Chapitre 1

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Les oiseaux chantaient. Je les entendais à travers la fenêtre légèrement ouverte. Les rayons du soleil s’échappaient de derrière les rideaux. À côté de moi, je sens Océane se réveiller lentement. Elle commençait à grogner et à gesticuler dans tous les sens. Pour lui laisser le temps d’émerger, je sortis du lit et entrouvris légèrement les rideaux pour observer le paysage. Depuis que la cour avait été entièrement à refaire, c’était beaucoup plus joli et agréable à regarder. Il y avait plus de végétations qu’avant. Ça rendait le château plus vivant.

— C’est magnifique ce matin, commenta Océane en entourant ma taille de ses bras.

— Les travaux étaient nécessaires. La Cour commençait à ne ressembler à rien.

— Cette Cour donne enfin envie de venir au château.

— Et puis, avec Élise qui y passe beaucoup de temps, il fallait la rénover, repris-je.

— Prochaine étape, nos chambres ? Certains murs commencent à s’effriter, enchaîna Océane.

— A la seule condition qu’on rénove le quartier des domestiques en même temps. Ce ne serait pas juste sinon.

— Marché conclu. Plus qu’à faire valider le projet par le Conseil.

— Ce que tu réussiras haut la main, comme depuis dix ans.

— Et dire que ça va bientôt être les dix ans des jumeaux. Je n’arrive pas à y croire.

— Hé oui, déjà. Et on va enfin pouvoir fêter nos dix ans de mariage. Le temps passe tellement vite.

— Je suis bien d’accord. Il faut en profiter tant qu’on le peut. Journée en famille à l’étang, ça te dirait ? proposa ma femme.

— Avec plaisir, mon amour, lui répondis-je. Je vais aller réveiller Élise.

— Alors je m’occupe de Ben.

Océane m’embrassa dans le cou, rapidement, avant d’enfiler sa robe de chambre et de partir réveiller notre fils. Du moins, s’il dormait encore. Benjamin était un garçon très intelligent qui aimait tout savoir, mais surtout tout comprendre. Il ne cessait de nous poser des questions à Océane et à moi alors que je n’avais que très peu de réponses à lui fournir. Heureusement, Océane, comme Emma m’aidait beaucoup avec les enfants.

Élise, quant à elle, passait beaucoup de temps à vagabonder dans les jardins du château. Elle avait besoin de moment, rien qu’à elle, en solitaire. Elle savait déjà qu’elle voulait monter sur le trône après nous et travaillait beaucoup pour être à la hauteur. Je comprenais donc son besoin de s’évader, comme moi à son âge. Quand j’entrais dans sa chambre, elle était déjà réveillée et devant ses livres. Elle n’avait que dix ans, mais tout le sujet l’intéressait, comme son frère.

— Tu es déjà réveillée, ma puce ? la questionnais-je en venant m’asseoir sur son lit, à ses côtés.

— Je n’ai pas réussi à dormir.

— Tu devrais en parler au Dr Langstone si tu as des problèmes d’insomnie.

— Non, ça ira. J’en profite pour travailler.

— Mais il faut aussi tu te reposes. Le sommeil c’est important ma grande. Tu voudrais qu’on aille le voir ensemble ?

— Ça ne te dérange pas ?

— Bien sûr que non, Élise. Je suis là pour ça.

— Je veux bien alors.

— Habille-toi et allons-y. Ensuite on a une journée en famille de prévue. Je t’attends dans le couloir.

Pour laisser de l’intimité à ma fille, je sortis de la chambre et laissais entrer sa dame de compagnie. Dès que les enfants avaient été en âge de prendre des décisions, ils avaient accepté qu’une dame de compagnie et un valet s’occupent d’eux. Elsa, vingt-trois ans pour Élise et David, qui avait maintenant vingt-six ans pour Ben.

— Votre Majesté, m’interpella Elsa, Son Altesse Élise est prête.

— Merci, Elsa, tu peux nous laisser.

— Bien, Votre Majesté.

Je la vis s’éloigner tandis que ma fille ouvrait la porte de sa chambre pour me retrouver. Délicatement, elle glissa sa main dans la mienne et me regarda avec un grand sourire.

— Je suis prête, maman. Tu me trouves comment ?

— Tu es magnifique. Comme toujours, mon bébé.

