Chapitre 9

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Après avoir passé l’après-midi avec Océane, comme deux femmes ordinaires, on récupéra les enfants ensemble à l’école. Ils furent étonnés de nous voir toute les deux, mais surtout de monter dans la voiture personnelle d’Océane.


— Il se passe quelque chose ? demanda Élise.

– Du tout. J’ai juste passé la journée en ville avec votre mère. C’est pour ça que j’ai pris ma voiture.

— Est-ce que nous aussi on pourra apprendre à conduire ? enchaîna Ben.

— On en discutera à ce moment-là, mais je n’y vois pas de problème, ajoutais-je.

— Cool.

— Vous avez beaucoup de devoirs ?

— Non, mais on a plusieurs exercices de Maths et je n’ai rien compris en classe, répondit Élise.

— Je n’ai rien compris non plus, continua Ben.

— Je peux vous aider, si vous voulez.

— Je veux bien. Comme ça, on finira plus rapidement, me répondit ma fille.

— On commencera après le goûter, alors.


Océane tourna rapidement la tête vers moi et me sourit. Depuis quelque temps, aucun de mes deux enfants ne me demandait de l’aide pour faire leurs devoirs, y arrivant toujours. J’allais enfin pouvoir faire comme avant, les accompagner. Pourtant, à peine arrivé au château, je reçus un appel de Mme Kleint.


— Bonsoir, Madame Kleint, que puis-je pour vous ?

— Benjamin vous a-t-il parlé de ce qu’il s’est passé aujourd’hui ?

— Pas encore non. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Benjamin s’est montré violent envers un camarade. Après avoir discuté avec lui, je ne l’ai pas sanctionné. Mais je pense que ce serait bien que vous discutiez avec lui.

— Merci de m’en avoir informé.

— C’est normal. Bonne fin de journée à vous.


Avant d’en savoir plus auprès de mon fils, j’aidais mes enfants avec leurs devoirs. Leurs cours n’étaient pas si difficiles que ça. Pas pour moi en tout cas. Dès qu’ils eurent terminé, Élise partit jouer dans sa chambre, mais je demandais à Ben de rester.


— Qu’est-ce qu’il y a maman ?

— Ta directrice m’a appelé, il s’est passé quelque chose au collège. Tu veux m’en parler ?

— Tu vas me punir ?

— C’est vrai que je déteste la violence, mais si ta directrice ne t’a pas sanctionné, je ne le ferais pas non plus. Tu veux bien m’expliquer ?

— A l’école, il y a un garçon qui… ses parents sont contre les couples comme maman et toi et du coup il… j’ai entendu dire que ses parents avaient suivi grand-mère.

— Oh, je vois et je comprends. Mais ce n’est pas une raison pour être violent, chérie. Il y a toujours d’autres moyens.

— Excuse-moi maman. Après tout ce qu’il a dit sur vous…

— Je comprends pourquoi tu as réagi comme ça, mon grand. Mais essaie de retenir tes poings la prochaine fois.

— C’est promis, merci, maman.

— Je ne te retiens pas, mon grand. Tu peux retourner à tes occupations.

— Tu vas en parler à maman ?

— Non. Elle n’a pas besoin de savoir ça. Elle serait très en colère.


Ben déposa un baisé sur ma joue avant de partir. Au moins maintenant, je savais que certains Eryenniens étaient encore du côté de ma mère. Certains semblaient même encore contre mon mariage. Océane ne devait pas savoir ça. Si elle apprenait que Ben avait été harcelée à cause de nous, elle déchaînerait sa colère. Ça me blessait d’apprendre que ma famille était victime d’une telle haine et je ne pouvais en parler à ma femme. Emma était la seule personne à qui je pouvais me confier. Pourtant, elle était en vacances et c’était Bianca qui la remplaçait. J’informais la première domestique qui passait par là pour que Bianca me rejoigne.


— Vous m’avez fait demander, Votre Majesté ?

— As-tu un peu de temps à m’accorder ? Je ne voudrais pas te mettre en retard dans ton travail.

— J’ai du temps pour vous.

— Emma n’est pas là alors c’est avec toi que je vais discuter.

— Elle revient demain, vous savez ?

— Oui, mais j’ai besoin de parler, maintenant.

— Je vous écouterai comme elle le fait.

— Merci Bianca. J’ai appris aujourd’hui qu’un camarade avait harcelé mon fils à cause de moi.

— Vous êtes sur ?

— Oui. Ses parents sont contre mon mariage et leur fils s’en prend aux miens.

