Soumission

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Après le bain, j’enfilai le yukata — heureusement, Momoka m’avait appris à faire un nœud simple pour la soirée au club, et je m’en souvenais encore —, me coiffai et me maquillai légèrement. Si Hide devait mater, je voulais apparaitre sous mon meilleur jour.

Il m’attendait dans la pièce japonaise, assis en tailleur sur les tatamis, devant une petite table basse. En kimono lui aussi. La pièce semblait vide, sans trace d’objets contondants ou d’armes. Cela, au moins, me rassurait.

— Assieds-toi là, m’indiqua Hide en me montrant une place à côté de lui.

Puis il se leva et passa dans une autre pièce, derrière des cloisons coulissantes.

Il revint avec un paquet de corde, qu’il posa sur ses genoux après s’être rassis. La gorge sèche, je le vis dérouler une bonne longueur juste sous mes yeux, comme s’il était en train de faire quelque chose de normal. Il n’avait pas l’air excité ni rien : très concentré et sans même me regarder, il déroulait de la corde qu’il enroulait au fur et à mesure autour de sa main, avant de s’arrêter. Là, il attrapa un couteau de l’intérieur de son kimono et coupa, faisant un nœud à l’extrémité du rouleau.

J’avais du mal à croire que j’attendais tranquillement, passive victime, de me faire ligoter par la corde cruelle qu’il avait déroulé devant moi. Et c’était pourtant la réalité. J’attendais, habillée et maquillée comme une poupée, tandis qu’un yakuza tatoué à la réputation d’assassin jouait du couteau tranquillement avec une corde destinée à m’attacher.

Une fois ses préparatifs terminés, Hide releva les yeux vers moi.

— Viens, me dit-il d’une voix égale.

Je me rapprochai de lui, sur les genoux, peu rassurée.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? Je ne dois pas me déshabiller avant ? Tu ne vas pas faire des trucs trop compliqué hein ?

Il me regarda en silence, puis sourit.

— Ro-chan, tu me fais confiance ou non ?

C’était la question piège. Hide devait savoir que j’étais loin de lui faire confiance. C’était un yakuza, qui profitait de ma situation pour pouvoir réaliser ses fantasmes. Et il me payait.

— La confiance, c’est la clé, dit-il, soudain très sérieux. Si tu ne me fais pas confiance... Je ne t’attache pas.

Et adieu les cinq cent mille yens. Mais, intérieurement, je réalisai que l’argent n’était qu’un prétexte. Ce qui me faisait peur, surtout, c’est qu’il rappelle Masa pour me raccompagner, et que je perde l’intérêt qu’il avait pour moi. Pour le moment du moins, j’avais doublé Noa. J’étais avec lui, seule dans sa maison. Pas elle.

— Si, finis-je par lâcher, mais…

— Alors, tu te tais. Je veux que tu parles seulement si tu as mal ou que t’en as marre. Mais si tu acceptes, je veux que tu me laisses faire.

Légèrement inquiète, je laissai mes yeux errer sur la calligraphie exposée dans le tokonoma.

— D’accord, finis-je par acquiescer.

Il avait réussi sa manœuvre. C’était moi qui étais demandeuse, pas lui.

Hide me tira devant lui, toujours à genoux, puis il tendit la corde face à moi comme s’il voulait me mesurer. Apparemment peu satisfait du résultat, il en reprit encore un bon bout.

Je soupirai de soulagement. Hide me jeta un regard oblique, interprétant ça différemment.

— Moi aussi, je préfère quand c’est court, lâcha-t-il sans que je sache ce qu’il voulait dire.

La suite fut terriblement technique. En fait, ces préparatifs n’avaient rien d’érotique. Contrairement à ce que je m’étais imaginé, Hide n’essayait pas de me chauffer : d’ailleurs, il me toucha à peine. Il me fit allonger sur les tatamis, toujours habillée, et me passa la corde autour de la taille, plusieurs fois, avant de finir sur les épaules. Enfin, il défit tout.

— C’est la bonne longueur, me dit-il alors. Tu me feras signe si tu trouves que c’est trop serré.