— Je ne suis plus un bébé, maman !

— Excuse-moi, mon bébé.

— Maman !

Il n’y avait qu’avec Élise que je pouvais jouer. J’aimais la taquiner et elle l’acceptait. Contrairement à son frère, j’avais une bonne relation avec ma fille et je comptais bien tout garder comme tel. Avec Ben, c’était plus compliqué. Je n’avais jamais réussi à établir un contact ou un lien avec lui. C’était comme si nous étions des inconnus. C’était à peine si le matin, il me disait bonjour gentiment. Avant de rejoindre le reste de la famille dans la Grande Salle, j’accompagnais Élise jusqu’à l’infirmerie. Le Dr Langstone l’ausculta pendant quelques minutes avant de lui prescrire quelques feuilles d’infusion à prendre avant de se coucher. Dans la Grande Salle, Ben, Océane et Emma étaient déjà installés.

— Maman ! s’écria Élise en apercevant sa mère.

— Bonjour mon lapin. Tu as bien dormi ?

— Non, mais le problème est réglé.

— Bonjour, Ben, l’interpellais-je alors qu’il m’avait ignoré.

— Ouais, ouais, bonjour.

— Ben, tu pourrais… commença Océane.

— Non chérie, laisse tomber, la coupais-je.

Océane avait toujours essayé d’améliorer ma relation avec Ben, en vain. C’était aussi son rôle de mère que tous se passe bien dans la famille. Mais elle avait beau tout essayer, il n’y avait rien à faire. Ben me détestait depuis toujours et je n’avais jamais su pourquoi.

— Bon alors, on a prévu quoi aujourd’hui ? me questionna Océane

— On pourrait décider ensemble. Qu’est-ce que vous en pensez ?

— On pourrait aller en ville ? S’il te plaît maman, s’il te plaît, supplia Élise.

— Toi, tu veux aller acheter de nouvelles robes, n’est-ce pas. ?

— Évidemment, rigola-t-elle.

— Et toi Ben ? le questionna Océane.

— Est-ce qu’on pourrait aller à la librairie ? Il y a certaines livres que j’aimerais avoir.

— On peut faire ça oui. Et toi Océ ?

— J’aimerais bien en profiter pour aller au lac de Glenharm. Ça fait tellement longtemps que je n’y suis pas retournée.

— Boutique de vêtement, librairie, lac, c’est un bon programme.

— Et toi, maman, tu veux faire quoi ? m’interrogea Élise.

— Tout ce qui compte pour moi, c’est de passer un peu de temps avec vous.

— N’importe quoi, murmura Ben.

— Arrête de murmurer et dis franchement ce que tu penses, m’énervais-je.

— Très bien. Arrête de faire croire que tu veux passer du temps avec nous alors que ce n’est pas vrai !

Vexée, je me levais rapidement et me détournais de ma fille. À chaque fois que Ben me parlait, c’était pour m’insulter ou me blesser, et j’en avais assez. J’en avais assez de toujours recevoir ses remarques cinglantes et de ne rien pouvoir dire. Je ne pouvais rien dire, parce que je ne voulais pas être comme ma mère. Je ne voulais pas faire comme elle.

— Ben ! Tu exagères, s’énerva Océane à ma place. Excuse-toi auprès de ta mère, immédiatement !

— Et puis quoi encore ! C’est elle qui m’a demandé de lui parler franchement.

— File dans ta chambre, tous de suite !

— De toute façon, tu la défends toujours !

Furieux, Ben quitta la Grande Salle en faisant claquer la porte. Océane se rapprocha et me prit dans ses bras. Je me retournais contre sa poitrine et laisser mes larmes couler.

— Elena ?

— Pourquoi il me déteste autant ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter toute cette haine ?

— Ce n’est pas de ta faute, chérie, tenta-t-elle de me réconforter.

— Je n’ai aucune autorité sur lui, Océ ! Il ne me considère même pas comme sa mère, je le sais. J’ai bien dû faire quelque chose pour qu’il réagisse comme ça.

— Tu penses l’être, mais tu n’es pas une mauvaise mère, Elena. Demande à Élise.

— Alors pourquoi…

— Parce qu’il se sent coupable, me coupa ma fille.

Élise prit alors ma main dans la sienne pour me réconforter. Océane avait raison. Avec la relation que j’avais avec ma fille, je ne pouvais pas être une mauvaise mère.

