4. Du côté de chez Billie - Billie

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J’veux toute la lumière

Le soleil, sur ma peau

J’vis dans un mirage

Où se cachent les fantômes

Owlle - Mirage

Jeudi 8 juillet 2021

Réveillée par les rayons du soleil, je traine quelques minutes au lit avant de descendre. La maison est vide. Hier, j’ai à peine croisé mes parents. Quand ils sont rentrés, je dormais déjà.

Ils travaillent, tous deux, au domaine de Somloup. Mon père est le directeur de l’hôtel, et ma mère, la cheffe du restaurant gastronomique. L’établissement leur appartient et c’est toute leur vie. D’ailleurs, c’est également là qu’on habite. Je ne vais pas me plaindre, le cadre est exceptionnel. Il y a plusieurs bâtisses de vieilles pierres qui forment une grande cour dans laquelle poussent des tilleuls et de magnifiques fleurs, sans oublier le jardin aromatique dans lequel j’ai toujours aimé trainer. Notre maison est un peu à l’écart, protégée des regards des clients par une haie d’hortensia, leurs couleurs sont incroyables, ça va du rose au bleu, en passant par plusieurs teintes de violet.

Le frigo est désespérément vide. Je contemple l’immense cuisine tout équipée en me demandant à quoi elle sert. En vivant à Paris, chez ma tante, j’ai découvert les repas en famille, autour d’une table, et j’y ai pris gout.

Je me rends donc au restaurant pour prendre mon petit déjeuner. Il est tôt, seules deux tables sont occupées. Je passe devant le buffet qui me met en appétit et remplis une assiette avec des fruits, un bol de muesli et un croissant tout chaud.

Je croise Milo qui me salue avec un grand sourire.

— Que désirez-vous boire ?

— T’embête pas, je m’en occupe, je connais la maison ! Et s’il te plait, arrête de me vouvoyer.

— Pardon !

Je me faufile en cuisine, où je retrouve ma mère qui s’affaire déjà sur le menu du midi.

— Salut maman, tu as besoin d’un coup de main ?

— Non, c’est gentil, mais je vais plutôt venir prendre une pause avec toi.

Je m’installe sur la terrasse à l’arrière de la cuisine, quelques minutes plus tard, ma mère me rejoint. Après avoir déposé un baiser sur mon front, elle s’assoit à son tour, avec une grande tasse de café.

— Tu as bien dormi ma bichette ?

— Oui, même si c’est presque inquiétant tout ce silence !

Elle rit.

— Dans quelques jours, tu y seras de nouveau habituée. L’inverse, je ne sais pas comment tu fais pour supporter les bruits incessants de la capitale.

Je hausse les épaules.

— Il parait qu’on s’habitue à tout. Et puis, ça vaut le coup, c’est quand même Paris !

Elle me sourit avec tendresse, puis boit une gorgée de café.

— Tu as prévu quoi aujourd’hui ?

— Je vais profiter de la fraicheur du matin pour aller me baigner, et après, je ne sais pas encore.

— Tu as raison, pas de programme, tu es en vacances !

J’écarquille exagérément les yeux.

— Maman ! Tu connais ce mot ?

Je traverse un bout de forêt pour rejoindre la base de loisirs. Lorsque j’aperçois enfin le lac, je m’arrête pour l’admirer cette grande étendue bleue. Il est tout juste neuf heures, mis à part quelques pêcheurs, il n’y a personne sur la promenade. Je rejoins la plage qui est également déserte. Je retire mes sandales, pour marcher dans le sable, c’est froid et humide et pourtant je savoure cette sensation.

Souvent, les gens se moquent lorsque l’on parle de cette plage. Pour eux, s’il n’y a pas la mer, ce n’est pas une plage. D’accord, le sable a été amené ici par camion pour le confort des touristes, mais j’adore cet endroit, c’est ma plage !

Je rejoins le ponton et y installe ma serviette. L’eau est claire, un groupe de petits poissons s’enfuit à mon arrivée.

— Désolée de vous avoir dérangés !

Au loin, quelques bateaux du club de voile glissent tranquillement sur le lac. J’écoute pendant quelques instants le clapotis de l’eau. Puis je mets mes écouteurs, et lance l’enregistrement que nous a fait la prof de yoga afin qu’on puisse continuer de pratiquer pendant l’été.

Lorsque je termine ma séance, en me retournant vers la plage, je découvre que je ne suis plus seule. Quelques serviettes sont installées. La cabane des secouristes est ouverte, le drapeau vert hissé. Je reconnais immédiatement Kloé à ses cheveux bleus. Elle porte un bermuda à grosses fleurs et haut de maillot de bain noir.

