La reconstruction

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Quoi qu’il en soit, nous devons maintenant payer les frais, d’une gestion des ressources pitoyable, menée depuis des centaines d’années.
Tel de misérables mendiants, nous sommes contraints de nous contenter des miettes laissées par nos ancêtres, nous vivons maintenant en privation constante, moi aussi, j’aimerais pouvoir prendre une douche tous les jours, ne plus sentir cette puanteur sur moi…
Tout simplement sortir dehors sans que le soleil ne me brûle la peau, me pavaner et profitez de la vie sereinement, sans me soucier du lendemain, sans cette pression constante de savoir que tout risque de s’arrêter brutalement.
Mais tout cela n’est qu’un rêve issu du plus profond de mon imaginaire, la réalité est que cette puanteur constante que je ressens sur moi à chaque instant, n’est rien de plus, que le lourd fardeau que notre génération porte sur elle.
Ma génération est sacrifiée, et tous ces sacrifices ne représentent absolument rien au regard du potentiel d’un monde meilleur, et pas simplement d’un monde meilleur pour nous, mais d’un monde meilleur pour les générations à venir, et je me battrais jusqu’à mon dernier souffle pour cet idéal.
Et si je devais moi-même me planter des centaines de poignards dans le cœur, ou bien recevoir des milliers de coups de fouets jusqu’à en ressentir ma peau à vif se décoller de moi, je le ferais sans hésiter, je continuerais coûte que coûte à avancer quoi qu’il advienne, dans l’espoir d’un monde meilleur…
Cette odeur putride et âcre n’est rien de plus, que l’odeur du combat que nous menons, il m’aura fallu apprendre à l’apprivoiser, cela ne s’est certes pas fait sans souffrance, il est vrai que durant mes jeunes années, je la méprisais, elle me dégoûtait et avait tendance à me rappeler toute l’ignominie de l’époque dans laquelle nous nous trouvons.
Cette même odeur me collait à la peau, et me rendais presque nostalgique d’une époque que je ne connaissais qu’au travers de quelques récits…
Elle allait jusqu’à m’angoisser, je la sentais quotidiennement jusqu’à dans mon lit !
Me faisant faire des cauchemars, elle me réveillait en sursaut, me faisant me questionner sur des choses auxquelles même aujourd’hui, je n’ai aucune réponse.
Mais maintenant que j’ai enfin appris à l’apprécier, pour ce qu’elle est, je peux vous affirmer que son odeur n’est semblable à nulle autres et ne rappelle clairement pas le parfum des roses, non loin de là !
Cette odeur n’a pas non plus la fraîcheur d’une brise d’été, elle est encore plus loin de posséder en elle, le doux parfum de l’insouciance, non loin de là !
Elle a son propre caractère, son aigreur et son amertume, elle me surprend même parfois, à se masquer et se recouvrir d’un parfum qui n’est clairement pas le sien, mais son vrai caractère revient très vite au galop, embaument peu à peu aux fils des heures cette autre odeur, l’accaparant même et la sublimant d’une aigreur indescriptible.
Cette odeur n’est pas seulement la mienne, elle est présente un peu partout dans notre atmosphère, cette odeur n’a rien de poétique ni de nostalgique, cette odeur est l’odeur de la rage et du sang qui a trop coulés…
Il y a quelques années, tous les jours des régions sombrait par manque d’approvisionnement de denrées essentielles.
Tous les jours, les enfants mouraient de faim et de soif, ce qui se passait avant dans les pays du tiers-monde, était en train de se produire chez nous, nous n’avions absolument plus rien, la famine balayait tout sur son passage…
Et nous nous étions là, léthargique, comme à notre habitude incapable de réagir… Et cette fois-ci, ce n’est pas la volonté qui nous manquait, nous nous retrouvions là, incapable face à nous-même, en plein désarroi…
Le monde d’avant étais remplis de gens passant leurs temps à brasser de l’air et vivant aux crochets des autres.
Vous y croyez-vous, ces vermines pensaient pouvoir profiter du système indéfiniment sans jamais avoir à en payer les conséquences ! Et bien non ! Nous leurs avons prouvé le contraire ! Il fallait que nous, nous débarrassions par tous les moyens de tous ces politicards ingrats, ces patrons vendus aux chiffres et de tous, c’est manipulateurs de la bonne conscience. Et c’est ce que nous avons fait d’ailleurs ! Quand les premières pénuries ont commencé, les secteurs des métaux furent les premiers impactés, en quelques mois à peine, le bâtiment, l’automobile, et tous les secteurs qui en étaient les plus dépendants, se retrouvèrent à l’arrêt.
Après, ce fut au tour du pétrole, les gisements s’amenuisèrent de plus en plus, à croire qu’ils avaient tous étés découverts, les prix à la pompe, atteignirent des sommets, les gens n’arrivaient plus à se déplacer, sans parler des livraisons qui n’avaient plus lieu ou des avions qui se retrouvaient tous immobilisés sur le tarmac. Finies, la belle vie, les cigales avaient entrepris leurs derniers chants ! De fil en aiguille tous se mis à manquer, le bois, la nourriture, le tissu, les médicaments !
Le rendement des terres agricole allait décroissant, on se marchait tous les uns sur les autres, la misère sociale régnait en maître, le coût de la vie était devenu exorbitant. Dans ces conditions l’argent, n’avais même plus aucune valeur, des millénaires de marchandages ont fait que les gens habitués par ces échanges monétaires contre des services ou des produits, ne savaient absolument plus se débrouiller par eux-mêmes pour survivre.
Le pays déjà affaibli par toutes ces pénuries se mit à recevoir, en plus des réfugiés de guerres, des millions de migrants climatique venus de tous horizons différents dû au réchauffement planétaire, l’eau commençait effectivement à se faire rare chez eux, les nappes phréatiques étaient vides, et ils n’avaient d’autres choix que de fuir leurs pays en quête d’un avenir meilleur.
Dû à la surpopulation et au manque de tout ce qui était essentiel au déroulé d’une vie normale, l’hygiène se dégradait au fur et à mesure que le temps passait, les épidémies étaient fréquentes, Paris n’était plus que l’ombre d’elle-même.
Tandis que les sacs plastiques remplis de détritus divers s’entassaient sur les trottoirs, les rats qui n’avaient en l’occurrence nullement peur des humains prenais peu à peu possession de la ville, ils étaient tous là, à se pavaner fièrement, les cafards, punaises de lits et autres insectes rampants avaient également établies leurs fiefs dans pratiquement chaque appartement pondant leurs millions d’œufs dans chaque recoin.
Le repli identitaire allait croissant avec l’insalubrité générale, et des milices armées composés de gens du peuple, voyaient le jour, afin de rétablir « l’ordre » ou plutôt afin d’asservir et de stigmatiser ces migrants, jugés de leurs points de vue, responsables de toute cette misère sociale. Il fallait bien qu’ils se trouvent un bouc émissaire, il était inadmissible pour eux d’avouer que c’était leurs comportements ainsi que celui de leurs alleux qu’ils reproduisaient depuis des centaines d’années, qui nous avaient tous menés à la ruine.
