Prologue

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Les Styrkiens étaient là. Et ils voulaient la princesse.

Cette guerre durait depuis longtemps, et nous étions en train de la perdre. La défaite dans la bataille de la vallée d'Ix fut le tournant. J'y étais, avec plus de cinq milles hommes à combattre pour Ulmanie contre l'armée Syrkienne.

Le roi Styrkiens, Arthurus III, sortait d'une bataille victorieuse mais sanglante à Uzos et attendait des renforts pour se diriger vers Ikhuta, notre capitale. Nous n'avions pas les ressources pour tenir un siège. Le temps jouait en notre défaveur. La reine Elisa pensait pouvoir mettre fin à la guerre en capturant le roi Arthurus. Les éclaireurs nous avaient rapporté que le campement de l'armée Styrkienne était situé dans un recoin de la vallée, entouré par les montagnes, sans aucune possibilité de repli. Nous voulions profiter de cette erreur stratégique pour piéger l'ennemi et le forcer à se rendre.

Le trajet pour arriver avant les renforts Syrkiens dans la vallée fut exténuant, mais primordial pour la victoire finale. La reine elle-même menait nos troupes, entourée de sa garde de guerrières-danseuses. Ces combattantes d'élite avaient reçu le don de la lignée d'Ulmana, qui leur conférait des sens surdéveloppés. J'avais déjà eu l'occasion de combattre au côté d'une de ces danseuses. J'avais été subjugué par la grâce, la souplesse et la précision des mouvements de cette combattante. Si bien, que j'avais presque oublié de me battre moi-même, comme envouté par la perfection de ses gestes.

Lorsque nous arrivions aux abords du campement adverse, l'optimisme était de mise. Nous semblions largement supérieurs en nombre, et la bannière du roi flottait au-dessus d'une des tentes. Cela semblait presque trop facile. La reine décida que l'attaque se ferait aux premières lueurs du jour.

J'étais en première ligne, avec un mélange de peur et d'excitation propre à chaque bataille. Les guerrières-danseuses occupaient la partie centrale de notre positionnement, j'étais sur leur côté droit, avec les troupes d'infanterie. Les archers avançaient devant nous, prêts à décocher quelques séries de flèches avant de se replier. Le campement Styrkien était situé en hauteur par rapport à nous, si bien que nous ne pouvions pas voir le positionnement adverse. Lorsque nous étions à porter de flèche, la reine Elisa donna l'ordre aux archers de tirer. Après plusieurs salves, ils s'arrêtèrent, quelque chose n'allait pas. Il n'y avait presque aucun bruit qui provenait du campement Styrkien, seules quelques voix et quelques bruits de métal se firent entendre. Nous ne pouvions pas nous permettre de tergiverser. La reine donna alors l'ordre de charger.

J'avançais en formation avec mon bataillon, et comme nous nous en doutions, nous découvrîmes un campement presque vide. Les Styrkiens sur place rendirent les armes très vite. Mais quelque chose m'interpella. Ils avaient dans leurs yeux et dans leur attitude de la fierté et de la conviction. Ils se rendirent sans combattre et sans honte. Ce qui était en contradiction avec les valeurs Styrkienne. Soudain, je vis l'un d'eux regarder en hauteur sur les montagnes. Je suivis son regard et vis quelque chose bouger. Le Styrkien me regarda et sourit, puis ce fut le chaos.

Les Styrkiens avaient posté leurs archers sur les montagnes, et c'est un nuage noir de flèches qui se dirigea sur nous. Je mis rapidement mon bouclier en protection au-dessus de moi, et deux flèches se plantèrent dessus immédiatement. Je regardais mes frères d'armes tombés autour de moi. Les Styrkiens présents sur le camp furent transpercés par les flèches de leur propre camp. Ils s'étaient sacrifiés pour nous tendre un piège. Je n'oublierai jamais le sourire d'un des Styrkien alors qu'une flèche se planta dans son œil droit. C'est comme si il continuait à nous narguer depuis l'au-delà.

La reine donna alors l'ordre de se replier. Je me retournais rapidement, toujours avec le bouclier au-dessus la tête en protection. Je regardais autour de moi, beaucoup des nôtres étaient tombés en quelques minutes. Je commençais à me diriger vers l'entrée du campement quand les flèches Styrkiennes cessèrent, pour laisser place à un grondement et les cris du gros de l'armée Styrkienne qui arrivaient pour nous surprendre. J'appris plus tard qu'ils s'étaient cachés dans un bois à côté, puis ont profité de la diversion faite par leurs archers et de la pente pour accéder au campement pour arriver discrètement. Nous étions pris au piège que nous voulions leur tendre. Notre armée était désorganisée et apeurée. J'entendis la reine crier au loin, mais je ne pu comprendre ses mots à cause des hurlements des Styrkiens. Je sortis mon épée, et me tins prêt à l'affrontement. Leur charge fut brutale et meurtrière. Mes frères d'arme tombaient les uns après les autres autour de moi. Découpés par les haches de nos ennemis. Je me repliais du côté de la reine. Les guerrières-danseuses étaient là. Elles se battaient pour leur reine avec une férocité incroyable. Leur technique était stupéfiante, elles ne portaient pas d'armure pour gagner en mobilité et avec leurs sens exacerbées, elles arrivaient à esquiver presque n'importe quel coup. Plus je les voyais découper les ennemis en morceaux, plus je reprenais espoir dans la bataille. J'essayais de me battre sans gêner les guerrières-danseuses. J'essayais en fait surtout de survivre.

