B 257

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Qui suis-je ? La seule chose que j’ai à savoir durant de mon travail, c’est que je porte le matricule B-257, ma seule fonction, mon utilité première, où devrais-je même dire, ma seule raison d’être, est de collecter des données, jour après jour, minutes après minutes.

Je me lève non sans mal chaque matin, m’efforçant à arborer mon plus beau sourire et tout cela dans l’unique but d’accomplir mon devoir quotidien, dans cet immense immeuble, austère et grisonnant que l’on appelle, le ministère du Travail et de la reconstruction.

J’emploie d’ailleurs à tort le mot « immeuble », sachant qu’il est clairement bien en dessous de pouvoir ne serait-ce que représenter l’immensité de la chose que je décris.

Cet « immeuble » comme je l’appelle est en réalité un immense complexe de petits bâtiments longs et haut de quatre étages se rejoignant de bout en bout les uns les autres et formant vue du ciel une sorte d’immense carré. Mais cela, pour tout vous dire, je n’ai jamais eu réellement l’occasion de le vérifier par moi-même ! De là où je me trouve, tout est plat. Ce sont juste de larges couloirs bitumés !

C’est d’ailleurs si gigantesque que l’on pourrait facilement apparenter tout ce mélimélo de bétons entrelacés, à une sorte de microcosme ou se côtoieraient les différents ministères qui régissent notre société.

Le ministère de l’emploi et de la reconstruction, le ministère des Armées, le ministère de l’alimentation, le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur.

Aucun ne manque à l’appel, ils y sont tous regroupés et œuvrent ensemble mains dans la main dans un but commun.

Une immense tour trône fièrement en plein de milieu de ce paysage ! Cette tour, arbore 114 étages, pour une hauteur totale de cinq cent vingt-six mètres.

C’est le point névralgique ! La tour de contrôle ! Le cerveau ! Toutes les connexions neuronales, toutes les décisions cruciales sont prises depuis cette tour et nous arrivent au jour le jour directement sur nos postes.

Plus de deux cent cinquante mille mètre cube de bétons ont été nécessaire à son élaboration ! Quatre-vingt-cinq mille mètres carré de façade, vingt-cinq tonnes de poutres en acier !

Et ne pensez pas pouvoir vous immiscez à l’intérieur du complexe comme bon vous sembles ! Il faut pouvoir montrer pattes blanche !

Impossible de m’échapper ou bien même resquiller ! C’est là, la seule entrée possible !

Ce qui me dérange ce n’est pas vraiment de faire la queue, mais plutôt la raison pour laquelle je suis obligé de la faire ! Si en fin de compte, je devais patienter quarante minutes dans l’espoir d’un évènement heureux cela ne me dérangerait pas !

Mais en l’occurrence là je dois tout simplement attendre pour accomplir ma dure besogne, inutile de préciser que cela ne me passionne guère.

Contraint à la fatalité, nous nous retrouvons tous là, impatient, à attendre agglutinés derrière ce portique les uns derrières les autres, tel de petites fourmis ouvrières, attendant de rentrer dans leur tanière.

Et aujourd’hui, plus particulièrement, il me faudra m’armer de courage et de patience, afin d’avoir ne serait-ce que la prétention de franchir cette maudite porte d’entrée, effectivement la queue est si longue qu’on la voit se prolonger pratiquement jusqu’à la rue d’en face.

Tandis que je m’abandonne totalement inerte à mon triste sort, acquiesçant tout simplement, la tête baissé vers le sol et perdu dans mes pensées, j’entends ce qui me semble être des voix gronder de plus en plus fort. Je tourne la tête à gauche puis à droite, tend l’oreille, pris d’un sentiment tristement humain de voyeurisme malsain, je regarde avec attention, deux hommes se tenir l’un en face de l’autre, ils s’injurient copieusement, les insultes fusent, ils gesticulent, font de grands gestes, les visages sont crispés, l’animosité est palpable, l’un des deux saisie l’autre par le col, et le propulse au sol, j’aperçois de là où je me trouve, bien en retrait, toute une cohue se former autours d’eux, certains essayent de les séparer, d’autres s’agitent frénétiquement afin d’admirer ce triste spectacle, et malheureusement ce qui étais si prévisible arriva, de tout ce chaos fini par émaner un vaste mouvement de foule, qui à force de bousculade violente, me projetai au sol.