Les exactions étaient devenues monnaies courantes, tel des bêtes, ils allaient de quartier en quartier décimant sur leurs passages des familles entières pour l’exemple, et surtout afin de les faire renoncer par tous les moyens à venir dans nos contrés, ils criaient haut et fort arborant leurs slogans remplis de haine, « Mieux vaut un étranger mort, qu’un étranger parmi nous. »
Les cadavres étaient laissés à l’abandon sur les trottoirs des rues de la ville ou exhibés bien en évidence les uns sur les autres, ces charniers pourrissaient au soleil, l’odeur nauséabonde émanant de ses corps en décompositions, se propageais par les fenêtres de chaque habitation, inspirant un sentiment d’effrois et de terreur chez tous les habitants de la cité. La boule au ventre et totalement subjugués par la situation, tout le monde se barricadais chez soi, espérant un coup du sort, priant tous les dieux afin qu’ils leur viennent en aide.
Les vitrines des magasins étaient saccagées, des voitures et des poubelles brûlaient, du sang jonchais les sols, des barricades improvisées étaient disposés en plein milieu des rues afin d’affronter les derniers CRS qui se portaient volontaire pour l’affrontement.
Ces maudits rats s’en donnaient à cœur joie, sortant par milliers pour se ruer sur ses corps sans vie, ce qui n’arrangeait d’ailleurs en rien les épidémies ravageuses qui se propageaient, des maladies que l’on pensait jusqu’à lors éradiquer refirent peu à peu leurs apparitions, le ténia, la peste et la salmonellose étaient de la partie.
Les services publics ne fonctionnaient plus que par volontariat et altruisme, les moyens manquaient pour tout, les coupures d’électricité étaient devenus monnaie courante, plongeant la cité dans le noir, exacerbant ses violences d’autant plus.
Les expéditions punitives de ces groupuscules radicaux n’exprimaient en réalité qu’un sentiment de rage, et de haine, ils prenaient à partis n’importe qui, qui avais le malheur de se trouver sur leurs passages, faisant la simple distinction entre les gens en fonction de leurs couleurs de peaux, il n’y a pas que les migrants récemment arrivés qui étaient pris pour cible, tout ceux qui arboraient cette différence, étaient lynchés, humilié en public et pire encore.
La police débordée par ces nombreux tumultes, n’arrivait plus à gérer ce qui commençait à ressembler de plus en plus à une guerre civile, l’état se retrouvait aux abonnés absents, les ministres débordés et dans l’incapacité totale de rétablir l’ordre démissionnaient les uns après les autres.
Cette terre d’accueil et d’asile qu’était la France, comme elle aimait s’en prévaloir, c’était tout simplement transformés en un repère abritant tous les extrémistes.
Mais ne croyez pas qu’elle fut la seule, l’Italie, la Pologne, la Belgique et l’Allemagne, dans la même situation lui avais emboîtés le pas bien avant.
Toute l'Union européenne d’ailleurs, c’était recroquevillé sur elle-même, fermant ses frontières, empêchant la libre circulation des gens, cependant l’afflux de ces migrants étais si conséquent que cela était en réalité bien inutile.
L’éclatement était prévisible et l’union incapable de prendre quelques décisions que ce soit, fut rompue.
Dans cette situation, il fallait absolument un homme fort afin de rétablir l’ordre et il ne s’est pas fait attendre bien longtemps.
Au bout de ses quelques jours de terreurs instigués par les extrémistes, les militaires sur ordre du chef d’état-major des armées Thomas Louviers, lançaient leur offensive, mettant un terme immédiat à tous ces politiques corrompus, leur coup d’état militaire n’a même pas duré un jour.
En même temps, il n’y avait plus grand monde, ces vauriens avaient fait leurs valises depuis bien longtemps. Ils n’allaient pas attendre que quelqu’un vienne leur réclamer des comptes !
Ils sont justes arrivés et se sont auto-proclamé garant de la liberté et des droits fondamentaux, là où nous avons douté, c’est que nous savions par expérience que tous les régimes militaires, n’étaient en réalité rien de plus que des dictatures déguisées, le peuple avait peur.
D’ailleurs, la première mesure prises allait dans ce sens, ils ont immédiatement instauré un couvre-feu !
Je me rappelle que celui-ci allait de 20 h 00 à 6 h 00 du matin, moi qui avais treize ans à l’époque, ce n’était pas vraiment l’idéal pour sortir dehors et voir mes amis, mais de toute façon ici personne ne s’amusais plus depuis bien longtemps. Au moins ce qu’il faut avouer, c’est que toutes les exactions envers les immigrés avaient cessé, des militaires arborait fièrement les rues, portant au bras leurs fameux fusils HK416, s’interposant dès qu’un semblant d’émeute éclatait.
La deuxième résolution a été d’imposer un rationnement journalier de nourriture, à l’aide de ces bons alimentaires qui avaient déjà servi auparavant lors des différentes guerres.
C’est vrai que ce n’était pas la solution idéale, mais au moins, tout le monde pouvait se nourrir décemment, dans la mesure du possible. Ses bons alimentaires étaient distribués équitablement à tout le monde sans distinctions aucune, immigrés, français, travailleurs ou non, tout le monde y avait le droit, il suffisait de se rendre à l’endroit prévu.
Et au bout de quelques mois, les effets positifs de ce régime ont enfin commencé à porter leurs fruits, grâce à tous les analystes de l’époque, nous avions enfin réussi à mettre un nom sur le mal qui nous rongeait depuis des centaines d’années maintenant, « le capitalisme et le libéralisme. »
Maintenant, que nous tenions les coupables, nous pouvions enfin commencer la première phase de l’ère de la reconstruction, celle que j’appelle ironiquement, l’ère de la vengeance, en effet, ont aurais pu croire et souhaitez que les responsables de tous ces fléaux, fassent au moins le nécessaire afin de palier à leurs conneries !
Mais non ! Devinez ce qu’ils ont fait à la place ? Ils s’étaient mis à stocker des tonnes et des tonnes de denrées essentiels dans des entrepôts, attendant le moment opportun, pour les remettre sur le marché, ils jouissaient dans leurs belles maisons bien à l’abri des regards, de tout le luxe possible, tandis que nous, nous mourrions tous à petit feu.
Il ne s’agissait pas là d’un cas isolé, au total plus de trois cents personnes étaient mises en cause, le régime à voulus marquer un grand coup, faire un exemple.
Ils ont tous été accusés, de haute trahison et de crimes envers l’humanité, ils ont immédiatement étés écroués, direction la cours martial, pour la première fois de son histoire, leurs jugement a été filmés et diffusé à la télévision aux heures de grandes écoutes, je me rappelle de tous ces moments de liesses dans les rues au moment de l’annonce du verdict par le juge « Coupable » les gens se prenaient dans les bras l’un, l’autre, les pétards et tous ses différents feux d’artifices artisanaux résonnaient dans tout Paris.