— Explique-toi, Élise, s’il te plaît.

— Il pense que si tu es malheureuse, c’est de sa faute. Vous ne nous avez jamais parlé de notre père, mais on sait. Il sait ce que notre père t’a fait et pense que tu n’arrives pas à nous en parler parce que tu en souffres encore. Parce que tu vois Ben tous les jours.

— Oh, ce n’est pas vrai, soufflais-je. Ce que Marc m’a fait, ce n’est absolument pas de votre faute, chérie. J’étais enceinte de vous avant qu’il ne commence à être violent et j’étais d’accord lorsqu’on… vous a conçu. Il est vrai que j’ai mis du temps à vous accepter, mais Océane m’a beaucoup aidé. Quant à ton frère, il lui ressemble physiquement, oui, mais ce n’est pas pour ça que je ne l’aime pas, au contraire.

— Pourquoi tu ne nous en as pas parlé avant ?

— Parce que vous n’avez que dix ans ! Et qu’il était à deux doigts de me tuer. Pour être exact, il m’a tué, mais le Dr Langstone a su me ramener.

— Excuse-moi maman, on ne savait pas ça.

— Tu ne peux pas tout savoir, ma grande. C’est comme mon passé avec ma mère. Je vous en parlerais un jour, mais là, c’est trop tôt. Vous êtes encore trop jeunes pour en entendre parler.

— J’ai essayé de convaincre Ben de ne pas chercher, mais…

— Ce n’est rien ma puce.

Je me baissais, à genou pour serrer ma fille dans ses bras. Je comprenais enfin pourquoi Ben était autant en colère et je savais comment régler le problème.

— On arrive au mauvais moment, c’est ça ?

Intriguée, je tournais la tête vers l’entrée et aperçu Stephania ainsi que ses deux filles. Depuis quand étaient-elles là ?

— Stephania ? Pourquoi est-ce que… On non, ne me dites pas que c’est aujourd’hui que vous deviez arrivées ?

— Et si.

— Mais que suis-je bête ! Élise, va chercher ton frère s’il te plaît. Entrez, Stephania, entrez donc !

— Bonjour Votre Majesté, lui dit Élise avant de quitter la pièce.

Stephania entra dans la pièce et posa ses affaires. Elle se rapprocha ensuite de nous et prit chacune dans ses bras.

— Vous avez fait bon voyage ? questionnais-je ensuite Stephania.

— Plutôt bien, oui. Quelque chose ne va pas, Elena ?

— Ma relation avec mon fils est compliquée, mais… peu importe. Comment allez-vous, jeunes filles ?

Intimidées, les deux filles de Stephania se réfugièrent derrière elle, sans me répondre. Après tout, face à leur mère qui était Reine, se retrouver devant deux Impératrices pouvait être impressionnant.

— Lyra, Luna, vous pourriez répondre à Elena quand même.

— Ce n’est pas grave, Stephania. Avez-vous faim ?

— Un peu, oui.

— Alors, venez vous asseoir. Nous n’avions pas encore fini de prendre notre petit déjeuner.

— Avec plaisir.

Stephania poussa délicatement ses filles pour venir s’asseoir. J’en fis de même et m’installais en face de la Reine. Quand Ben entra, il m’ignora totalement et salua nos trois invités.

— Bonjour Votre Majesté. Bonjours Vos Altesses.

— Bonjour jeune homme, lui répondit Stephania.

— Nous avions prévu de passer une journée en famille en ville, ajoutais-je. Souhaitez-vous vous joindre à nous ? Magasin de vêtement, librairie, lac, voilà notre programme.

— Intéressant. Pourquoi pas. Ça fait longtemps que je ne suis plus retourné à Glenharm. Depuis…

— Notre Mariage, compléta Océane.

Pendant une dizaine de minutes, seule Stephania, Océane et moi faisions la conversation. Les jeunes étaient intimidés et les bouderies de Ben n’aidaient pas à la bonne ambiance.

— Ce repas était parfait. Merci Elena.

— Mais c’est normal. Préparons-nous à partir maintenant. Glenharm nous attend. Elsa, David, montrez à ces dames leurs chambres.

— Tous de suite, Votre Majesté.

— Ben, il faut qu’on parle, l’interpellais-je en l’empêchant de partir.

— Je ne veux pas te parler.