Je tombe de tout mon poids sans pouvoir me retenir à quoi que ce soit, ma tête heurte violemment les pavés, sans une seconde de répit une autre personne me tombe dessus, tel des dominos auxquels on aurait exercé une pression, d’autres suivent encore, je gis au sol, recouvert d’une dizaine de personnes qui essayent de se relever, s’appuyant de toutes leurs forces sur moi, je sens la pression de leurs corps, s’exercer sur mon abdomen, je peine à respirer, dans un élan de survie et je ne sais par quel moyen, j’arrive à m’en extirper, rampant au sol, m’appuyant de toutes mes forces sur mes avant-bras, je me relève immédiatement à quelques mètres de tout ce bordel.

Mes vêtements sont froissés, à moitié déchirés, je suis décoiffé, je ne ressemble plus à rien, mon teint est livide, je me tiens baissé les mains sur les genoux, la tête vers le bas, respirant à toute vitesse, essayant tant bien que mal de reprendre mon souffle.

Je vois arriver la sécurité du ministère, complétement débordés par le nombre de personnes se trouvant au sol, ils les extirpent, tirant sur leurs bras, leurs jambes, les agrippant par leurs vêtements, certains se relèvent immédiatement, d’autres restent stoïque gisant à terre, des secouristes arrivent, prenant immédiatement en charge les blessés, une femme portant une grande blouse blanche s’approche de moi, me disant.

- Monsieur, vous allez bien ? Suivez-moi.

Je fais un simple signe de la tête afin de certifier de mon état, je la suis sans dire un mot, elle me fait passer le portique de sécurité, par une entrée dérobée, au bout de quelques pas et ayant forcément d’autres priorités, elle me laisse continuer ma route me disant.

- L’infirmerie, c'est tout droit, puis première à gauche, n’oubliez pas de prendre votre attestation pour justifier de votre retard.

Bilan de cette catastrophe, vingt-trois blessés légers qui pour la plupart ont des fractures ou entorses minimes et un mort, cette personne à apparemment fais un arrêt cardiaque, dû à la compression de sa cage thoracique.

Et dire que cela aurais pu être moi. Mourir dans une file d’attente, quelle mort ridicule, mais tout à fait à ma mesure me direz-vous ! En tout cas je suis sûr qu’en se réveillant ce matin-là, jamais cette personne n’aurait pu imaginer ça possible.

Comme quoi il vaut mieux ne pas être tout le temps ponctuel.

La raison à tout ça, une simple bagarre due à une personne qui en aurais doublé une autre dans la file d’attente, mais personne n’aura à répondre de rien.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir réclamé depuis de nombreuses années, des entrées supplémentaires, cela aurais allégé le temps d’attente devant ce maudit portique et aurais évité cette catastrophe.

Mais non ! À la place, nous aurons le droit à une minute de silence à la pose midi.

Il faut constamment filtrés les entrées, la peur de l’attentat est bien plus préoccupante que notre bien-être.

Autour du périmètre de cette micro ville, sont disposés des murs en béton de quatre mètres de hauts, mis en œuvre justement dans le seul but, de bloquer l’entrée à n’importe quelle personne indésirable au sein de cette enceinte capitonnée

Personne n’a d’ailleurs pris la peine d’embellir ces murs !

Bien au contraire, ils expriment tout simplement l’idéologie de tout ce microcosme, « Allez à l’essentiel quoi qu’il arrive en s’abrogeant du superflu ! »

Froid et glacial, aucun autre mot ne me vient à l’esprit quand je dois décrire l’intérieur de ces bâtiments !

