Chapitre 1
— As-tu bien compris quel sera ton rôle, Kanos ?
Cela faisait déjà plusieurs heures que le plan était élaboré dans l’obscurité d’une grotte. Kanos ne sentait plus les jambes repliées sous son corps tant la position dans laquelle il était installé était inconfortable. Il n’avait pas manqué de le faire remarquer à plusieurs reprises, mais son père Galdus n’en avait rien fait.
— Mais oui, Père ! Nous sommes ici depuis des heures. Je le connais par cœur, ce plan !
— Je l’espère, Kanos, je l’espère. Tâche de ne pas le faire échouer, cette fois.
— Ce n’était pas de ma faute, c’est cet homme qui est sorti de nulle part.
Galdus tentait du mieux qu’il le pouvait de rester calme face au caractère de son fils qu’il aurait préféré plus serein.
— Les imprévus font partie des plans, Kanos. Tu dois apprendre à y faire face en toute situation. C’est le seul moyen pour des gens comme nous de survivre.
— Eh bien je suis fatigué d’être comme nous !
La colère du jeune homme avait jailli d’un coup, comme s’il l’avait contenue trop longtemps. Elle l’avait aussitôt remis sur pieds.
— Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir un toit ? Pourquoi ne pouvons-nous pas travailler ? Gagner notre vie, tels des gens honnêtes ? Pourquoi nous faut-il avoir recours à ce genre de stratagèmes ?…
— Parce que ce pays ne veut pas de nous !
La dure voix de Galdus avait résonné dans l’entièreté de la cavité. Kanos renonça à formuler la fin de sa question tant celle-ci aurait attisé la fureur de son père. Galdus, bien qu’en apparence calme et serein, pouvait se montrer démoniaque, s’il y était poussé. Et cela, Kanos le savait très bien : son caractère à lui en était tout semblable.
— Crois-tu que je souhaite plus que cela ? Tu ne sais pas à quel point je regrette l’époque où nous vivions à la cour ! Je ferais n’importe quoi pour retrouver cette vie. Mais elle est perdue, Kanos. Elle est perdue à tout jamais.
Cette fois, Kanos ne sut que répondre. Il préféra rester silencieux afin de laisser son père organiser ses idées et recouvrer son calme. Après s’être tu un instant, il reprit enfin.
— Si nous le pouvions, Kanos, nous l’aurions fait voici longtemps. Mais c’est impossible, hélas. Mon visage est connu de tous et dès l’instant où je mettrai les pieds dans un village, le premier garde venu me mettra au trou. Je serai exécuté dans la semaine. Voici pourquoi, Kanos, nous vivons comme nous le faisons. Voici pourquoi nous ne pouvons nous établir : parce que notre bon roi ne le veut pas, et que lui désobéir est synonyme de mort.
La colère de Kanos était elle aussi retombée.
— Pourquoi alors ne pas quitter ce pays ? Nous pourrions aller en Saphir ! Là-bas, le roi…
Galdus l’interrompit à nouveau.
— Parce que nous n’en avons pas fini avec les Terres de Rubis, mon fils. Nous avons encore beaucoup à y faire.
Son regard était plus noir que l’onyx.
— L’heure approche, Kanos. Tiens-toi prêt, nous partons.
Annotations
Versions