— Ce n’est pas de votre faute, Votre Majesté. Il est vrai que… ça existe encore, mais vous n’avez rien à vous reprocher. Et puis, je suis sûr que le Prince sait se défendre seul et surtout vous défendre.

— Merci de m’avoir écouté, Bianca. Comment tu t’en sors ? Profitons-en pour faire le point avant le retour d’Emma.

Elle réfléchit un instant avant de me répondre. Sûrement pour mettre en ordre ses pensées et ses explications.

— Plutôt bien oui. Emma avait raison, j’en étais capable. Merci de m’avoir fait confiance, Votre Majesté.

— C’est comme ça qu’on apprend. Tu vises un métier avec beaucoup de responsabilités. Il faut que tu aies le meilleur enseignement possible. Ta deuxième année est presque finie, sais-tu quoi faire ensuite ?

— Je n’y ai pas vraiment réfléchi.

— Tu aimes travailler ici ?

— Beaucoup oui.

— On en reparlera quand tu auras ton diplôme, mais j’envisage d’engager une deuxième gouvernante. Pour soulager Emma, mais surtout pour qu’elle ait plus de temps pour moi. Mais il faut d’abord que tu aies ton diplôme, avec la meilleure note possible.

— Je ferais tout pour. Merci, Votre Majesté.

— Je ne te retiens pas plus, tu peux retourner travailler.


Bianca avait la capacité de remplacer Emma au poste de gouvernante. Emma était avant tout mon amie et ma cousine. Je ne voulais pas qu’elle passe sa vie à me servir. Je voulais qu’elle se marie et qu’elle fonde une famille, comme j’avais pu le faire avec Océane. En restant en permanence auprès de moi, elle ne prenait pas de temps pour elle, pour construire sa famille.


Je retournais ensuite au bureau où Océane travaillait. Je l’embrassais rapidement avant de m’installer au mien et de me plonger dans mes calculs et mes documents économiques. Depuis que Ben m’acceptait enfin, ma routine changeait. Je passais enfin un peu plus de temps avec ma famille, plutôt qu’à travailler dans mon bureau, même si je ne pouvais y échapper.


— Ils étaient longs ses devoirs, commença Océane. Tout s’est bien passé ?

— Très bien oui. J’en ai profité pour discuter un peu avec Ben.

— Oh, c’est bien ça.

— Oui. Tu as beaucoup de travail ? la questionnais-je pour changer de sujet.

— Je croule sous le travail.

— Toujours sur ta réforme de l’apprentissage ?

— Toujours. C’est un vrai casse-tête. Surtout la partie économie, salaire des apprentis.

— Tu n’as qu’à me demander si tu as besoin.

— Tu as assez à faire avec tes relevés économiques. D’ailleurs, tu as reçu plusieurs devis pour les chambres du château.

— Je vais examiner ça, merci.

— Bon courage, mon amour.

— Mais non, c’est la partie la plus facile ça.


Au moment d’ouvrir les différentes enveloppes contenant les devis que j’avais besoin, on frappa à la porte et Élise entra, les mains dans le dos.


— Qu’est-ce qu’il y a ma puce ? la questionna Océane.

— Je m’ennuie. Est-ce que je peux vous aider ?

— Vois ça avec ta mère. Si je t’explique ce que je fais, je vais me perdre plus que je ne le suis déjà.

— Allons travailler dans la Grande Salle, ajoutais-je, histoire de ne pas déranger ta mère.

— Merci maman.

— Prends des stylos et des feuilles de brouillons. On va en avoir besoin.


Souriante, ma fille sortit du bureau et Océane se tourna vers moi.


— Tu vas réussir à travailler tout en ayant Élise à tes côtés ?

— Mais oui. Et puis, ce n’est pas urgent. Tant que le château ne s’écroule pas, je peux prendre le temps de lui expliquer et de l’entraîner.

— J’en connais une qui va faire les calculs à ta place, rigola Océane.

— C’est comme ça qu’elle va apprendre. On sait toutes les deux qu’Élise voudra nous remplacer, contrairement à son frère.

— Ils ont encore le temps d’y réfléchir et de prendre leur décision.

— Je vais aller la rejoindre pour ne pas la faire attendre.


Je récupérais tous les documents dont j’avais besoin, devis comme relevé budgétaire et rejoignis ma fille. Elle avait apporté tout ce dont je lui avais demandé.


— Qu’est-ce qu’on va faire maman ?

— J’ai reçu plusieurs devis pour rénover nos chambres et ceux des domestiques. Avec les relevée économique que j’ai apporté, on doit choisir celui qui nous correspondra le mieux.