Une fois le seuil d’entrée franchis, de longs couloirs mène aux salles de travails, qui sont chacune reconnaissable par un numéro bien particulier inscrit en caractère gras sur la porte, la mienne est d’ailleurs la numéro sept, la septième cellule du ministère du Travail et de la reconstruction, elle se trouve au quatrième étage.

Une vieille moquette grisonnante est disposée au sol, les murs sont d’un blanc immaculé, à l’intérieure de celle-ci, de longs bureaux sont pratiquement accolés les uns aux autres, une vulgaire séparation est mise entre eux afin que nous puissions conserver un semblant d’intimité, ou plutôt pour que nous soyons le moins possible tenté de parler à notre voisin.

Aucune place à l’imaginaire ou à l’excentricité, tout a été pensé dans les moindres détails, afin que nous ayons le moins possible à nous déplacer, c’est la productivité poussez à son paroxysme ! La tâche à effectuer, est la seule chose que nous devons avoirs en tête lorsque nous sommes assis à nos chaises.

D’ailleurs cela à l’air de parfaitement fonctionner, quand nous sommes tous à nos bureaux accolés les uns aux autres comme de petites sardines dans leurs boites, et que nous tapotons frénétiquement en silence sur nos claviers tel des robots, on peut sentir émaner de tout ce brouhaha, une tel sentiment d’unité, nous ne formons qu’un seul être, obnubilé par sa tâche.

Tac, tac tac tac, résonnent à l’unisson les bruits de, c'est touches de claviers… Ce bruit nous transcende, comme sous emprise, nous nous abandonnons totalement, et c’est dans ces moment-là que l’on peut clairement ressentir que plus rien n’a d’importance, et encore moins le déroulé de notre propre vie, nous sommes ce tout, cette conscience collective.

Je me rappelle lors de l’annonce de la construction de ce complexe, tout le monde criait au scandale ! Les gens ne comprenaient absolument pas, la nécessité d’un tel édifice, de plus la pénurie de matériaux étant à ce moment-là de plus en plus préoccupante, tout le monde se demandaient à quoi tout cela allais bien servir, et pourquoi tout ce gâchis alors que justement la politique en termes de ressources était paradoxalement opposée.

Moi, au contraire j’attendais ce nouveau bâtiment avec impatience !

Je me voyais déjà me balader fièrement dans les couloirs de cette magnifique tour, contemplant ce beau paysage modelé de la main de l’homme, je me serais approché un peu plus du soleil, me serais hissé vers les cieux, sauf que non au contraire pour moi, rien n’a changé, je suis tout simplement resté emprisonné de ce petit immeuble austère. Tout en bas je reste là, à me tordre le cou, regardant désespérément vers le haut.

Cette maudite tour, je n’ai même pas eu l’occasion de la visiter, l’accès est réservé à ceux qui ont un grade plus élevé, pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de sortir du lot, de faire mon maximum pour me faire bien voir.

Elle est le premier bâtiment dont l’édification fut entreprise sous la première phase de l’ère de la reconstruction.

Effectivement la première nécessité a été d’unifier tous les ministères qui auparavant étaient très éloignés les uns des autres, ceci a été réalisé dans l’optique d’épurer les services, de les rendre plus performants et de les centraliser d’un point de vue géographique, ceci évite l’afflux de personnes inutile.

Comme j’aime à le penser, je suis un rouage, et même l’un des plus importants de notre société, certains aiment tout dévaloriser et ne vois en ma fonction que celle d’un simple gratte touche, d’autres médisants irons même jusqu’à affirmer que mon dur labeur pourrait être réalisé par un simple algorithme.

Détrompez-vous ce n’est pas si simple ! Il faut remarquer les concordances, les choses inutiles, et celles qui le sont moins !

J’aime à me voir comme un enquêteur, celui qui unifie le tout…

La machine sait tout, mais ne reste qu’un outil au service de l’homme.

Mon intervention est justement nécessaire quand la machine ne sait plus…

Cela arrive bien plus souvent que vous ne pourriez le penser, nous avons plus d’une centaine de cas à traiter par mois et malgré toute la bonne volonté de notre société, certains enfants sortent des centres d’éducations pratiquement livrés à eux même.