— Je t’ai pas vu arriver, lui dis-je en lui faisant la bise.

— Tu étais hyper concentrée, j’ai pas voulu te déranger.

— C’est tellement plus agréable de pratiquer ici que dans le gymnase qui sent les pieds !

Nous rions.

— Je suis trop contente de te voir ! me dit-elle. Tu m’as manqué.

— Toi aussi ma petite fée des eaux !

On se prend dans les bras pour se câliner, puis elle me regarde plus en détail.

— Il est incroyable ce maillot de bain ? C’est toi qui l’as fait ?

Je ne peux m’empêcher d’afficher un large sourire ainsi qu’une certaine fierté. C’est un maillot de bain une pièce, violet avec des fleurs orange sur le haut, et un dos nu.

— Merci ! J’ai bien galéré, c’est pas facile à coudre comme tissu. Le gros avantage c’est qu’il est parfaitement à ma taille.

— Il te va super bien ! ajoute-t-elle avec enthousiasme. Si tu veux te baigner, profite en tant que c’est calme. Y’a des groupes d’enfants qui vont pas tarder à arriver.

— J’imagine que tu ne peux pas m’accompagner.

— Non, madame ! Quoi qu’en dise Ulysse, je bosse !

Pendant l’année, Kloé étudie la biologie marine, et l’été, elle travaille ici comme maitre-nageuse sauveteuse. Elle porte son sifflet à ses lèvres, prend la pose : torse bombé, mains sur les hanches et le regard tourné vers la plage. Je la prends en photo en riant, puis envoie le cliché sur notre groupe de discussion.

— Mais je peux t’accompagner jusqu’au bord de l’eau et t’encourager ! propose-t-elle.

Je rassemble ma tignasse sur le haut de mon crâne et j’enfile mon bonnet de bain. Il est beaucoup plus large que les bonnets classiques, spécialement adapté aux cheveux texturés. Ça reste galère pour y faire rentrer toute ma tignasse.

— Ce bonnet ! ricane-t-elle en me prenant en photo.

— Oui je sais, c’est laid, mais si je ne le mets pas, mes cheveux vont en souffrir. Il faut faire des choix !

Elle s’approche pour le réajuster sur mon front.

— Voilà, c’est un peu moins pire ! On avait l’impression que tu avais raté ton lifting !

J’entre dans l’eau, elle est fraiche. Comme promis, mon amie m’encourage sous les yeux curieux des vacanciers.

— Nage bien ! me lance-t-elle quand je commence à m’éloigner.

Nager est un bien grand mot, parce que ce que je préfère, c’est faire la planche. Les yeux fermés, les oreilles dans l’eau, je flotte et je me laisse porter. Plus aucune pression.

Lorsque je reviens sur la plage, un groupe d’enfants est effectivement arrivé. Ils écoutent avec attention les instructions de leurs animateurs. Je rejoins Kloé.

— C’est vraiment cool que tu sois là ! me dit-elle.

En attendant sa pause déjeuner, nous papotons de nos études respectives, ainsi que de nos projets.

— Tu en as parlé à tes parents ? me demande-t-elle.

— Non, pas encore.

Elle se pince les lèvres.

— Billie, c’est pas pour t’emmerder ou te faire la morale, mais plus tu vas attendre, plus ça va être dur.

— Je sais. Je voulais attendre d’être ici pour leur annoncer. Et hier, je les ai à peine vus. Mais, je vais le faire dès que possible !

À quelques minutes de marche de la plage, nous rejoignons la zone de jeux pour enfants. Toboggan, balançoires, tyrolienne… mais surtout un crabe géant sur lequel on peut grimper. Petite, j’ai passé un temps fou ici. Cet animal de bois et de fer était devenu un de mes amis, j’adorais me cacher à l’intérieur. Je l’avais surnommé : Crabette.

En face se trouvent la zone de pique-nique et le Lac à frites, où travaille Ulysse. En nous voyant arriver, il nous fait un signe de la main et un grand sourire.

— Ça va ? lui demande Kloé, tu t’en sors ?

— C’est galère, je suis tout seul. Heureusement y’a pas grand monde, mais ce week-end, y’a le club de voile qui organise une course. S’il fait beau, ça va être blindé !

— Tu veux que je passe derrière le comptoir pour te donner un coup de main ? propose-t-elle.