C'est alors que je les vis. Les douze démons, c'était ainsi qu'on les appelait. Cette unité légendaire bénie du don de Styrk. Ils possédaient une force hors du commun. Leur présence instaurait la peur à quiconque était dans les environs. Les douze démons étaient menés au combat par leur chef Barhamus, équipé de Séisme, son gigantesque marteau en pierre de lune. Quelques hommes tentèrent de se mettre en travers de leur chemin, l'un d'eux fut écrasé par le marteau de Barhamus, provoquant une onde de choc jusque sous mes pieds, et laissant une mare de chair et de sang en lieu et place du malheureux. Il porta ensuite un coup tournoyant et projeta au moins trois autres hommes à une dizaines de mètres. Le reste des démons n'étaient pas en reste. Ils trucidaient les malchanceux qui se trouvaient sur leur chemin. Ils se dirigeaient vers la reine. Les guerrières-danseuses s'interposèrent. Le combat qui s'ensuivit fut dantesque. Les douze agressaient les danseuses sans relâche, tandis qu'elles virevoltaient entre leurs lames. L'une des danseuses esquiva un coup de hache d'un saut périlleux, puis sectionna la carotide d'un des démons. Un autre démon attrapa une danseuse au vol, et écrasa sa tête entre ses mains avec une facilité déconcertante. La moindre erreur d'un côté comme de l'autre était fatale. Deux autres démons furent tués, mais beaucoup plus côté danseuses. La reine Elisa vint se mêler au combat. Elle aussi possédait le don d'Ulmana et se battait férocement aux côtés de ses guerrières. Elle échappa à l'attaque d'un démon d'un saut latéral, puis lorsque celui-ci tenta un coup d'épée à la taille, elle esquiva d'un grand écart, puis lui coupa les pieds avec ses deux épées. Elle eut à peine le temps de se relever que Barhamus apparut devant elle. Deux danseuses vinrent lui prêter main forte, mais Barhamus n'était pas seulement fort, il était aussi rapide. Il donna un premier coup de marteau qui fut facilement esquivé par les danseuses, mais le marteau reparti aussi vite dans l'autre sens, fauchant les deux danseuses au passage. Il n'y avait plus personne entre lui et la reine. La reine Elisa tenait bon devant la frénésie des attaques, mais au fil des minutes du combat, ses mouvements devenaient de plus en plus lents à cause de la fatigue. Je savais que je devais l'aider, mais j'étais paralysé par la peur. Je n'avais aucune chance face à ce monstre. Finalement, ce qui devait arriver arriva, la reine Elisa trébucha lors d'un saut arrière, et Barhamus en profita pour lui asséner un coup de marteau en plein thorax. Elle fut projetée à plusieurs dizaines de mètres, loin de la bataille. J'étais pétrifié, nous allions tous mourir ici. Je regardais en direction de la reine, je vis que celle-ci bougeait encore. Nos regards se croisèrent, et d'un faible et lent mouvement de la main, elle me fit signe de venir. J'accouru vers elle, elle était mal au point, tous ses os semblaient cassés et du sang coulait de sa bouche. Je m'approchais d'elle. Elle murmura d'une voix faible à mon oreille.

- Il faut que tu sauves ma fille, elle se trouve au village d'If, tu dois la trouver et la mettre en sécurité. Pars, il faut que tu survives.

- Où voulez-vous que je l'emmène ma reine ?

Je n'eu aucune réponse à ma question, la reine était morte. Je devais honorer sa dernière volonté. Mais je ne savais pas comment faire pour m'échapper. Les Styrkiens ne faisaient pas de prisonniers et je ne pouvais pas fuir dans la vallée sans être repéré. Je laissais le corps sans vie de notre reine et me dirigeais vers une des tentes du campement. Un soldat Styrkien me vit de loin et couru dans ma direction. Il m'assena un coup de hache que je para avec mon bouclier, puis contre-attaqua d'un coup d'estoc qui lui transperça le crâne. Je regardais autour de moi, personne ne semblait me repérer. Je tirai le corps du soldat dans la tente. Et rapidement, j'échangeais ses armures avec les miennes.

En retournant sur le champ de bataille, je ne vis que désolation. La bataille était sur le point de se terminer. Les derniers survivants Ulmaniens se battaient jusqu'au bout, mais connaissaient déjà l'issue de la bataille. Je retournais me mêler discrètement aux troupes Styrkiennes tout en guettant une occasion de m'éclipser.

Cette occasion ne se fit pas attendre, le soir même, alors que le roi Arthurus proférait un discours sur le courage et la force de ses troupes, je prétextais être un messager pour prendre un cheval et quitter ce lieu maudit.