Heureusement que nous sommes là tels des aiguilleurs qui s’efforcerais de les orienter sur le droit chemin…

C’est vrai que cela ne parait pas très reluisant à première vue, mais n’allez pas croire que dans ce métier la porte est ouverte à n’importe qui, non, non loin de là !

Il faut avoir certaines prédispositions, nous sommes triés sur le volet…

Mon travail permet de cibler c’est jeunes adultes, suivant leurs classes sociales, centres d’intérêts, forces physiques et aptitudes intellectuelles, et ce, afin de leurs affectés un emploi…

Je vous vois d’ici vous demandez qui est cet homme à qui on aurait bien pu déléguer tant de pouvoir ? Et surtout qui est-il pour savoir mieux que les autres ce qu’ils devraient faire du restant de leurs vies ?

Et bien je vais tout vous expliquer ! Premièrement il faut savoir que je ne suis pas seul, effectivement comme vous l’avez certainement compris, nous sommes des centaines à œuvrer dans le même but !

Dans 98.71% des cas, tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes, notre intervention n’est absolument pas nécessaire

Le système se gère très bien de lui-même, les métiers sont affectés à l’aide d’un algorithme qui analyse les critères basiques d’affectations d’emplois et sélectionne seul pour une multitude de candidats les emplois qui leur sont suggérés.

En règle générale l’algorithme ne fais aucune supposition et la décision est claire. Il ne choisit qu’un seul emploi ! Celui qui convient le mieux à la personne en question !

Là où cela se complique c’est pour les 1.29% restants, leurs dossiers reviennent criblés de rouge portant la mention « emploi introuvable »

C’est surtout dans, c'est moment-là, que notre intervention est bien plus que nécessaire, nous faisons tout ce qui est en notre possible afin d’orienter les gens dans la bonne direction, la plupart du temps il s’agit d’une erreur du système que nous constatons et rectifions immédiatement.

Dans d’autres cas bien plus complexes, une étude approfondie est nécessaire, le travail d’investigations est la clé de voute de tout ce processus, c’est d’ailleurs de loin ma partie préférée, celle dans laquelle j’excelle. Et je vais vous dire pourquoi.

Premièrement, je connais les gens peut être mieux qu’ils ne pensent se connaitre eux même, d’où l’utilité des données que je collecte…

Ses informations me sont d’ailleurs d’une utilité absolue dans l’élaboration de ma tâche, quand je regarde le dossier d’un candidat potentiel, je me dois d’analyser toutes les informations que nous avons recueillies au cours de sa vie.

Tout est notifié dans son dossier, les plats qu’il mange le plus souvent, ce qu’il aime faire pendant son temps libre, la rapidité à laquelle il résout un problème.

Sans vouloir rentrer dans les détails, pleins d’autres choses plus personnel s’y trouvent aussi.

Le système est tellement bien fait que j’ai à ma disposition des statistiques précises sous forme de graphique, sur tout ce qu’il a mangé durant l’entièreté de sa vie.

Les gens qu’ils fréquentent le plus souvent, m’apparaissent sous forme d’un diagramme, et si je clique sur l’un des noms au hasard, je retombe sur les mêmes informations.

Grâce à tout ça je sais que, Martin, vingt-deux ans, adore les flocons d’avoine au petit déjeuner, arrive à résoudre un problème basique en quatre minutes et cinquante-deux secondes, côtoie, très souvent une certaine Marie.

D’ailleurs je peux remarquer que les battements de son cœur s’accélèrent étrangement à chaque fois qu’elle fait son apparition.

En regardant de plus près le cardiogramme de Marie, je peux voir que pour elle malheureusement cela n’a pas l’air d’être réciproque.

De là à supposer qu’il s’agisse d’un amour à sens unique, il n’y a qu’un pas ! Et des suppositions je peux en faire des tonnes, c’est d’ailleurs l’une des choses qui m’amuse le plus, vérifier mes suppositions, voir là où j’aurais bien pu me tromper, éclaircir tous les mystères.