— Surtout pas ! Tu veux que je me fasse tuer par Zara ? J’arrive !

Il termine de servir une famille, puis sort pour nous saluer. Il claque une bise sur ma joue et me prend dans ses bras.

— Désolé, je sens la frite !

— Je suis plus choqué par ta chemise jaune pisseuse que par…

Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que Kloé nous saute dessus et fait mine de le croquer. Ulysse pousse un cri et s’écarte.

— J’ai super faim ! s’exclame Kloé.

— Je ne suis pas comestible ! proteste-t-il. Je vais plutôt te donner de vraies frites ! Et oui, je sais, avec la sauce algérienne ! Cette fois, je me tromperais pas !

— La meilleure ! approuvè-je. On va aussi te prendre des paninis.

On s’installe au bout du long comptoir pour ne pas le gêner dans son travail.

Je croque dans le pain chaud et savoure le mélange des fromages.

— Je ne comprends pas, dit Ulysse. Tu viens ici pour manger de la junk food alors que tu pourrais déjeuner dans un resto gastronomique, à l’œil.

Je ris.

— Je viens pour toi ! Bon ok, aussi pour le fromage fondu !

Il secoue la tête.

— Ok pour les paninis, je peux comprendre. Mais explique-moi pourquoi tu te baignes dans le lac, alors que tu as une magnifique piscine chauffée à disposition.

— Elle aime se mélanger à la populace ! ironise Kloé.

— Voilà ! Et puis, la piscine est cool, mais le lac est tellement magnifique.

Ulysse grimace.

— Je sais pas comment vous faites pour vous baigner là-dedans ! On voit pas le fond et y’a plein de trucs dégeux !

— Tu veux que je te raconte ce que les poissons font dedans, le taquine Kloé avec son sourire malicieux.

Ulysse fait non de la tête, mais cela n’empêche pas Kloé de poursuivre.

— La femelle émet ses ovules dans l’eau. Le mâle se frotte à elle, puis il répand sa semence sur les œufs…

— Dans l’eau ? grimace Ulysse.

— Oui oui, répond-elle, satisfaite.

— Mais pourquoi tu me racontes ça ? c’est dégueulasse ! Plus jamais je me baigne !

Après avoir servi les clients présents, Ulysse revient de notre côté.

— Mais au fait, tu devais pas venir avec ta meuf ? me demande-t-il. Elle est où ? Tu l’as cachée ?

Kloé me fixe, visiblement curieuse de ma réponse. Pourtant, elle ne m’en a pas parlé. Est-ce qu’elle se doute de quelque chose ?

— Non, elle a dû annuler. Elle a été invitée à un défilé à Milan, ça ne se refuse pas.

— Ah oui, quand même ! Madame !

Je m’étonne moi-même de réussir à leur mentir avec autant d’aplomb.

— Dommage, commente Kloé, j’aurais bien aimé rencontrer cette fameuse Charlotte.

Intérieurement, je me réjouis que cette rencontre n’ait jamais lieu. Je me demande combien de temps Charlotte aurait pu faire illusion avant que Kloé ne la perce à jour. Ce dont je suis sure, c’est qu’elles se seraient détestées.

Ulysse passe ses bras par-dessus le comptoir et attrape nos mains à Kloé et moi. Puis il annonce de manière très solennelle :

— Les flamants roses sont de nouveau réunis ! Faut qu’on fête ça ! On sort ce soir.

Kloé grimace légèrement.

— Je suis un peu fauchée, indique-t-elle.

— Je t’invite, propose Ulysse.

— Non, tu vas pas tout payer à chaque fois.

— Sinon, on peut squatter chez moi. Faut juste qu’on passe à la supérette avant si on veut pas mourir de soif et de faim ! Mais ça nous coutera moins cher que le bar.

— Ça me va ! répond Kloé.

— Parfait ! s’exclame Ulysse.

***

Après un petit détour par la forêt, je regagne le domaine. Mon père est dans la cour avec trois autres hommes en costume-cravate. Ils sont probablement là pour un séminaire. L’hôtel dispose de deux salles de réunions toutes équipées pour accueillir ce type d’évènement. Mon père me fait signe d’approcher.

— Je vous présente Billie, ma fille, annonce-t-il fièrement. Elle a terminé ses études et va me rejoindre ici pour me seconder.

Le regard libidineux d’un des hommes me fait sentir bien moins habillée que je ne le suis. Il me donne la gerbe, mais je me contente de sourire gentiment.

