Chapitre 7

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La séance suivante, Salai, vint la chercher. Il avait pris l’habitude de l’attendre au coin de sa rue. Quand elle s’approcha de lui, sans un mot, il prit sa main, tourna son poignet et le monta à sa bouche. Il y déposa un baiser chaud et humide, qui dura plus longtemps qu’il n’aurait fallu. Il ne manqua pas le frisson qui la traversa.

« Bella, je te veux, tu le sais. »

Lisa ne répondit pas. Elle le devança et marcha d’un pas rapide, nerveux, sans jamais se retourner. Chaque fois devenait plus difficile. Résister à la tentation devenait torture. Elle ne savait plus quoi faire. Le soir dans sa chambre, elle se contraignait à la prière. Rien n’y faisait, la seule prière qui lui venait était celle des mains de Salai sur son corps. Le jour de la déchéance ne pouvait qu’arriver.

Il avait fallu que Léonard tombe malade et ne puisse se déplacer à l’atelier. Lisa et Salai étaient seuls. Ils avaient commencé par une conversation des plus profondes, comme ils en avaient l’habitude. Les réflexions de Salai sur la pauvreté des enfants avaient fait venir les larmes sur le bord des yeux de Lisa. Larmes qu’il avait pris la liberté de sécher de son pouce. Cette fois la tentation était trop forte. Coincée entre le mur et le corps de Salai, son cœur battait plus fort, son souffle était plus court. Son regard était trop intense, elle baissa le sien dans un excès de pudeur. Elle savait qu’elle ne devait pas succomber. Sa morale le lui interdisait. Pourtant, chaque partie de son corps crépitait à sa présence puissante. Dans un sursaut de moralité, elle tourna la tête avant qu’il ne puisse atteindre ses lèvres. Sa bouche termina sa course à leur commissure. Douce, chaude, vibrante. Même là, tout était trop fort. Elle ne pouvait faire autrement que flancher. Elle ramena son regard dans le sien. Son nez frôlant sa joue. Son sourire était hypnotique dans son ironie. Il posa ses lèvres sur les siennes tel un papillon, avec légèreté presque furtivement. Il lui laissait le temps de le repousser. Elle ne le pouvait plus. Il pressa plus fermement, quelques minutes de plus. Le soupir qu’elle abandonna lui permis de s’immiscer dans la tiédeur de sa bouche. Sa langue cherchant la sienne, impudique. Elle n’avait jamais été embrassée de la sorte. Il en fut surpris et flatté en même temps. Il approfondit son baiser, elle s’abandonna complètement, les jambes flageolantes. Elle agrippa ses cheveux à pleine main. Répondant positivement à son ardeur. Elle serait allée plus loin si son esprit n’avait pas repris le dessus. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire elle le repoussa.

« Non, il ne faut pas."

Le souffle court, cherchant son oxygène, elle remonta les manches de sa robe que Salai avait repoussé pour caresser sa peau nacrée.

Elle lui tourna le dos, en proie à un horrible doute, devait-elle se refuser ? Retournée, elle lui camouflait ses sentiments. Sans ça, il aurait sauté sur l’occasion. Il ne disait rien, se contentant de la regarder de cette intensité qui la troublait. Même de dos, elle pouvait sentir ce regard, son insistance. Alors qu’elle s’éloignait, il tenta de la retenir par le bras. D’un mouvement brusque, elle se dégagea et accéléra le pas, claquant la porte. Elle courrait à travers les rues, ne voyant pas les badauds, s’écarter sur son chemin. Elle ne reconnut pas tout de suite l’homme qui l’agrippa aux épaules. Son mari.

« Que se passe-t-il ma dona ? »

Elle s’arrêta net. Ce qu’il se passait, elle était bien en peine de l’expliquer à son époux. Elle devait retrouver ses esprits et vite. Il attendait, le regard interrogateur.

« Léonard est malade, je rentrais à la maison.

- En courant ?