Et ce n’est pas tout ! Une multitude d’autres outils se trouvent à ma disposition, dont mon préféré, la visualisation d’enregistrement réalisé durant toute sa vie.

L’analyse comportementale est grandement facilitée, tout y est présent de sa naissance jusqu’à maintenant.

N’allez pas croire que ses vidéos sont prises à l’insu de quelqu’un, bien au contraire, tout le monde sait que les centres d’éducations sont filmés en permanence, les caméras sont justement là pour nous protéger, elles sont présentes un peu partout, dans la ville, les magasins, les espaces publiques.

Elles s’exhibent au contraire fièrement, la police patrouille à l’aide de ses nouveaux drones qui font partie de leurs attirails dissuasifs.

C’est en quelque sorte un mal pour un bien. Qui sait ce qu’il pourrait arriver ? Nous ne sommes jamais à l’abri de rien !

Grâce à elle, nous n’avons pratiquement plus de délinquances, les vols sont quasiment inexistants, les rues sont propres.

Néanmoins, il est vrai que la technologie n’est pas encore tout à fait au point, la dernière fois en rentrant chez moi j’en ai aperçu un s’écraser sur deux personnes qui étaient tout simplement entrain de traverser la rue.

Quand je visionne ses enregistrements, je fais attention à chaque détail !

Telle une petite souris cachée dans un coin, je me faufile et zoom un peu partout, agrandis ce qui me parait utile, accélère et ralentis même de temps à autre, je suis capable de visionner des dizaines de fois une seule et même scène, en apparence sans utilité pour le commun des mortels, mais très importante pour moi, car elle en dit long sur la personne en question.

N’allez surtout pas croire que j’en tire un plaisir obscène, je ne suis pas un voyeur, je ne prends aucune excitation à le faire, croyez-moi je fais cela pour le bien des dossiers que je traite…

Les gens concernés m’en remercient même !

Que croyez-vous ! Je me tracasse constamment, pour le bien des autres, cela n’est pas un simple métier c’est une vocation.

L’enjeu est grand, et je ne peux absolument pas me résoudre à envoyer c’est adolescent dans ses centres de rééducation, même si parfois il n’y a rien d’autre que je puisse faire.

Ces centres ne sont d’ailleurs rien de plus que d’anciens entrepôts retransformés pour les accueillir, là-bas l’atmosphère y est malsaine, l’air nauséabond, les locaux sentent le renfermé, ceux qui ont la malchance de s’y retrouver, sont complétement coupés du monde, médicamentés, on les traite comme des cobayes.

La société considère avoir fait tout son possible pour les aider, ce sont des sujets irrécupérables, ils passent leurs temps, à regarder des vidéos, comme si on essayait de réveiller en eux l’attrait pour quelques choses de constructifs.

Rien n’est prévu pour les sortir de là, on cesse tout simplement de s’en occuper, tel une plante qu’on laisserait mourir à petit feu par manque d’arrosage, ont les mets en marge de notre société, ils sont considérés comme inutiles, des moins que rien, et il n’y a pas pire que d’être mis au rebu, se sentir délaissé, être privé de ses ambitions, plus rien ne leur est permis, pas de logements, pas de vie sociale, aucunes interactions avec l’extérieur.

Ce sont des pestiférés, on leur fait clairement comprendre qu’ils ne sont bons à rien, effectivement ils ne rentrent pas du tout les cases qui leur sont imposées.

Je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi ne pourrions-nous pas tout simplement, leurs fournir n’importe quel emploi, ils s’en accommoderaient peut-être parfaitement, après tout nous sommes une espèce dotée d’une adaptabilité remarquable, nous avons su survivre à tellement de choses par le passé.

Mais non, cela irais encore à l’encontre de la productivité maximale recherché !

Comment voulez-vous qu’ils soient efficaces, s’ils ne sont tout simplement pas fais pour ça, chacun se doit de trouver sa place et malheureusement pour eux, la leurs n’est pas la plus enviable.

