La polonaise dans mes rêves
Je ne veux pas dire adieu à ma période dorée, donc je vous parle de mon amour fou pour cette élégante polonaise. Le coup de foudre résonne en avril 2016 dans un Flexibus nous emmenant de Paris à Noirmoutier.
C'est Gabriel, accompagné d'Anastasia, qui nous invite tous dans sa maison old school au bord de l'océan Atlantique. J'arrive à sept heures du matin à la gare de Bercy en gueule de bois. Dans le bus, je m'assois à côté d'Agnieszka que je ne connais pas. On se regarde et on craque de fou rire. Pour rien. C'est juste magique. Elle maîtrise le français avec un accent grave et captivant. Je ne me souviens même pas de quoi on discutait, mais le voyage s'avère régalant avec une seule erreur de ma part : je sors ma bière de 50cl de mon sac avant midi. Un signe d'alcoolique évidemment repéré par Agnieszka qui habite un pays souffrant de l'éthanol.
Le séjour dans cette fameuse île vendéenne est juste surnaturel. Mon humour est au sommet de son art. Un soir je regarde le ciel et je demande à Agnieszka : "Combien penses-tu qu'il y a d'étoiles?". Ça amuse toute la troupe. Mini-golf, balade en vélo, restaurants avec du poisson imbattable ... et bière sur bière, voilà comment résumer ces vacances de bon enfant.
Mais problème : je suis amoureux et panique intérieurement. Je cache mon anxiété en sortant des blagues de nulle part. "Quel est l'objet le plus important à avoir si tu te retrouves seul dans une île déserte?", j'interroge Gabriel qui reste muet. "Bah, un avion!". Là je comprends dans le regard d'Agnieszka qu'il y a possibilité de créer quelque chose lors de notre retour à Paris.
En plus, sans prétention, je suis loin d'être laid, blond aux yeux bleus, 1m75 pour 65 kg au corps athlétique tel un chat maigre avec des boutons d'acné qui me démangent depuis le collège. Mais détail vital que je ne vous ai pas révélé : elle a un petit ami, Français et aisé, travaillant à l'autre bout du monde, au Vietnam. Et ça, c'est à la fois embêtant et excitant. Car il est loin. Comme Gabriel et Alexandra, c'est Tinder qui a formé ce couple à distance.
Ai-je une chance ? Me mène-t-elle en bateau en passant toute une journée avec moi à Roland-Garros ? C'est ma mère qui avait payé les billets et en plus il pleuvait. Elle me sourit beaucoup comme pour valider qu'elle comprenait que je l'aimais. Mais impossible de trouver les mots, même avec l'alcool que je contrôlais à merveille avec elle et qui créait une réelle osmose entre nous. Son dernier soir dans la ville lumière avant son retour en Pologne fut l'ultime occasion d'exprimer mon amour pour elle. Et je n'ai pas trouvé le courage de le faire. Et ce malgré une bouteille de vin rouge savourée dans son studio, à Denfert-Rochereau. Mais le lendemain, coup du destin : elle m'invite chez elle à Varsovie. Du moins je le croyais. On est en plein mois de juin, mon amie Gabriela est à Paris et je lui annonce la nouvelle. Sauf que je suis naïf. Agnieszka compte bien me revoir en Pologne, mais je dormirais chez Grazyna qui m'hébergerais alors avec son amie italienne.
Je ne comprends plus rien aux deux Polonaises. Agnieszka parle très peu de sa relation avec son copain typique expatrié français. Et elle s'amuse clairement avec moi. Quant à Grazyna, elle semble très séduite par moi, mais aussi par sa carrière et son rêve de devenir professeure de musique classique à la Sorbonne. L'espoir Agnieszka tombe à l'eau.
Furax, je la bloque comme Aisha et je rentre chez moi où je verse des larmes jusqu'à deux heures du matin avec du whisky sec pour me consoler et The One d'Elton John pour me noyer. Curieusement, en bloquant Agnieszka, j'ai libéré mon cœur. Je décide quand même d'aller à Varsovie où je passe un bon moment notamment avec Emma, cette délicieuse petite brune italienne bien râblée qui me chauffe et que j'emmène au casino. Elle me voit grimper haut à la roulette avant de m'effondrer. Ah le jeu... voilà un autre vice attaché à mon arc ! J'aurais dû draguer Emma au lieu de perdre tous mes zloty.
Quant à Agnieszka, je la revois lors de la visite d'une église. Ça ne me fait ni chaud, ni froid. Je possède un coeur d'artichaut qui peut se métamorphoser en cœur de pierre. Et je crois toujours en l'alcool, la MD ou le Valium pour attirer le sexe opposée... la pire des stratégies.
L'addiction empeste et fait fuir. Si j'étais plus stable et confiant, j'aurais pu coucher avec des dizaines de nanas. C'est ce que me reprochait Tómas, un ami portugais, journaliste doué et expert des sites de rencontres et des plans culs. Après ces trois occasions vendangées, ma période dorée prendra fin dix-huit mois plus tard.
Au retour de Pologne, je demeure le prince du sixième. Mon téléphone ne cesse de sonner. Les soirées Marie Denise et Caroline s'enchaînent. Je continue de voir hebdomadairement Grazyna, ma meilleure amie. Les jumeaux sont toujours là, ils m'invitent à des soirées et à jouer au football. Il y a l'épisode Stella qui aurait dû être du pain bénit. Puis mon stage chez Foot Mercato se termine début 2017 avec, comme guise de départ, des applaudissements ironiques de la part de mes collèges. Je commence à tourner en rond et constate que mes amis et proches percent enfin dans leurs vies professionnelles et privées. À l'instar de Gautier, parti en Belgique travailler dans la logistique et qui s'alignera avec une Mexicaine. Puis le pire scénario arrive. Un PMU City ouvre ses portes sur le boulevard Montparnasse à sept minutes à pied de l'appart. Idéal pour combler l'ennui. Désastreux pour le porte-monnaie. Dangereux car je sympathise avec des têtes infréquentables.
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