Elle ne répondit pas. C’était bien inutile de nier. Il attrapa son coude, la tirant à son côté, continuant le chemin qui les menaient chez eux, d’un pas tranquille.

- Il faut mieux vous tenir Lisa. Vous ne pouvez pas courir comme cela au milieu de la ville. »

Voilà qu’il la grondait comme une enfant maintenant. Lui et sa bienséance. S’il savait qu’elle luttait de toute ses forces pour ne pas y faillir.

Pour ne pas éveiller les soupçons, elle laissa filer plusieurs jours avant d’annoncer à son mari qu’elle ne poserait plus pour Léonard. Elle se plaignit de sa longueur et de sa réputation de ne jamais rien finir. Elle avait peur que ce tableau ne voie jamais le jour et qu’ils payent pour rien. Francesco ne pouvait pas nier que la réputation de l’artiste était fort négative sur ce point. Elle avait réussi à lui distiller le doute. Et s’il s’était trompé sur le personnage. Il était encore temps d’arrêter puisqu’il n’avait encore fait aucun règlement. La détermination qu’il lisait dans le regard de son épouse, le surprenait. N’y avait-il pas autre chose dans cette insistance à stopper le tableau ? Il décida toutefois d’écouter le caprice de son épouse. Léonard, reçu un courrier pour lui indiquer que les séances s’arrêtaient là sans autres explications. Léonard était furieux, il n’avait reçu aucune rémunération. Il faisait les cent pas lorsque Salai entra. Le jeune homme voyant son maître dans cet état stoppa net. Il pressentait la motivation de son tourment. Ils se regardèrent un instant. Salai n’y tint pas et baissa les yeux, fautif.

« Tu ne cesseras donc jamais de faire le diable !! Une femme mariée Salai….

- Il ne s’est rien passé, enfin, presque.

Léonard secoua la tête. Il aimait trop Salai et le connaissait trop pour lui en vouloir. Il s’approcha et l’attrapa par l’épaule. Le malaxant légèrement.

« Il va falloir que je rattrape tes bêtises encore une fois. »

La semaine suivante, Léonard se rendit à la boutique de Francesco. Une merveille pour l’artiste qu’il était, la boutique était un plaisir pour les yeux, remplie de tissus aux couleurs chatoyantes. Les rouges frayaient avec les verts risquant un camaïeu improbable. Les étoffes pigmentaient les murs de gaité.

Léonard, dans sa tunique noire, dépareillait de morosité. Perdu au milieu des clientes qui caressaient les tissus, il chercha Francesco des yeux. Il le trouva, conversant avec une dame, un tissu à la main. Son argumentation déclenchait un mouvement de tête affirmatif. Francesco était de dos et ne pouvait voir Léonard qui s’approchait lentement. C’est le regard détourné de sa cliente qui le fit se retourner. Léonard lui demanda quelques minutes de son temps. Francesco s’excusa auprès de sa cliente et se dirigea dans l’arrière-boutique où il avait un bureau, suivi de Léonard. Léonard, exposa son incompréhension sur cet arrêt subit du portrait. Francesco, index sous le nez réfléchissait aux bons mots à utiliser. Il n’avait pas envie de vexer l’artiste qui lui faisait face. Et en même temps, cette histoire le contrariait. Il exposa à mots recherchés ce qui avait motivé sa décision. Léonard fulmina. Le tableau avançait, il suffisait que Francesco vienne vérifier par lui-même. Francesco conseilla à Léonard de convaincre sa femme et l’autorisa à lui rendre visite le jour même. Léonard ne se fit pas prier et se dirigea via Della Stuffa. Lisa fut assez surprise de trouver l’artiste dans son salon. Elle résista autant qu’elle put aux supplications de l’artiste qui voulait à tout prix terminer son œuvre. Lisa trouvait injuste de punir l’homme pour ses faiblesses. Elle fit donc un pacte avec lui. Il pourrait terminer son œuvre à la seule condition que son disciple ne soit pas présent lors des séances de pose. Léonard, trop heureux, ne put qu’accepter.

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