Au diable l’envie, et le bon vouloir de certains, notre société est une sorte de méritocratie, et il n’est pas question d’avoir plus que les autres, mais d’avoir le stricte minimum, la politique n’est plus à l’excès, et nous devons chacun faire notre part, aucun don de naissance ne nous ai consenti, cela vas à l’encontre même des principes d’égalité et d’équité de notre société, nous commençons tous au même niveau, chacun doit contribuer au bien commun.

Depuis huit ans que je travaille ici, je n’ai d’ailleurs jamais pu en voir, n’en serait-ce qu’un seul, arriver à en ressortir en homme libre, et pourtant je jette un coup d’œil quotidiennement au dossier que je n’ai pas réussi à classer, cela me permet en quelque sorte de me remémorer mes échecs, toujours apprendre de ses erreurs est une devise que je respecte à la lettre.

Certains d’entre eux, aux détriments de tout bon sens, arrivent à s’enfuir de ces camisoles, mais malheureusement pour eux, le système est fait de telle sorte, qu’ils se retrouvent traqués sans relâche, seule solution pour eux, se cacher indéfiniment dans l’espoir que personne ne les retrouvent jamais

La plupart se regroupent, créant des communautés parallèles, ils survivent tant bien que mal, se protègent mutuellement les uns les autres, de toute façon ce n’est pas comme s’ils avaient vraiment le choix, leur seul moyen de subsistance se trouve dans l’unité, condamné à vivre en dehors du système, ils ne peuvent plus se nourrir, s’habiller, vivre décemment, au moindre contrôle de police, ils risquent la mort.

De toute façon pourquoi ne prendraient-ils pas ce risque ? Les choix qui leur sont proposées sont limités, la mort à petit feu ou bien la mort immédiate, quitte à choisir, ils ont préféré essayer d’être leurs propres maitres.

Parfois j’en arrive même à les envier, ils vivent librement et en dehors de toutes les règles qui nous sont imposées, plus aucune pression, plus de regards extérieurs, la vie au jour le jour, sans penser au lendemain.

Ils vivent dans ces bidonvilles, situés à la périphérie de la ville, au moins là-bas personne ne vient les déranger, la police n’y vas jamais et les braves gens ne s’y aventurent pas, le coin est mal famé, qui sait ce qu’il risquerait de vous arriver.

Vous verriez tout ce micmac de petits cabanons, construit de bric-à-brac dispositionés sans le moindre sens de l’esthétisme ou de praticité, c’est pour le moins qu’on puisse dire médiocre, ce n’est rien de plus que des logements de fortunes.

Sous certains aspects leurs vies sont à plaindre, mais c’est loin d’être des enfants de chœur pour autant.

Ils sont responsables de la plupart des attentats commis, des vols, des sabotages et même des kidnappings, ils sont prêts à tout, c’est anarchiste nous méprisent, aux dernières informations, ils auraient enlevé quatre nouveaux nés, d’une maternité et tué sur leurs passages deux infirmières. Quel genre de personne irais faire cela ? Et surtout dans quel but ?

Apparemment ils voulaient échanger ses enfants contre la libération de certains de leurs comparses internés.

Ils sabotent régulièrement les lignes ferroviaires, tous les deux jours on apprend qu’un train aurais déraillé, les retards n’étonnent plus personnes.

En y réfléchissant bien peut-être aurait-il mieux valus leurs affectés n’importe quel emploi, cela aurait évité ce genre de choses.

Mieux vaut un mauvais employé qu’un assassin !

D’ailleurs tant que j’y pense, qui sait ce que j’aurais pu moi-même devenir, si j’avais eu l’occasion de choisir mon métier.

Musicien, poète, ou bien même cosmonaute, qui sait, peut-être, aurais-je même été un écrivain raté, et quand je dis « peut-être » c’est un euphémisme, je l’aurais surement été, ici l’expression n’est pas réellement libre, et je préfère de loin ma condition actuelle, mon destin est tracé, levé à heure fixe, couché à heure fixe, la sécurité de l’emploi, aucune surprise ne m’attend. Et dieu seule sait que je déteste les surprises.

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