Les valses d'un rêve

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Il s’agissait d’une amie d’une amie. Je ne pourrais pas dire pourquoi j’étais dans cette voiture, ni pourquoi cette fille s’était retrouvée compressée entre la portière et moi. Mon amie Lucine, qui conduisait vers une destination inconnue, partageait la moindre de ses pensées à ses quatre passagers. Nous savions tous que plus elle parlait, plus l’ennui s’attelait à lentement nous étrangler. Tandis que je suffoquais silencieusement face au flot de paroles, j'ai senti un poids se poser sur mon épaule. Un geste doux et lent, qui dura quelques secondes. Plus je supportais cette masse non identifiée, plus le volume ambiant s'évanouissait. J’ai tourné la tête, pour apercevoir une chevelure noire de jais. Une chevelure légèrement ondulée si lumineuse qu’un calme omniprésent m’a traversé. Une paix intérieure dont je manquais.

Pour une raison qui m’échappait, elle avait décidé de se reposer sur moi. Une pression agréable m’avait envahi. Un sentiment de responsabilité, une voix intérieure me vociférant de prendre soin de cette personne qui m’offrait un brin de confiance. Mon corps avait alors pris une initiative que ma conscience aurait trouvé immensément déplacée. Celle de poser ma main sur l’épaule de cette jeune femme. Un mouvement empli d’une assurance déconcertante. Il l’a ensuite légèrement serré, pour lui signifier la dimension affective de la manœuvre.

La pluie résonnait sur les vitres du véhicules et Lucine, quant à elle, continuait à déblatérer ce que son cerveau lui infligeait. Le mien était silencieux, je crois que celui de la fille aussi. Au bout d’un quart d’heure, elle projeta son regard vers moi. Je mis du temps à traiter l’information. Intrigué par ce mouvement, j’ai légèrement pivoté, jusqu’à plonger dans ses yeux.

Une longue discussion a alors commencé. Nous avons parlé d’elle, puis de moi. Aucun mot ne s’échappait, pourtant pléthore s’échangaient sans un bruit. Elle m’a dit qui elle était, et qui elle souhaitait être. J’ai lu ses goûts, ses passions, ses défauts, ses mimiques et ses complexes. Aspiré par ces confessions, j’ai ressenti ses peurs, ses joies, ses pleurs et ses débats. Je parcourais un être qui s’était soudainement ouvert à moi, sans mot ni geste. Je me suis alors ouvert à mon tour. Je l’ai sentie me rejoindre et danser avec mes pensées. Nous avons commencé par une salsa de mes goûts et mes passions, puis nous avons entamé une valse de mes doutes et mes peines. S’enchainèrent ensuite un foxtrot de mes souvenirs, un tango de mes rêves, un slow de mes faiblesses. Je me livrais, elle dirigeait. Elle avait parcouru chaque parcelle de mon être avec douceur et compréhension. Nous avons fini par une valse. Celle-ci était flottante, mais fusionnelle. Nous échangions nos envies, et nos secrets. Des pensées mutuelles et sensibles, des mots virevoltant, deux êtres discutant.

Je ne me souviens ni de la couleur de ses yeux, ni de son visage. Pourtant, je me souviens de chaque détail qui avait découlé de ce regard. Après celui-ci, un réflexe commun avait fait son apparition. Nous nous sommes approchés l’un l’autre, et nos lèvres se sont brièvement touchées. Nous nous sommes embrassés, d’un premier baiser habituel. Celui que l’on s’offre au lever du soleil, ou à son coucher. Un geste spécial enrobé de banalité par le temps. Si banal qu’après celui-ci, nous avons tous deux tourné la tête sans un bruit. Ses émotions me submergeaient. Elle avait tant dit sur elle que je me retrouvais noyé dans une abysse de rêves et de vérités. Une larme perla le long de mon cœur, et creusa un sourire discret sur mon visage. Une couverture bleutée emmitoufla mon esprit. Un bleu rassurant, semblable à celui de l’aube nautique, où les silhouettes saluent et les masques se cachent. Les étoiles de ses envies inondaient ma vision, me plongeant dans un océan d’espoir et de paix. J’ai alors vu une étoile qui venait de moi, une étoile orange, d’une teinte ambrée, presque de miel. J’ai tendu le bras vers elle, pour l’attraper, voir le destin qu’elle proposait.

Ma main a alors touché sa mâchoire. Un contact doux. Nos regards se sont à nouveau croisés et le sien pétillait. L’étoile que j’avais poursuivi avait fini par envahir ses yeux, si bien qu’une galaxie crépusculaire y résidait désormais. Notre second baiser fut un premier baiser. Teinté d’un blanc pur et mate, il évoquait une paix totale. Le blanc d’un drap rassurant qui m’enveloppait. Ce moment éternel se termina par un regard, puis un ultime sourire. Nos yeux se mirent à fixer le paysage, les mots de Lucine revinrent à nos oreilles, et le brouhaha de la vie repris.

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