Le peuple tenait enfin là sa vengeance ! Après, ce fut au tour des politiques corrompus, puis des faux médias ! Leurs procès furent pour les moins qu’on puisse le dire expéditifs !
Les denrées saisies, ont permis au peuple de se nourrir décemment, dans l’attente de jours plus heureux, le rationnement n’a pas réellement été modifié, mais le port d’un bracelet électronique fut décrétés, c’est vrai qu’au début, le peuple en était quelque peu offusqué, établissant la relation quasi-immédiate avec une privation des libertés, mais celui-ci permettait en l’occurrence de mieux se nourrir et d’éviter tout gaspillage alimentaire, sans d’autres choix, il fut néanmoins accepté après de nombreuses tergiversations.
Tout compte fait, le régime ne s’est pas révélé être une dictature, toutes les lois qu’il promulguais étaient soumises au referendum du peuple. Et bien heureusement, nous n’avions absolument pas besoin d’une tyrannie de plus !
Au bout de quelques années, la question fut lancée ! Comment se débarrasser du capitalisme et de toutes ces dérives libérales, celles-là même qui nous avaient conduite à toute cette misère ?
Un groupe de travail composé des gens du peuple et de quelques représentants de l’état était créé afin de plancher sur cette question délicate, les idées furent nombreuses, mais il fallait absolument s’attaquer à la source du problème, nous ne pouvions plus attendre ! Il ne suffisait pas de couper bêtement la tête de l’hydre ! Tout le monde voulait un changement radical, on voulait tous s’affranchir des contraintes dans lesquels nous, nous trouvions depuis bien trop longtemps maintenant.
Au bout de longs mois, la décision fut actée, la première des prérogatives était de mettre un terme au capitalisme en s’attaquant à son noyau dur, les banques furent ainsi toutes démantelées, les entreprises nationalisées. La prochaine étape, mettre un terme à l’argent !
Ironie du sort les grandes usines qui avaient l’habitude de maximiser leurs profits, par n’importe quel moyen se retrouvaient dans l’obligation de céder gratuitement leurs stocks dans les magasins à n’importe qui, qui en formulais la demande, afin d’éviter tout gaspillage, il fallait néanmoins remplir un formulaire, chaque objet avais une durée de vie bien définie, cinq ans pour une chaise, six ans pour un bureau, et il fallait en plus de cela, une attestation du réparateur qui certifiait que l’objet n’était pas réparable.. Il n'était quand même pas possible de changer de mobilier tous les ans, c’était contraire à toute cette idéologie !
Je me rappelle que mes parents avaient pour le coup fait refaire tous leur intérieure. Que c’était beau à la maison, après des années de privations, nous revivions enfin, on pouvait attendre des jours meilleurs avec le sourire ! Coïncidence ou non, ma sœur Lisa vue le jour cette année-là ! Treize ans, nous séparent, elle faisait un boucan terrible, elle chouinait à longueur de temps.
L’argent n’était plus un problème pour personne, mais officiellement l’état conservais toujours sa monnaie afin de faire des transactions internationales qui ne pouvais être réalisés sans se précieux sésame, il achetait tant bien que mal du pétrole, de l’or pour les circuits imprimés, du nickel, et bien d’autres choses, afin de faire fonctionner le pays, mais sa préoccupation première à ce moment-là, était que l’on puissent devenir au plus vite indépendant énergétiquement, en s’affranchissant du pétrole, et des diverses importations, qui mettaient en péril la souveraineté et l’indépendance du pays.
L’accent ayant été mis, des usines de textiles et d’habillement revoyaient peu à peu le jour, la standardisation commençais à s’étendre à tous les produits du quotidien, l’état émettais un cahier des charges bien précis, sur tout ce qui sortait des usines, l’interdiction d’importation pour les choses dites non-essentiels fut décrétée, la chasse aux trocs de produits de contrebande était l’une des priorités des forces de l’ordre.
Sur les écrans de télévision, le point était mis, sur le recyclage et la réutilisation des objets courants, des vidéos explicatives bien précises étaient diffusés à longueurs de journées assortis aux divers reportages sur le climat, le système D n’avait plus de secret pour moi, une nouvelle matière faisait son apparition dans les écoles, « recyclage et préservation de l’environnement » des éoliennes et des panneaux solaires, fleurissaient un peu partout, les centrales nucléaires marchaient à fonds, le packaging des denrées et accessoires était réduit à son stricte minimum, les plastiques, polyester et différents composées polymères, étaient bannis autant qu’ils pouvaient l’être.
Les coupures de courant étaient loin derrière nous !
L’agriculture était relancée, l’investissement en la matière était conséquent, des cités maraîchères voyaient le jour pour nourrir la population, il n’y avait en l’occurrence pas d’autres choix possible.
Nous, avions entièrement remis nos vies entre les mains du général ! Il faisait partie de ses hommes à qui on aurait pu donner le bon dieu sans confession, donc en comparaison vous comprendrez que nos simples existences étaient bien dérisoires ! Il était porté par ses idées, et voyait dans la fatalité de notre condition actuelle une opportunité de changer les choses, ses idées se situaient entre rêveries et pragmatisme, mais il était avant tout comme il le disait si bien, un homme simple. La politique ne l’avait auparavant jamais intéressé, il détestait, tous ces jeux de pouvoirs, ces messes basses incessantes et par-dessus tout, cette langue de bois perpétuellement proférés par tous ces politicards, il savait d’expérience que toutes leurs belles paroles étaient dénuées de sens, et quant à leurs promesses, pire que tout, il ne fallait absolument pas en tenir compte.
Le principal devoir moral qu’il appliquait à la lettre, était celui de ne jamais faire de promesses qu’il savait à l’avance ne pas pouvoir tenir, il décrivait les situations telles qu'elles étaient, sans les enjoliver ou bien les enlaidir, et c’est ce que tout le monde appréciait chez lui, cette simplicité, il ne dénigrait jamais personne et parlait clairement en toute franchise.
De par ses différentes compétences, on se rendait immédiatement compte, qu’en réalité, il s’agissait avant tout d’un homme de terrain, la télévision le montrait d’ailleurs souvent en train de faire le tour des nouvelles constructions qu’il avait fait entreprendre, les cités maraîchères, les parcs éoliens, il inaugurait tous ces lieux arborant fièrement son grand sourire et son éternel clin d’œil à la caméra au moment de couper le ruban.
Il savait s’imposer habilement en père de la nation, nous savions que nous pouvions avoir confiance en lui.