Plutôt perplexe, je restais allongée, alors qu’Hide enroulait à nouveau la corde autour de sa main et son avant-bras.

— Tu peux te rasseoir, me lança-t-il.

Je ne comprenais rien. C’était déjà fini ?

— C’est tout ?

Il me regarda cinq bonnes secondes, puis éclata de rire.

— J’ai rien fait ! J’étais juste en train de prendre les mesures, Lola.

— C’est pas du tout rassurant, lui murmurai-je. Essaie d’être moins opaque, s’il te plait.

— Mais tu n’as aucune crainte à avoir, me dit-il. Je vais pas te faire de mal. Je te l’ai dit, si vraiment t’en peux plus, tu me le dis et on arrête.

Justement, j’en pouvais déjà plus. J’avais l’impression que tout cela n’était qu’une mise en scène destinée à me mettre mal à l’aise... comme au Park Hyatt. Hide était un sadique, qui aimait humilier ses proies.

— Mhm ? s’enquit-il en voyant ma tête déconfite.

Et soudain, il me colla contre lui.

— T’es mignonne, fit-il alors que j’étais serrée contre sa poitrine.

Je n’osai pas bouger, à la fois tétanisée et désamorcée par ce contact que j’avais peur de perdre. Puis je me rendis compte que ce geste n’était pas gratuit : Hide en avait profité pour tirer sur le col de mon yukata, de façon à dégager complètement ma poitrine.

Réalisant que j’avais les épaules et les seins à l’air, je relevai les yeux sur lui. Mais il me retourna d’un mouvement rapide, sans même regarder, alors que j’étais encore assise. Et là, me positionnant les bras dans le dos, il commença à m’attacher.

La sensation d’avoir les mains immobilisées, sans pouvoir les bouger d’un millimètre, m’irrita tout de suite. Mes manches étaient prises dans la corde, rendant mes mouvements encore plus limités. Ce n’était plus de l’appréhension que je ressentais, mais de la colère, et avec elle, une montée inattendue d’excitation.

Je comprenais aisément pourquoi il avait commencé par les mains. Avec ça, dès le début, j’étais sous son contrôle. Je ne pouvais plus l’aider ni même le gêner dans ses actes : j’étais obligée d’attendre passivement qu’il fasse quelque chose. Et quelque part, c’était heureux : qu’aurais-je fait, les bras ballants, en attendant qu’il ait totalement fini de m’attacher ?

Son geste suivant, en revanche, me prit par surprise. Toujours derrière moi, il passa sa main sur mes joues, et m’ouvrit la bouche. La sensation de ses doigts sur mes lèvres me prit tellement de court que je me laissai faire, pour me retrouver bâillonnée avec une sorte de tube en bois dans la bouche, maintenu par deux extrémités de corde. Du bambou, comme sur les images de tortures sexuelles de femmes tatouées du peintre Kaname Ozuma... Et juste après, Hide me fit basculer par terre, sur le dos.

— Pas de panique, me dit avec un large sourire en s’asseyant sur moi. Je fais ça pour te rendre service, pour t’éviter de bavarder inutilement.

Je détournai le regard, gêné par ce contact très intime, et cette image humiliante que je devais lui offrir. Il était sur moi, littéralement, comme s’il me faisait une prise du judo. Mais il ne m’écrasait pas. Le plus frustrant, c’était de ne pas pouvoir réagir, de ne pas pouvoir, moi, le toucher.

Il posa sa main sur mon ventre et me le gratta du bout des doigts, puis le tapota comme si j’étais un vulgaire paquet. Ah, il s’amusait bien !

Il prit vraiment son temps. La corde était réellement tendue et je me retrouvais très vite en sueur. Lorsqu’il la fit passer entre mes jambes, je regrettai de ne pas avoir exigé plus de longueur. Je regrettai surtout de m’être laissée faire… Ce n’était pas douloureux, mais je me sentais honteusement réduite à l’état de chose.

Hide n’ouvrit mon yukata qu’en haut et qu’en bas. Mais pour le reste, j’avais encore les bras dans les manches, et il n’avait pas touché à mon obi. Le plus dégradant pour moi, c’est qu’il avait ramené mes jambes sur mon corps, et les avait attachées comme ça, pliées, façon poulet rôti. De ce fait, j’étais complètement exposée.