Je passe par les cuisines, où je dérobe quelques cerises ainsi qu’une citronnade bien fraiche. Puis, je me réfugie dans ma chambre.

Je n’ai pas encore pris le temps de m’occuper de ma deuxième valise. Je l’ouvre délicatement pour dévoiler son contenu : tissus, rubans et accessoires de couture, et le plus important : ma précieuse machine. Je l’installe sur mon bureau et refais les réglages. Malgré mes précautions, elle a été un peu secouée pendant le voyage.

Je feuillète mon carnet de croquis en me demandant sur quoi je vais me lancer. Les projets sont nombreux, pourtant, rien ne me donne envie.

Je me retrouve dans le dressing de mes parents à fouiller dans les robes de ma mère à la recherche de l’inspiration. Je m’arrête sur une robe de soirée bleue que j’ai toujours trouvée magnifique, sur elle, parce que sur moi c’est juste ridicule. Ma mère est une belle femme, aux formes parfaites, alors que moi, je suis grande et toute plate, pas de seins, pas de fesses.

Je pourrais lui faire la surprise de lui coudre une nouvelle robe ! Mais à quoi bon ? Elle en a déjà tellement, et elle ne les porte que rarement. La plupart du temps, elle porte sa tenue de travail.

Je regagne ma chambre, un peu dépité et manque de me casser la figure en marchant sur un truc qui roule. Je découvre un noyau de cerise. Comment est-ce qu’il est arrivé là ? Je retrouve le bol vide sur mon bureau et les noyaux et queues de cerise, dispersés dans toute la chambre. J’avais laissé la fenêtre grande ouverte, je me penche à la recherche d’une explication, mais je n’en trouve aucune. Au loin, j’entends le chant d’un oiseau qui semble se moquer de moi.

***

Vendredi 9 juillet 2021

Quelques jours après mon arrivée, nous avons enfin l’occasion de passer un moment en famille. Nous dinons sur la terrasse devant la maison. Mes parents ne se sont pas changés, et portent chacun leur tenue de travail. Et nous mangeons les plats du restaurant. Mais au moins, on est ensemble tous les trois.

— Dommage que Charlotte n’ait pas pu venir, nous aurions vraiment aimé la rencontrer, dit ma mère.

— Oui c’est dommage. Elle aussi était impatiente de vous rencontrer.

Je sors ça le plus naturellement possible. Un nouveau chapitre de ma vie inventée. J’avais effectivement proposé à Charlotte de venir passer des vacances ici avec moi. Je lui ai montré des photos et elle a été séduite par ce cadre idyllique. Ensuite, je me suis emballée en annonçant à mes parents qu’elle viendrait avec moi cet été, en parfait petit couple. La vérité est bien différente. Mais elle et moi, nous n’avons jamais été ensemble, à part dans mes rêves. Je me demande si moi-même j’y ai cru un jour. Depuis que j’ai rencontré Charlotte, j’ai découvert à quel point le mensonge est facile. Il évite les longues discussions, les déceptions et les humiliations. Je remarque Milo, qui s’avance timidement, un seau à champagne dans les mains. Nos regards se croisent. Mon père lui fait signe d’approcher, il nous salue d’un signe de tête et dépose le seau à champagne sur la table. Puis mon père lui glisse un billet dans la poche. Milo continue de sourire poliment, mais je perçois sa gêne. Il repart aussi vite qu’il était arrivé. Je déteste quand mon père fait ce genre de trucs.

Après avoir servi trois coupes, mon père lève son verre.

— À ton diplôme ! annonce ma mère.

— Enfin de retour à la maison ! complète mon père.

Je bois quelques gorgées pour me donner du courage.

— À ce propos… il faut que je vous parle de quelque chose…

Mon père fronce déjà les sourcils.

— … J’envisage de poursuivre mon cursus…

— Billie, me coupe-t-il. C’est super que tu t’amuses à Paris, mais on a besoin de toi ici.

— Papa, je ne m’amuse pas, j’étudie sérieusement et avec application. Mes résultats sont bons.

— Je ne dis pas le contraire, mais nous avions un marché ! On avait dit trois ans ! Et tu étais d’accord !

Il me fixe d’un air sévère, je me sens minuscule.

— Oui, c’est vrai, bredouillè-je. Mais c’était il y a longtemps. J’ai évolué et j’ai d’autres envies.

Il pousse un long soupir et se rassoit.

— Papa, tu ne comprends pas… Je suis passionnée par la mode, j’aime ce que je fais.