Extrait du discours du Général Louviers

Mes chers compatriotes,

Depuis bien trop longtemps maintenant, votre patience a été mise à rude épreuve, je suis conscient de tous les sacrifices qui ont été accomplis au cours de ses nombreuses années.

Je déplore les pertes humaines, et tout ce sang versé, je déplore l’état dans lesquels notre pays se trouve depuis bien trop longtemps maintenant.

Nous ne pouvons céder au chantage diplomatique, des puissances étrangères qui soutiennent l’oppresseur, depuis toujours notre pays s’est retrouvés être garant d’une liberté fondamentale, liberté même que nos précédentes élites ont peu à peu cédées à la marchandisation du monde.

Vous avez pu remarquer d’ailleurs que nous avons fait le nécessaire afin que les responsables de tout ce chaos, soient jugés en conséquences de leurs actes, car nous estimons que chaque personne en ce bas monde, doit répondre de ses actions.

Mais maintenant l’heure n’est plus aux regards sur le passé, nous devons pour nous, notre futur, et toutes les générations qui s’en suivrons reprendre possession de nos vies, et cette fois-ci non en tant qu’esclave d’un système, mais en tant que maitre de celui-ci.

Nos premiers efforts nous ont d’ailleurs permis de sortir la tête de l’eau, mais le chemin est encore long et criblés d’entraves.

Grace aux efforts de vous tous, nous pourrons nous regarder chacun dans le miroir en ayant pleinement conscience d’avoir fait ce que nous avions à faire.