Évidemment, il fit des entrelacs compliqués autour de mes seins. Furieuse au début, mais ne pouvant rien faire, je pris le parti de me calmer et d’observer ce qu’il faisait de la manière la plus détachée possible. Ça me donnait une contenance. C’était très surprenant, mais il ne me touchait quasiment pas. Il ne touchait que la corde, et, ce même lorsqu’il me ligota la poitrine. Il n’avait pas l’air excité du tout : il faisait son truc avec application et concentration, sans une parole, un geste ou un regard déplacé.

Enfin, il n’y eut plus de corde dans ses mains. J’étais entièrement et étroitement ligotée, immobilisée et rendue muette.

Hide s’était relevé. Debout devant moi, il me regardait en silence. Je détournai le regard, gênée d’être livrée ainsi à son examen. Ce type aimait vraiment mater. Tant mieux, ainsi il ne tenterait rien...

Mais j’entendis soudain le sifflement lascif de la soie. Mes yeux revinrent sur lui à toute allure. Il était en train de défaire son obi ! Son kimono tomba au sol avec un bruissement aérien. Ses tatouages prirent vie sous la lumière tamisée de la pièce : serpents sinueux, nuages mystérieux, sang, symboles de mort et de vie. Ses muscles aussi, saillants et noueux, lardés de cicatrices. Et, sous le coton blanc du fundoshi — le sous-vêtement traditionnel masculin —, son désir qui pointait là, affamé comme un nez de cerf humant l’air pendant le brâme... Il resta là, debout sous mon regard, comme s’il attendait une appréciation.

Que je ne risquais pas de lui donner, pour tout l’or du monde.

— Un million de yens, dit-il enfin. En plus de ce que je te donne déjà.

Et pour illustrer sa proposition, il jeta sur mon ventre une première liasse de billets, retenus par une pince bifton doré.

Qu’est-ce que ça voulait dire ? Lorsqu’il commença à dénouer son fundoshi, je le compris. Il le fit avec une lenteur délibérée, sachant parfaitement dans quel état de soumission je me trouvais. Ce type était le diable.

Puis il s’agenouilla sur le tatami, entre mes cuisses ligotées.

Non... tentai-je d’articuler à travers la tige de bambou.

Hide me regarda, un sourcil levé sur la mèche noire de jais qui retombait sur son front.

— Tu connais le signal. Je te l’ai enseigné. Oui, ou non... si c’est non, tape sur le sol. Une fois suffira, et je te libère.

Mais j’étais incapable de lui donner ce foutu signal. J’étais paralysée, comme une souris face à la parade mortelle d’un cobra. Et il le savait. C’était son pouvoir...

Je l’entendis rire doucement.

— T’en as envie, hein... mais tu ne veux pas l’avouer. Tant mieux. C’est ça que j’aime chez toi. Cette fierté de femme qui ne s’avoue jamais vaincue, même attachée les jambes écartées...

Il avait raison. J’en avais envie. Terriblement.

Alors, je me risquai à regarder. Sa verge était énorme. Épaisse et veineuse, elle se dressait, avide, sur deux bourses gonflées à en éclater. Le fait qu’il soit intégralement rasé, comme un étalon du porno, et que cela rende sa bite plus grosse et obscène encore, ne fit qu’ajouter à mon excitation.

Visiblement, il n’en pouvait plus. Une érection pareille... Mais il prit son temps. De nouveau, il me regarda, guettant ma réaction. Il se nourrissait de cette vue... de me voir soumise, les joues écarlates, et en même temps terriblement consentante. Je le désirais depuis si longtemps ! En le voyant déchirer une enveloppe d’un coup de dents — je crus d’abord qu’il s’agissait d’un préservatif —, je détournai la tête, honteuse et déjà vaincue.

— Du tsuwasan, m’apprit-il. On ne baise pas une fille en kimono avec de la vaseline.

Le lubrifiant traditionnel à base d’aloe vera... Il faisait les choses bien !

Il porta ses doigts à sa bouche, les mouilla de sa salive avant de les enduire de la substance. Et les glissa dans mon intimité.