— Je le comprends parfaitement, et c’est très bien d’avoir des hobbys. On ne t’a jamais empêché de suivre tes passions. Mais là, tu cours après une chimère. Billie, enfin, tu dois redescendre sur terre. Le secteur de la mode est totalement bouché. Pourquoi t’embarquer dans une voie de garage, alors qu’ici, tu as ta place et un avenir.

— Le domaine, c’est votre rêve, pas le mien !

— Tu n’auras jamais une aussi belle opportunité. Est-ce que tu sais, combien de CV je reçois chaque semaine ? Le nombre de personnes qui rêvent de travailler ici !

Je hausse les épaules.

— Pourquoi est-ce que tu me veux moi, alors que tu as des candidats bien plus qualifiés, et que j’ai d’autres projets.

Il secoue la tête. Je sais que je le déçois et ça me fait mal. Mais je dois exister par moi-même et suivre mes propres rêves.

— Et donc, tu veux poursuivre tes études… pendant combien de temps encore ?

— Deux ans. Mais je vais chercher un boulot pour financer…

Il fait un geste de la main, comme s’il chassait une mouche.

— Ça n’est pas la question, tu le sais bien. Et Anaïs, tu as pensé à elle ? Cela fait déjà trois ans qu’elle t’héberge et son appartement n’est pas grand.

Ma tante élève seule ses deux filles, elle a connu des moments difficiles, j’en ai bien conscience. J’aide du mieux que je peux, quand mon emploi du temps me le permet. Je donne un coup de main pour les courses, le ménage, les repas. Deux fois par semaine, je vais chercher les filles à l’école et les aide à faire leurs devoirs. Tout ça me semble normal, contrairement à ici, je ne suis pas à l’hôtel. J’aime passer du temps avec mes cousines, et j’adore ma tante. Anaïs me dit régulièrement qu’elle est heureuse que je vive avec elles, et je la crois. Contrairement à mes parents, ce ne sont pas juste des paroles. On passe du temps ensemble, toutes les quatre, en famille.

— Oui, bien entendu, je lui en ai parlé ! Et elle est d’accord, on a trouvé notre fonctionnement. C’est même elle qui m’a encouragée à…

— Donc, ma sœur était au courant avant moi ! Et moi qui ai annoncé à tout le monde que tu venais me seconder, alors que tu manigances dans mon dos. Pour quoi je passe ? Un imbécile !

— Pas du tout ! Papa, je n’ai rien manigancé, j’attendais juste le bon moment pour vous en parler.

— Et toi, tu étais au courant ? demande-t-il à ma mère.

— Non, comme toi, je l’apprends.

Il m’étudie du regard.

— Tu me fatigues, dit-il en se levant. Quoi que je dise, tu n’en fais qu’à ta tête. Je retourne à l’hôtel, j’ai du travail.

C’est tellement injuste ! Toute ma vie, j’ai fait ce qu’on me demandait de faire.

Je me lève pour protester, mais les mots ne sortent pas. Il quitte rapidement la pièce. Ma mère me regarde d’un air désolé.

— Laisse-lui le temps de digérer la nouvelle, me dit-elle. Tu le connais quand il a une idée en tête. Et puis, il était si heureux et impatient que tu viennes travailler ici avec nous. On en reparlera, on a le temps ! Raconte-moi plutôt ta vie à Paris, comment ça se passe avec ton amoureuse ?

Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle fronce les sourcils et me questionne de nouveau.

— Rassure-moi, si tu veux retourner à Paris, ce n’est pas à cause de cette fille au moins ?

Je lève les yeux au ciel

— Non ! C’est pour moi !

Elle me tapote la main.

— Je vais également y retourner, pour m’assurer que le service s’est bien passé.

Je me retrouve de nouveau seule. Je m’occupe de ranger les restes du repas auquel nous avons à peine touché, puis je monte dans la chambre. Je m’étends sur mon lit, les bras le long du corps. Je tremble légèrement. Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration.

Mon père est vexé, c’est certain, malheureusement, je ne suis pas surprise. Au moins, pour une fois, j’ai eu le courage de dire ce que j’avais sur le cœur.

Mon père est impressionnant, ce n’est pas facile de discuter avec lui, il a réponse à tout, mais j’ai réussi à lui tenir tête.

Un bruit à la fenêtre attire mon attention. Serait-ce mon petit voleur de la veille ? Je m’approche le plus discrètement possible et tombe nez à nez avec deux petits yeux jaunes. Je pousse un cri, elle aussi. Avant de comprendre de quoi il s’agit, la bestiole a disparu.


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