Malgré tous nos efforts, et tous les beaux discours du Général, notre condition n’a pas vraiment évolué à cette époque, et ce, malgré toutes les nouvelles constructions entreprises, ces tours maraîchères et c’est éolienne qui tournais à pleins régimes.
Il y a bien eu un petit regain de vitalité à un certain moment, mais cela n’a duré qu’un temps éphémère, soit le temps de l’illusion, qui telle une cascade émotionnelle, nous a fait, immédiatement replonger de nouveau au fin fond de ce satané gouffre.
Mais en fin de compte qu’espérions nous ?
Que les puis de pétrole allaient se remplir à nouveau ?
Que le métal ou le bois qui nous manquais tant allais tout simplement apparaître par miracle ?
Il fallait se rendre à l’évidence, toute la bonne volonté du monde ne suffisait pas à soigner cette malheureuse planète que nous avions-nous même, meurtris et abimé depuis des millénaires maintenant.
Les décisions de l’état étaient certes d’une logique implacable, mais ne représentaient en fin de compte qu’un pansement sur une jambe de bois, ces tours maraîchères suffisait à peine à nourrir la population, les humains étaient sur le déclin, les épidémies faisaient rage, il fallait bien se l’admettre, nous vivions les derniers instants de l’humanité, et ce qui était le plus navrant dans toute cette histoire, c’est que ce n’étaient pas les coupables qui étaient jugés, notre révolution arrivait bien tardivement. Que voulez-vous il fallait bien au final que quelqu’un paye l’addition !
C’est donc dans cette ambiance défaitiste et meurtrière que nous avons enfin trouvé notre salut, le Général se rendant tout à fait compte de ses limites à diriger le pays, a fait travailler nuits et jours ses meilleurs ingénieurs et informaticien à l’élaboration d’une intelligence artificielle qui serait en mesure de nous venir en aide. Des prototypes avaient bien été entrepris, il y a maintenant plus de cent ans, mais n’avaient donné aucun résultat probant, les seules actions que ces choses savaient faire à l’époque, c’était jouer aux échecs, ou exprimer de vagues émotions. La sienne se devait de pouvoir prendre en compte tous les paramètres nécessaires à la gestion d’un pays, ce qui ne fut pas tâché facile.
Mais au bout de longs mois d’essais infructueux, la première version de cette intelligence artificielle vue le jour, nous n’avions plus de choix possible, notre intellect avait démontré ses limites, nous, nous devions pour nous-même accepter encore une fois cette fatalité qui s’imposait à nous.
À la surprise la plus totale, les premières mesures prises par EVA, semblaient quelque peu délurées, l’utilisation d’eau était réduite à son strict minimum, que ce soit pour les besoins d’hygiène, ou pour tous autres choses. À la surprise la plus totale, les premières mesures prises par EVA, semblaient quelque peu délurées, l’utilisation d’eau était réduite à son strict minimum, que ce soit pour les besoins d’hygiène, ou pour tous autres choses.
L’anarchisme quant à la disposition des bâtiments ne la satisfaisait nullement, son cerveau de machine, composé de câbles entremêlés et de circuits électriques en tout genre, aussi performant soit-il, ne pouvait absolument pas se résoudre à voir les immeubles disposés de la sorte, il lui fallait absolument une logique à tout. Les déplacements se devaient d’être réduit à leurs stricts minimums, les denrées se devaient de circuler le plus librement possibles.
Dans un souci d’écologie accrus, ou peut-être plutôt, pour un besoin inavoué de matières premières, les véhicules circulant au diesel et à l’essence furent confisqué en vue d’un recyclage minutieux.
Des moyens de locomotion plus respectueux de l’environnement voyaient le jour, en plus de ceux déjà existants, les gens étaient priés de se déplacer uniquement à vélos et à pieds si possible.
L’intelligence artificielle s’immisçant peu à peu dans chaque recoin de nos vies, imposait à toutes les échelles des économies minutieuses, mais sans l’ombre d’un doute pour nous, nécessaire, elle avait d’ailleurs, une gestion très rigoureuse de toutes choses, gestion que nous étions de toute évidence, bien incapables d’avoir à notre égard.
EVA ne dormait jamais, et ce n’est pas très étonnant à première vue pour une machine, me direz-vous.
Mais le fait est que les nouvelles mesures ne cessaient de pleuvoir laissant le comité du peuple dans l’incapacité la plus totale, de se prononcer sur quoi que ce soit.
Les dossiers s’entassaient sur le bureau, et à chaque ouverture de l’un d’entre eux, la logique implacable de la machine était mise en évidence, elle arrivait à démontrer avec une telle facilité sa prise de décision, ainsi qu’à projeter les bénéfices de celle-ci, sur les générations futures.
Nous avions enfin découvert cette chose, qui était pour nous si inavouable. Nous étions sacrifiés, et nous, nous devions sans d’autres choix possibles, faire ce sacrifice en notre âme et conscience et par-dessus tout, de gaîté de cœur. L’humanité en dépendait, les cicatrices faites à notre monde, allait sûrement prendre plusieurs générations à cicatriser, et nous ne le verrions probablement pas de notre vivant, pour nous, il n’y avait, pour seul horizon, la privation consentie.
Moi aussi, j’aimerais comme les anciens m’enivrer et oublié un peu toute cette tristesse, ne plus pensez à rien, mais même cela m’est impossible, l’alcool n’est plus produit depuis très longtemps.…