Je mordis sur mon bâillon. Son pouce caressait nonchalamment mon clitoris, tandis que son index et son majeur effectuaient d’intrusifs mouvements de piston dans mon vagin. C’était tellement humiliant ! Et il n’essayait pas d’être doux. Ses mouvements étaient brutaux, impérieux.

— Tu peux encore mettre fin à ça, proposa-t-il de sa voix rauque et terriblement joueuse.

Je le haïssais. Mais j’avais besoin de ce fric. Pour me barrer le plus loin possible de lui... ou me persuader que je voulais le fuir.

Alors, je n’abdiquai pas. Même en sentant son gland glisser sur ma vulve.

Après deux ou trois frottements lascifs, il s’enfonça lentement, centimètre par centimètre. Jusqu’à loger son énorme queue jusqu’à la garde. Et le pire, c’est que je remuai déjà des hanches pour l’accueillir.

Semai na, gronda-t-il avec un rictus de satisfaction.

Tu es putain d’étroite. Le salaud !

Je serrai les dents. Ça faisait un mal de chien. Je n’avais pas été pénétrée depuis de nombreuses années, et je n’étais plus habituée. Dur de trouver un partenaire dans ce pays, où tous les Occidentaux voulaient baiser des Japonaises et où les locaux nous prenaient pour des chieuses hommasses et inaccessibles... Il fallait que le premier qui daigne coucher avec moi soit un mafieux monté comme un taureau, alors que j’étais mise dans l’incapacité de bouger.

Ce salopard se livra à de longs et profonds va-et-vient, qui me firent mouiller comme une fontaine. Le corps se défend comme il peut... mais cela fit sourire Hide, qui prit ça comme une victoire personnelle. Et qui en profita pour accélérer le rythme.

Malgré la honte, les liens qui m’écartelaient, et en dépit de la douleur de ce membre mâle qui me ravageait, j’étais plus excitée que je ne l’avais jamais été. La douleur, l’humiliation, la sensation de cette queue épaisse qui m’ouvrait et frappait rythmiquement le fond de mon vagin... C’était si intense ! Les muscles du ventre de Hide, qui se tendaient à chaque coup de butoir, ses bras puissants de part et d’autre de mon corps, ses mains possessivement posées sur mes cuisses, sa sueur musquée qui se mêlait à la mienne, ses longs râles rauques... et surtout, le fait d’être là, impuissante et attachée, toute entière livrée à sa férocité. Soumise. Prise intensément, comme un butin de guerre. Captive... violée. Cette conclusion me tira de ma complaisante sidération. Fini, le jeu de séduction, la comédie pseudo-galante et les concessions peu coûteuses au nom du supérieur intérêt financier. Cette fois, c’était un véritable sacrifice de chair que j’offrais sur l’autel du sacro-saint argent. Ce gangster était en train de me violer. Et moi, en dépit du bon sens, de la morale et de tous mes idéaux, j’aimais ça !

Je frappai violemment le tatami. Hide s’arrêta sur le champ, mais il avait eu le temps de jouir en moi. Et moi aussi, j’avais pris un plaisir coupable, n’abandonnant qu’au terme d’un orgasme dévastateur. Il resta un moment allongé sur moi, m’imposant son odeur poivrée de tabac, de parfum trop cher et de chevelure mâle, puis se releva. Il remit son kimono tranquillement, noua son obi. Puis ressortit sa lame dégainée et me regarda. Pendant un court instant, je pensai à Miyabi. Mais Hide, finalement, se servit de son couteau pour couper le lien qui retenait tous les autres. Je m’étalai sur les tatamis, délivrée. J’étais trop morte pour avoir vraiment eu peur.

— Tu connais le chemin de la salle de bains, m’apprit-il en replaçant sa chevelure en arrière. Masa t’attendra en bas. Prends tout ton temps.

Voilà. Son affaire étant faite, il me congédiait.

Mais n’était-ce pas ce qui était prévu ? J’avais moi-même dit à Sao de prévenir la police si je n’étais pas de retour au petit matin...

Je me relevai, fourbue. En quittant la pièce, je me retournai. Hide n’était déjà plus là.

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