour quoi elle était venue : l'eau lunaire, aussi rare que chère.

Celle-ci était évidement coupée à de l'eau végétale, dès plus courante, sans vertues, pour que le commerçant frauduleux en ait en plus grande quantité.

Elle en fourra trois fioles dans sa sacoche avant d'essayer de regagner l'étage, ce qui s’avéra plus complexe qu'elle ne l'avait espéré. Un grondement sévère se fit alors entendre :

- ELLE S'ECHAPPE !

Nayala jura intérieurement de ne pas avoir fait plus attention puis se mit à courir entre les étagères. Malgré ses années d'expérience, si elle pouvait les appeler ainsi, elle arrivait encore à se faire surprendre. Tous les regards convergèrent dans sa direction, ce qui l'a mit mal à l'aise. En arrivant au second étage, au sommet du grand escalier en colimaçon, elle l'entendit de nouveau crier.

Elle ne se retourna pas, même si l'envie de voir son visage rouge de haine la démangeait, car des bruits de pas lui indiquaient qu’elle était pourchassée par au moins trois personnes.

Méfir, l'autoritaire et insupportable patron des lieux, gérait l'endroit d'une main de fer en se ventant d'avoir effectué sa formation de Préparateur au Palais. Mais si cela était vrai, que faisait-il dans le quartier Sud ?


La première fois qu'elle l'avait rencontré, l'homme aux yeux tombants avait jeté dehors une fillette venue faire une course pour ses parents. La petite avait perdu une pièce en venant et se retrouvait incapable de payer l'intégralité de ses achats. Plutôt que de lui suggérer de repasser plus tard, il l'avait emmené lui-même dans la rue, tirant sur ses frêles poignets.

Il lui avait crié dessus, un amas de postillons s'était alors éjecter de ses grosses lèvres. Méfir était persuadé qu'elle avait volontairement choisi des articles qu’elle ne pourrait régler en totalité, pour ensuite demander la charité.

Choquée par la situation et l'inaction des passants, Nayala avait alors surgit pour prendre la main de la fillette afin de l’entraîner loin de ce fou. L'envie d'hurler sur cet homme au crâne dégarni, qui prenait un malin plaisir à abuser de son autorité sur une gamine, avait été dur à réfréner. Cependant faire une scène devant tant de gens n'aurait pas été raisonnable.

Chaparder de temps à autre un ou deux flacons à Méfir ne la faisait pas culpabiliser. De tout ce qu'elle avait vécu, toutes les personnes qu'elle avait rencontrées, c'était lui le pire. Sa première impression se confirma à la suite de ses autres visites à la boutique.

Accroupie sur le rebord d'une fenêtre sans vitre, Nayala prit quelques secondes pour vérifier que sa capuche était bien mise, puis après un dernier regard pour la boutique et un signe de main en guise d'adieu, elle sauta dans une pirouette calculée et atterrit sur ses deux pieds.

- GARDES !!! hurla Méfir.

Parce que Nayala avait complètement oublié de regarder où se trouvait la patrouille avant de sauter, elle se retrouva, au bout de quelques secondes seulement, poursuivie par les Éminents vêtus de bleu foncé.

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