Quoi qu’il en soit, dans tout le fracas qu’est notre monde actuel, j’essaye de ne pas rester seulement contemplatif, et de faire ma part des choses pour que tout puisse évoluer dans le droit chemin.
Au moins, personne ne pourra jamais dire que je n’y mets pas du mien !
Faute d’amusements, j’aime me sentir utile, et savoir que je contribue au maximum de moi-même, d’ailleurs tout mon entourage professionnel s’en rend compte, on n’hésite pas à me fournir du travail supplémentaire.
J’ai même une nouvelle fonction qui m’a été attribué récemment, je suis maintenant aussi en charge de trier les données météos et les mettre en concordance avec mes dossiers, au fond, je n’en vois pas réellement l’utilité, mais j’ai tendance à ne jamais discuter les ordres.
Il y a des choses qu’on ne sait pas forcément et d’autres qu’on ne doit pas forcément savoir, il en est ainsi et cela me vas très bien…
Ses données informatiques me sont fourni en fin de journée, cela ne m’arrange pas forcément, car je suis obligé de rester après l’heure fatidique du départ.
Je vois tous mes collègues partir et moi rester là assis avec mon travail sur les bras, des fois mon minuteur accroché au poignée se met à sonner, me disant que j’ai outrepassé l’heure réglementaire de travail, vous savez ici, l’heure, c’est l’heure…
Moi la seule chose que je sais, c’est que ceux qui ont de grandes aspirations, ont de grandes responsabilités, la semaine prochaine, j’ai d’ailleurs rendez-vous avec l’un des grands patrons pour l’entretien annuel, je me demande bien s’il va enfin consentir à me donner ma promotion tant désirée…
Bref, je n’ai plus vraiment le temps de divaguer, j’ai enfin fini, à ma montre, il est déjà 18 h 20, j’enfile ma veste, il est temps de rentrer chez moi…
J’avançais dans cette rue, la pénombre commençait lentement à faire son apparition, j’adore me balader dans les rue de cette ville qu’est Paris, je redécouvre toujours de nouvelles choses, depuis une dizaine d’années, plus rien n’est comme avant les bâtiments de productions de nourritures se construisent les uns après les autres, tout devient méconnaissable, ils ne restent que cinq quartiers ou habiter tout n’est plus que bureaux ou centre de production alimentaire, comme on les appelle.
Mon logement se situe dans l’un de c’est derniers quartiers récemment crée pour les travailleurs à peine à quinze minutes à pied du bureau, c’est un quartier mixte où se côtoie tous ceux qui sont essentiels au bon fonctionnement de la cité, tous ceux qui occupe un poste d’administration, et ceux qui travaillent dans les usines sont regroupés ici…
C’est un bâtiment de six étages, dans un style un peu contemporain, la façade est joliment orné de briques rouges, l’appartement est un petit deux pièces, mais c’est vraiment confortable…
Je ne vois pas vraiment de point négatif, hormis les voisins qui braillent tout le temps et l’affiche faisant l’apologie d’une société alimentaire, sur la devanture du bâtiment d’en face, qui scintille toute la nuit et m’empêche de dormir.
J’ai néanmoins de la chance de pouvoir habiter cette ville, certains se déplacent de très loin pour venir y travailler, et clairement, je n’aurais jamais pu y habiter, si je ne travaillais pas au ministère, j’ai à peine le minimum de nombre de points social requis, et tout, ces nouveaux bâtiments qui sortent de terre, ne sont prévu que pour la culture de légume et l’élevage, il faut bien nourrir les masses.
De toute façon, la possession a été abolie depuis des décennies maintenant, je ferais comme tout le monde, une fois que mes dures années de service seront finis, j’irais terminer mes jours dans un quartier de retraités, sûrement dans un de ses nouveaux centres.
Il parait que les personnes âgées si sentent bien, ils n’ont absolument plus besoin de réfléchir à quoi que ce soit.
Et puis le chemin est déjà tracé, à quoi bon réfléchir et se prendre la tête inutilement sur son avenir, d’autres y pensent pour nous ! Il ne suffit que de suivre cette ligne !
J’entrouvre la porte de mon appartement, et m’assois sur ce beau canapé, c’est vrai qu’il est confortable, il me rappelle mon enfance.
Il n’est ni trop mou, ni trop dure, quand on est dedans, on s’y engouffre comme dans un cocon, au fil des émissions télévisées qui passent sur la seule chaîne de la ville, on ne sent pas le temps passer, mais c’est vrai qu’après une certaine heures, et plus particulièrement quand viens le soir, je me sens un peu seul, je ne connais personne ici…
Je pourrais bien m’inscrire à l’un de ses clubs de rencontre qui nous sont proposés à longueur de temps.
Vous savez ces clubs qui permettent de mettre en relation des célibataires entre eux, grâce à leurs points communs, « 99 % d’attractions, faites de belles rencontres, satisfait ou remboursé. »
Ils organisent même des activités en communs, du speed dating, des sorties diverses…
99 % d’attractions, quelles belles promesses ! Mais qu’est-ce que j’aurais à raconter à ces filles ? Qu’est-ce que j’aurais à leur vendre en réalité ? Je vois la scène comique d’ici « Oui bonjour, moi, c’est Mathieu, 24 ans, célibataire endurci, depuis six ans, j’aime les longues balades en ville, mon travail et… et… et puis rien d’autres…
De toute façon pourquoi, je voudrais me vendre à tout prix ? Surtout pour un prix si dérisoire. Pourquoi aurais-je envie de faire semblant, de m’intéresser à quelqu’un ? Tout ça pour mettre de côté ma solitude pendant quelques instants, c’est pathétique et résolument pas mon genre, ce serait comme m’avouer vaincu…
Toujours devoir faire semblant d’être plus intéressant, que nous ne le sommes réellement, éveiller la curiosité et l’attrait de l’autre, jouer à un jeu de séduction totalement futile et qui n’encourage en réalité que le mensonge. C’est donc ça la vie pour certains, se mettre des œillères pour avancer ?
Tien ça sonne à la porte, 19 h 20 qui cela pourrait bien être à cette heure ? Surement la livraison du dîner, là où je travaille les repas nous sont fournis gratuitement.
Trois repas équilibrés par jour, le petit-déjeuner, et le dîner qui nous sont directement livrés à domicile, que demande le peuple !
Une fois le repas ingurgité, il est déjà temps d’aller se mettre au lit, mais cette fois-ci impossible de trouver le sommeil, je me retourne des dizaines et des dizaines de fois, cette lumière qui scintille commence à me taper sur les nerfs, jusqu’à pratiquement en devenir une obsession pour moi, j’entends le moindre des bruits, les voisins, m’irritent avec leurs ricanements incessants, je n’arrêtais pas de penser à mon entretien qui arrivait bientôt…
Et si tout compte fait cela ne se passait pas aussi bien que je l’imagine ? Et puis le pire dans tout ça, c’est que je ne sais même pas à qui je pourrais demander comment c’est passez son entretien, car ceux qui ont vu les patrons en vrais ne sont plus là pour en parler…
En règle générale, celui-ci est directement réalisé par l’automate qui pose les questions habituelles et fait son compte-rendu.
Les jours passent au fil des dossiers à traiter, et sont si paisible que cela en devient ennuyeux, c’est l’éternel recommencement, il faut faire semblant de s’intéresser à la vie de ses collègues alors que tu n’as pas vraiment grande chose en commun avec eux…
