Frozen City
de
bptcor
Le vent glacial soufflait sur les montagnes enneigées.
Des monticules de neige se formaient pour s'effondrer quelques minutes plus tard.
La visibilité était d'un blanc si pur qu'on aurait pu se croire au paradis des Hommes...
Ou plutôt à celui des aveugles.
Un groupe d'hommes et de femmes tentait tant bien que mal d'avancer dans ce climat mortellement froid.
En tête, celui qu'on pouvait considérer comme leur leader ouvrait la marche, affrontant la tempête pour permettre aux autres de le suivre.
Son nom résonnait dans le vent :
— Drake.
L'huile de coude ne suffisait plus à les faire avancer.
On les voyait se passer des flasques d'alcool fort – mais cette fois, ce n'était pas pour le plaisir...
C'était une question de survie.
Après quelques heures, de faibles lumières apparurent au loin.
Elles vacillaient face au vent, dérisoires face à l'immensité de la tempête.
Le petit groupe s'arrêta. Un cor de chasse résonna :
Un signal propre à leur communauté.
À cet instant précis, un projecteur s'alluma.
Quatre motos surgirent, arborant un drapeau rouge et noir.
Lorsqu'elles arrivèrent à leur hauteur, un homme descendit de sa moto et cria :
— Combien ?
Drake répondit d'une voix ferme :
— Quatre femmes, un enfant et trois hommes.
L'homme fronça les sourcils et répéta :
— Combien ?
Un silence pesa. Le groupe échangea des regards inquiets.
Drake soupira, avant de murmurer :
— Deux hommes et une femme.
Il savait ce que l'autre voulait entendre.
Il savait que seuls ceux jugés « valides » comptaient vraiment.
L'homme à la moto déclara d'un ton tranchant :
— Les personnes inutiles n'auront rien, sauf si elles prouvent leur valeur par le travail.
Vous pouvez toujours rebrousser chemin.
Certains commencèrent à paniquer.
Mais l'homme remonta sur sa moto et fit un signe discret à son équipe.
Ils poursuivirent leur route et arrivèrent devant une crevasse béante.
Tout au fond, une lumière faible scintillait, entourée d'innombrables petites étincelles.
À côté du gouffre, une tour équipée d'un projecteur désormais éteint et de quelques lampes.
En contrebas, un ascenseur menait aux profondeurs de la terre.
Le groupe monta dedans, accompagné des hommes armés.
Les motos restèrent dans l'enclos de la tour.
L'ascenseur descendit lentement, bruyamment.
Mais le vacarme ne couvrait pas le froid qui s'infiltrait dans les vêtements.
À l'arrêt, le froid devint mordant, s'insinuant dans leur chair.
L'alcool ne faisait plus effet.
L'enfant gémit, incapable de pleurer – il savait que cela ne ferait qu'empirer son état.
Après un long moment, l'ascenseur se posa enfin.
Un compteur de température était fixé au mur :
« - 30° »
Ils avaient connu pire.
Sous escorte, ils découvrirent une ville aux allures ouvrières.
Des tours hérissées de haut-parleurs diffusaient des messages autoritaires.
Partout, des drapeaux rouge et noir.
Des baraquements délabrés.
Et au centre...
Un bâtiment massif, imposant, affichant un visage fermé mais glorieux – toujours rouge et noir.
Le groupe avançait derrière Drake, leurs regards scrutant les visages autour d'eux, les bâtiments, les ruelles sordides.
Un homme se pencha vers Drake et murmura :
— Mais... qu'est-ce qui se passe ici ?
Drake le foudroya du regard, paniqué :
— Ne pose surtout pas de questions.
À cet instant, deux hommes au crâne rasé, un tatouage visible sur la tempe, les arrêtèrent :
— Contrôle des certificats !
L'homme qui les escortait s'avança et chuchota quelque chose à l'oreille d'un des gardes.
Après un instant d'hésitation, l'un d'eux grogna :
— Bon, passez... mais bougez-vous.
Il leur jeta un regard plein de mépris avant de cracher en direction d'un des hommes infirmes.
Après quelques minutes de marche, ils atteignirent le centre de la ville.
Une immense structure dominait l'espace – une sorte de gigantesque chaudière.
Elle devait alimenter la ville entière en énergie.
En contrebas, des hommes et des femmes s'affairaient sous la machine.
Plus loin, des citoyens, recroquevillés sous des couvertures trouées, grelottaient.
Un thermomètre affichait :
« - 5° »
Un attroupement scandait un nom.
Sur une estrade, une voix résonnait au microphone.
L'escorte les conduisit vers une zone moins fréquentée avant d'annoncer :
— C'est très simple.
On vous donne un travail.
À 8 h, vous commencez. En retard ? Expulsés.
À 15 h, vous mangez, puis vous reprenez jusqu'à 20 h.
Si les quotas ne sont pas remplis, vous terminez, peu importe l'heure.
Vous dormez ici.
Si vous travaillez bien, peut-être qu'un jour vous aurez une place en baraquement.
En attendant, c'est ici que vous dormirez.
Il marqua une pause avant d'ajouter d'un ton sec :
— Et surtout... gloire à la Cité.
Puis, il fit un signe de main, se dirigea vers ses hommes et disparut.
Un silence pesant s'installa.
Drake prit une profonde inspiration avant de déclarer :
— Ne posez pas de questions.
Travaillez au mieux.
Sinon, ils vous expulseront.
Et surtout, respectez chacune de leurs règles... sinon, vous aurez des problèmes.
Il s'effondra alors sur le sol, comme soulagé d'un poids.
Mais son regard restait dur.
Une larme faillit couler, mais il la ravala.
Il s'allongea et murmura :
— Reposez-vous dès maintenant. Vous en aurez besoin pour demain.
Sur ces mots, le groupe s'installa comme il put, déposant leurs maigres possessions sur le sol.
Ils fabriquèrent des matelas de fortune.
Une femme et l'homme infirme se serrèrent l'un contre l'autre.
L'enfant se blottit contre une autre femme.
Tous se regardèrent une dernière fois avant de sombrer dans un sommeil incertain,
cherchant dans les yeux des autres une chose précieuse :
la flamme de l'espoir.
————
Gagnant du 2e Prix Delaisi 5e édition sur le thème de « A quoi ressemblera l'Arctique en 2040 ? »
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