N’ayant plus la force de me battre contre lui, je le laissais partir. Dans le regard de Stephania, je vis qu’elle avait compris à quel point ma relation avec Ben était compliquée. Mais elle ne dit rien et accompagna ses filles jusqu’à leurs chambres.

— Laisse-lui un peu de temps, mon amour. Tu lui parleras quand vous serez seule, tous les deux, commenta alors Océane.

— Tu as raison, je dois attendre le bon moment.

Main dans la main, on retourna dans la chambre pour se préparer. Dehors, il faisait particulièrement chaud, je me devais de mettre une légère robe. Je fouillais dans mon armoire pour trouver une petite robe blanche. Courte au niveau des genoux, à bretelle et avec un léger décolleté. Emma arriva quelques minutes plus tard pour me coiffer. Elle attacha quelques mèches en une tresse et boucla le reste. De son côté, Océane avait presque fait la même coiffure.

— Vous êtes prête, les filles. J’ai même pensé à préparer votre sac pour votre sortie au lac.

— Tu es géniale, Emma, tu penses à tout, ajoutais-je.

— Je ne suis pas gouvernante pour rien, Elena.

— Ne perdons pas plus de temps dans ce cas.

Une fois totalement prête, on rejoignit l’ensemble de la famille et celle de Stephania dans la Cour. Élise avait troqué sa robe de nuit pour un short en tissu et un débardeur. Ben avait pratiquement fait pareil. Stephania et ses filles avaient échangé leurs robes d’hiver contre des robes plus légères et adaptées aux températures de l’Empire.

— Je vois que cette fois-ci, vous avez pensé à prendre des tenues adéquates.

— Évidemment, ce n’est pas la première que je viens ici. Dites-moi, Elena, le lac où nous allons, c’est bien…

— Le lac où Océane m’a embrassée la première fois ? Oui.

— C’est vraiment un endroit magnifique.

— Alors, dépêchons-nous d’y aller.

En souriant, Océane attrapa ma main. Elle invita Stephania et ses filles à monter dans leur voiture avant de rejoindre Ben et Élise dans la nôtre. Quand mon fils me vit entrer, il détourna le regard.

— Vous voulez qu’on commence par les vêtements ou les livres ?

— L’activité qui me permettra de passer le moins de temps possible avec toi, répliqua Ben.

— Si c’est ce que tu veux, tu iras à la librairie avec maman, j’irais faire du shopping avec Élise et on se retrouvera au lac, répondis-je.

— Parfait, merci.

C’était la première fois que mon fils me disait merci. Même si le fait de l’éloigner de moi ne me plaisait pas, je le savais plus heureux sans moi.

— Elena, soupira Océane.

— Non chérie, la coupais-je. Si pour être heureux, il doit rester loin de moi, je l’accepte.

— Ce n’est pas ça le problème, réagit enfin Ben.

— Quel est-il ? Je peux tout entendre, chéri.

— Ne m’appelle pas chéri, alors que tu ne le penses pas !

— Je suis sincère avec toi, Ben. SI tu as quoi que ce soit contre moi, j’aimerais le savoir pour changer ça. C’est important de discuter.

— Est-ce que… tu nous voulais vraiment avec Élise ?

— Oui, répondis-je sans hésiter. Pas dans les mêmes circonstances, c’est vrai, mais je voulais construire une famille avec Océane. Je le savais avant même de me marier avec votre père.

— Alors pourquoi… lui ? Pourquoi avoir divorcé ?

— Si je me suis mariée avec lui, c’était pour le bien de l’Empire. Mais, écoutez-moi bien tous les deux. Si vous rencontrez quelqu’un qui se trouve être violent avec vous, la première chose à faire, c’est de fuir. Ce que je n’ai pas pu. J’étais sous son emprise dès le début, car je pensais à l’Empire avant moi. Pourquoi j’ai divorcée ? Pour rester en vie, tous simplement. Mais si tu ne me crois pas, demande à David. Quand il est arrivé au château, il était le valet de votre père, jusqu’à ce que je l’éloigne pour sa protection.

Par chance, on venait d’arriver en ville. Je n’aimais pas m’étendre sur cette partie de ma vie et Océane le savait. Malheureusement, je savais aussi que pour reconquérir mon fils, j’allais devoir lui parler de cette sombre histoire.

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