Il y Carine de la comptabilité, matricule B-571, la quarantaine, qui lève à peine les yeux de son écran pour vous dire bonjour, elle porte de grandes lunettes carrées, arbore fièrement une queue-de-cheval dont pas un seul cheveu ne dépasse, veste noire, jupe noire, collant et chaussure brillante font partie de son éternel attirail, jamais vous ne la verrez habillé différemment, ou mal coiffée, cela serait comme un affront à sa personne.
Son regard sur vous transpire le dédain, on sent qu’elle vous méprise du plus profond de son être et que si elle avait sous la main un couteau, elle n’hésiterait pas une seconde à vous poignarder en plein cœur avec, elle prendrait d’ailleurs sûrement un profond plaisir de vous voir gémir et vous torturez de douleurs…
Il y a Damien, matricule B-799, éternel blagueur, ou devrais-je plutôt dire éternel lourdaud, chacune de ses blagues est orientée sur le même sujet, vous l’aurez compris, le cul, sa grande passion, les timbres, et les grosses cylindrées, il vit chez ses parents, dans leur énorme appartement, transpire comme un bœuf, et pour couronner le tout, ne se lave jamais les dents.
Des fois, il s’approche de moi à la cantine, telle une sangsue qui chercherais une victime à qui sucer le sang.
Il arbore fièrement un sourire narquois, ne pouvant se retenir de rire avant de raconter sa blague, qui la plupart du temps me laisse totalement indifférent et m’oblige à faire comme si j’étais hilare, alors qu’au plus profond de moi, j’aimerais juste qu’il se taise et me laisse tout simplement savourer mon plat tranquillement…
Et puis il y a Marthe matricule N° B-601 nouvelle employé tout juste débarqué…
Marthe est une jeune fille au cheveu blond et aux grands yeux bleu, sans vouloir paraître méchant, elle est le parfait stéréotype de la jeune fille fragile, elle n’est jamais à l’initiative de rien, se trouvant toujours là à attendre l’aval de quelqu’un, et à poser des questions inutiles…
Je la vois souvent déambuler seule dans les couloirs, baissant la tête, espérant sûrement ne jamais croiser le regard de quelqu’un, se faufilant telle une anguille entre les portes ouvertes, à croire qu’elle ne prendrait même pas l’initiative d’en ouvrir une…
À vrai dire, je n’ai rien contre elle, c’est même tout le contraire, elle me fait de la peine, je lui trouve beaucoup de similitudes avec moi, peut être quelle aussi au fond ne trouve pas sa place ici et que si elle évite presque tout contact, c’est qu’elle ne voit comme moi tout simplement aucun intérêt à s’intéresser aux autres, qui pourrais bien lui en vouloir de ça…
Après, je pourrai bien faire autant de suppositions que je veux, de toute façon comment pourrais-je bien savoir ce qu’elle pense? On ne connaît jamais vraiment personne en réalité, tout le monde met son plus bel accoutrement, enfile son masque devant les autres, se protège en quelques sortes.
Quand j’y pense, on ne connaît même pas ses propres parents, nous n’avons que l’image qu’ils veulent bien nous renvoyer d’eux même, ils assument en quelques sortes un rôle qui leurs est bien définis.
Comment concevoir une relation ne serait-ce qu’amical dans ces conditions ? Quand même ceux qui nous ont élevés nous mentent, sur la chose la plus importante de toute, qui ils sont réellement.
Quoi que je puisse dise en réalité, c’est comme ça et pas autrement, nous avons tous notre rôle à tenir celui-ci nous est bien spécifié et quoi que nous fassions, nous ne serons jamais en mesure de modifier ces règles, tout simplement, car celles-ci sont fixés sans que nous n’en ayons tout simplement conscience…
D’ailleurs tien quand on parle du loup ! Je n’avais même pas remarqué qu’aujourd’hui nos bureaux se trouvent l’un en face de l’autre. Elle se tient la tête dans les mains, elle doit sûrement encore être tracassée par un dossier qu’elle ne comprend pas. La pauvre, je ne comprends vraiment pas pourquoi ils l’ont embauché ! Cela se voit qu’elle n’a pas les prédispositions nécessaires pour ce métier, ce serait comme demandé à un éléphant de faire du ballet…
Mais que voulez-vous personne n’a à me demander mon avis, et les ordres n’ont pas à être discuté… Je n’ai rien à dire, et encore moins quand ce sont les grands patrons qui l’ont décidé…
Mon ventre crie famine, il est déjà l’heure d’aller manger, je vois tous ces bureaucrates d’en face avec leurs beaux costumes, qui sur eux leurs vas si bien, se diriger frénétiquement vers la cantine, ils marchent les uns derrière les autres, on entend leurs belles bottines, tapés au sol telle une troupe de guerriers qui s’en vas en guerre.
C’est pour le moins, impressionnant !
C’est vrai qu’à côté d’eux, nous faisons pâle figure… Chez nous, il n’y a aucune cohésion… Quand j’y pense, c’est peut-être même pour cela, que nous, nous sommes relégués dans ce bureau ou nous nous entassons les uns sur les autres, alors qu’eux, ils jouissent de toute la place qu’ils veulent, et la place dans ce bâtiment ce n’est pas ce qui manque…
Je descends ses longues marches menant à la cantine, réfléchissant encore et toujours, trois étages nous séparent du saint Graal…
Sommes-nous vraiment les moins bons ? Les relégables, ceux qu’on met au rebut. Le point commun entre nous tous serait-il là ? Serions-nous si bêtes qu’en réalité, nous réalisions toutes les tâches de seconds plans depuis des années, et cela, sans nous en rendre compte ? Il faudrait peut-être demander que font les autres, sur quoi ils travaillent…
Sauf qu’à vrai dire, nous n’avons absolument pas le droit de parler des dossiers sur lesquels nous travaillons, nous n’avons pas non plus le droit de prononcer notre nom au travail.
Depuis cette année, nous sommes même censés nous appeler chacun par notre matricule, mais que voulez-vous les mauvaises habitudes ont la vie dure.
Au fil de ma longue descente, j’entendais dans mon dos, Damien, matricule B-799, courant affolé dans l’espoir de me rattraper, ne faisant clairement pas dans la demi-mesure, on l’entendait arriver de loin, haletant tel un chien qui courrait à toute vitesse pour rattraper son maître.
Je me trouvais là, dans cet escalier qui n’en finissais pas, pris d’une nervosité insoutenable à la simple idée de le rencontrer, j’accélérerais lentement, mais sûrement le pas, espérant secrètement qu’il n’arrive pas à me rattraper.
Dans mon imaginaire, je me disais que si j’arrivais à passer la porte assez rapidement avec un peu de chance, je me retrouverais dans la queue pour la cantine avant lui et dans ce cas-là et avec beaucoup de chance, il y aurait sûrement eu quelques personnes entre nous, ce qui m’aurait offert l’opportunité, d’éviter le contact pendant au moins quelques minutes, c’était décidément la seule carte que je pouvais jouer dans cette situation.
Quelques minutes de tranquillité, face à mon repas, c’est tout ce que je désirais à ce moment ! Rien de plus !
C’est un stratagème qui avait clairement des chances de réussir si j’y mettais du mien !
Je me mettais à avancer de plus en plus vite sautant presque les marches deux par deux, évitant à la dernière seconde les gens qui remontaient l’escalier.
Raté ! Tous ces efforts ont été réduits à néant grâce au son de sa simple voix. Au bout de quelques secondes, seulement, je l’entendis crier mon matricule d’en haut, je ne pouvais pas l’ignorer cela n’aurait pas été convenable, même si ce n’est pas l’envie qui me manquait, à ce moment-là.
Que va-t-il bien pouvoir me dire ? Surement une de ses horribles blagues dont il a le secret…
Et cela ne manqua pas ! Il arriva enfin à ma hauteur, tout excité et en sueur, éclatant de rire, il me dit :