C'est ainsi que quelques semaines plus tard, je me retrouvais au village d'If. Ce petit village côtier et faiblement peuplé avait été désigné pour accueillir la princesse. Il était situé tout au bout d'une avancée de terre entre la mer Intérieure et l'océan Mériadique et permettait donc de voir arriver les ennemis de loin, et ainsi permettre la fuite en bateau si besoin. Une vingtaine de soldats étaient chargés de la protection de la princesse. Les terribles nouvelles que j'amenais avec moi les firent sombrer dans le désespoir. Je transmis les dernières volontés de la reine au chef de la garnison.

Je rencontrais ensuite la princesse. Celle qui malgré elle était l'objet de cette guerre. C'était une jolie petite fille d'une dizaine d'années, brune avec de grands yeux bleus. Elle deviendrait certainement au moins aussi belle que sa mère, si elle reste en vie suffisamment longtemps. Elle me demanda comment sa mère était morte. Je lui racontais donc les derniers moments de sa mère, la bravoure avec laquelle elle s'était battue et la mission qu'elle m'avait donnée avant de pousser son dernier souffle.

- Je la vengerai ! dit-elle simplement.

Puis elle partit en pleurant. Cette pauvre enfant était née lors de la dernière éclipse, pour les porteurs du don, cela signifiait un pouvoir encore plus grand. C'était la première fois qu'un enfant de la lignée d'Ulmana naissait pendant une éclipse. Les Styrkiens ont vu en cela une menace, et décidèrent donc de partir en guerre contre Ulmanie. Arthurus lui-même était un enfant d'une éclipse précédente. Contrairement à la lignée d'Ulmana où les sens étaient surdéveloppés, la lignée de Styrk conférait une force incroyable. Arthurus était donc encore plus puissant que les douze démons.

Le chef de la garnison décida que l'enfant partira en bateau dans deux jours pour l'île de Castalie, où elle sera certainement en sécurité. Je décidais pour ma part d'accompagner la petite, pour lui servir de garde. Ma vie de soldat était finie, nous avions perdu. La seule chose que je pouvais faire dorénavant, c'était respecter la dernière volonté de ma reine.

Plus tard, je me promenais dans le village, je vis passer un groupe de paysans terrorisés.

- Les Styrkiens ! Ils arrivent ! dit l'un d'eux.

Je me précipitais aux portes de la ville. De loin, j'aperçus la poussière de leurs chevaux. Ils fonçaient sur nous. Comment avaient-ils pu nous retrouver aussi vite ? M'avaient-ils démasqué lorsque j'étais parti de leur campement ? Je m'étais souvent répété que j'avais eu beaucoup de chance de pouvoir partir aussi facilement de leur camp dans la vallée d'Ix. Ça ne peut être que cela. Ils m'ont suivi pendant tout ce temps. Je fonçais vers le port, il fallait préparer le bateau pour partir immédiatement. Une fois arrivé au port, je cherchais le capitaine du bateau.

- Les Styrkiens arrivent. Dans combien de temps pouvons-nous partir ? Lui demandais-je.

- Nous devons encore charger les vivres et défaire les voiles, ça ne sera pas prêt tout de suite. Répondit-il.

- Faites au plus vite, la vie de la princesse est en jeu.

- Vous allez certainement devoir les retenir.

Les villageois aidaient aux préparatifs, les soldats se préparaient au combat. La princesse avait déjà embarqué sur le bateau. Tout se passait très vite. Au loin, on entendit les portes de la ville s'ouvrir. Les Styrkiens étaient déjà là. Tout le village était maintenant sur le port pour aider au combat. Le bateau commençait à partir, mais les Styrikiens arrivaient, Barhamus et les 7 autres démons restants étaient là aussi. Ils chargèrent et commencèrent à tailler en pièce les villageois et les soldats qui tentaient vaillamment de se défendre. Les Styrkiens traversèrent nos rangs sans trouver grande résistance. Le bateau était quasiment hors de leur portée. Je tuais un soldat Syrkien lorsque je vis Barhamus foncer vers le bateau et attraper un des cordages. Dans un élan de courage, j'ai couru jusqu'à lui et profitait d'un moment d'inattention pour lui asséner un coup d'épée qui lui trancha la main, et par la même occasion, libéra le bateau. Je sentis ensuite une lame me traverser le corps par derrière. Certainement un soldat Styrkien qui m'avait eu. Je m'étalais sur le sol, un voile blanc devant les yeux. Je voyais le bateau et la princesse s'éloigner. J'avais réussi, elle s'en était sortie. Je n'allais pas devenir son garde, elle devait se protéger elle-même. Mon histoire va s'arrêter ici, je suis fier d'avoir servi ma reine et d'avoir respecté sa dernière volonté.

Barhamus s'approcha de moi.

- Nous allons la trouver tu sais, elle ne vivra pas longtemps. Me dit-il.

Ensuite, il prit son marteau de sa seule main valide, le leva en l'air si haut qu'il en cacha le soleil. C'est la dernière chose que je vis.

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