— Les trois devis ne proposent pas la même chose ?

— Non, c’est pour ça qu’on ne peut pas se baser uniquement sur le prix, mais aussi sur les aménagements proposés, les matériaux envisagés ainsi que le nombre de salariés qui y travailleront.

— Si c’est l’Empire qui paye, c’est mieux quand il y a beaucoup de salariés ?

— En effet. Parce que plus il y aura d’employés, plus il y aura de gens qui auront des salaires.

— Et c’est eux qui pourront consommer.

— Et réduire ainsi la pauvreté et les inégalités, oui.

— C’est vraiment intéressant. Chaque action de l’Empire à un impacte sur ses habitants en fait.

— Exactement. D’où le fait qu’il est important d’avoir toutes les informations à sa disposition avec de prendre une décision. Prête à commencer ?

— Je le suis.


Organisant tous les documents à notre disposition, j’expliquais leurs utilités à ma fille. Je lui donnais ensuite l’un des devis pour qu’elle puisse l’étudier, pendant que je faisais de même avec un autre. Avec pas moins de cinq devis, il fallait être organisé et les analyser un par un avant de les confronter. Analyser les deux premiers nous occupa jusqu’au dîner. Je prenais le temps de répondre aux questions d’Élise, ce qui augmentait le temps de travail. Mais ça me plaisait, parce que je passais du temps avec elle. Elle qui passait plus de temps à travailler avec Océane qu’avec moi, je devais en profiter.


— Maman, je peux te poser une question qui n’a rien à voir avec les devis ?

— Tu as raison, faisons une pause. Je t’écoute ma puce.

— Comment vous vous êtes rencontré avec maman ? La vraie version, je veux dire.

— Et bien, pour être honnête avec toi, je lui ai sauvé la vie. C’était la première fois que je sortais de ma chambre en pleine nuit, que je descendais au sous-sol. Quand j’ai vu que ma mère allait la tué, je lui aie dit d’arrêter et… hésitais-je.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Pour me punir, ma mère m’a mis son pistolet sur les mains. Elle voulait que je la tue moi-même, mais j’en ai été incapable. Elle a fini par nous enfermer toutes les deux et c’est ta mère qui m’a rassurée, alors que je faisais une crise de claustrophobie. Elle m’a aidé à me calmer.

— Vous êtes restées enfermées combien de temps ?

— Une journée entière. Jusqu’à ce que ma mère donne l’autorisation à Emma de nous sortir de là. Si je lutte autant contre la pauvreté et la famille, c’est parce que je connais trop bien la sensation d’avoir faim.

— Tu étais une princesse, je ne comprends pas comment tu peux connaître ça.

— Quand ma mère me punissait, elle pouvait m’enfermer dans ma chambre pendant plusieurs jours, avec pour simple repas un morceau de pain.


Ma fille se mit à jouer avec ses doigts toute en baissant la tête. Elle comprenait enfin pourquoi j’avais agi de telle ou telle manière.


— C’est pour ça que tu ne nous as jamais privés de dessert contrairement à mes amis ?

— C’est exactement pour cette raison. Je fais tout pour que vous ne viviez jamais toutes les horreurs que j’ai pu endurée quand j’étais enfant. Bon aller, il se fait tard et le dîner va bientôt être servi. Débarrassons tout ça.

— Ça tombe bien, j’ai faim.


Aussitôt dit, aussitôt faite, la table était prête pour le repas. Je laissais un peu de temps libre à Élise et rejoignis ma femme dans la chambre. Elle était allongée dans le lit, un livre à la main avec de la musique. Quand elle me vit entrer, elle ferma son livre et retira ses écouteurs. Je m’assis à côté d’elle et l’embrassais.


— Ça s’est bien passé ? m’interrogea-t-elle.

— Très bien. Même si j’ai avancé plus lentement que prévu.

— Elle n’a que dix ans en même temps, elle commence seulement.

— Mais elle y arrive très bien. De toute façon, ce n’est pas urgent donc ça va.

— Avec toi comme professeur d’économie, je me doute qu’elle saura tout faire à la fin.

— Tu me flattes, mon amour.

— Tu le mérites.

— Bon aller, à table.


Elle tente de m’embrasser, mais je m’éloignais pour la taquiner. Elle attrapa mon bras et me tira à elle pour me faire tomber. Elle entoura ensuite ma taille pour me maintenir contre elle. Joueuse, je me redressais légèrement et l’embrassais. Dans ses bras, j’étais heureuse.

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