- Tu connais la blague du…

Avant qu’il ne puisse finir sa phrase, je lui coupe la parole :

- Écoute, je suis désolé, mais je ne suis pas vraiment d’humeur à écouter tes blagues aujourd’hui, je n’ai pas la tête à ça...

Étonné par ma repartie, je vu son visage changé du tout au tout, je sentis dans sa gestuelle l’avoir blessé, à la vue de son visage et de ses yeux au bord des larmes, je suis pris d’un sentiment de remords.
Je me mis à réfléchir me disant qu’en fin de compte, je n’aurais pas dû réagir comme cela ! J’aurais dû faire semblant d’acquiescer comme à mon habitude, et me laisser me faire sucer le sang pendant de longues minutes interminable, minutes qui d’ailleurs se seraient sûrement transformées en heures.
Mais non pas aujourd’hui, je ne suis pas absolument pas d’humeur !
À mon grand étonnement moi qui pensais qu’il allait se terrer dans son mutisme, après seulement cinq ou six marches de silence, il se remit à me parler à son habitude de tout et de rien, des derniers timbres qu’il aurait collectés, de choses si futiles qu’elles ne valaient absolument pas la peine que je les commente.
Cela me permit en réalité de me redonner bonne conscience, j’acquiesçais à mon habitude, disant de temps à autre afin de donner le ton « tien, c’est super ça. »
L’illusion était parfaite, il parlait encore et encore, déblatérant des tonnes et des tonnes de mots sans prêter aucune attention à moi, ce qui en réalité me convenait parfaitement, me laissant manger presque en paix.

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