Chapitre 35

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Aujourd’hui, nous avions décidé d’emmener les enfants à la piscine, pour profiter d’une après-midi en famille. Même si elle ne me l’avait pas dit officiellement, je savais qu’Océane avait recommencé la procédure. Le deuxième essai était en marche et je ne voulais pas lui mettre une quelconque pression. Si elle avait besoin, j’étais là, dans le cas contraire, je l’observais de loin, par précaution.


— Vous m’écoutez ? interpellais-je les enfants, au bord des bassins.

— Oui maman, répondirent-ils en même temps.

— Avec votre mère, on va aller faire quelques longueurs dans le grand bassin. On vous autorise à rester seul dans le bassin à vague. On reviendra ici ensuite, alors pas de bêtises d’accord ?

— Oui maman, répondirent-ils le plus innocemment possible.

— Je crois qu’on peut y aller, mon amour.


J’eus à peine le temps de me retourner que je vis Ben pousser sa sœur dans l’eau. Océane me sourit et s’avança silencieusement dans le dos de notre fils pour en faire de même. C’est en rigolant qu’on s’éloigne pour aller rejoindre le bassin d’entraînement.


— Tu es sûr que c’est une bonne idée de les laisser sans surveillance ? M’interrogea Océane en entrant dans l’eau.

— Mais oui, ils sont grands, ils savent bien nager et je leur donne des responsabilités. Essayons de leur faire confiance une peu. S’ils sont capables de ne pas s’entre-tuer, ils devaient aussi être capables de prendre soin de leur futur petit frère ou petite sœur.

— J’ai confiance en eux, Elena. Individuellement, appuya-t-elle.

— Un maître-nageur nous appellera s’ils font vraiment n’importe quoi.

— Bon très bien. On ferait mieux de commencer à nager si on veut vite retourner auprès d’eux.

— Allons-y. Je vais y aller tranquillement alors si tu dois me dépasser, tu le fais.

— T’inquiètes pas pour ça.


Et c’est ainsi que je commençai à faire mes longueurs de crawl. Après avoir fait six cents mettre environ, je sortis du bassin, avertie Océane et partie retrouver mes jumeaux. Comme prévu ils jouaient dans le bassin à vague à essayaient de noyer l’autre. Je restai un moment, debout au bord à les regarder. J’étais heureuse de la famille que j’avais et j’en étais fière. Je m’étais battu pour l’obtenir et j’avais réussi.

C’est Océane qui me sortit de ma rêverie en passant ses bras autour de ma taille et en posant son menton sur mon épaule.


— Tout va bien ?

— Super, lui répondis-je en attrapant ses mains.

— Tu pensais à quoi ?

— Je me disais que j’étais fier de la vie que j’avais aujourd’hui. Avec toi et les jumeaux. J’ai toujours mis un point d’honneur à ce que Ben et Élise ne soient jamais malheureux, ne se sente jamais seul et en les regardant jouer, j’ai l’impression d’avoir réussi.

— Mais tu as réussi Elena. Ta femme est comblée et tes enfants sont heureux.

— Tu sais que je t’aime, toi ? enchaînais-je en me retournant pour l’embrasser.

— Beurk, critiquèrent les jumeaux.


Océane n’eut pas le temps de me répondre qu’on se fit arroser. Ben ne cessait de rire et Élise arrosait de plus belle son frère. J’adressai un regard à Océane et elle comprit ce que j’avais l’intention de faire. Je plongeai dans l’eau, attrapa mon fils par la taille et le jeta quelques mètres plus loin. Élise se moqua de son frère et je fis pareil avec elle. Ben en profita pour s’accrocher à mon cou, derrière moi. Océane se mis devant et attrapa mes mains. Avec l’aide d’Élise, ils me mirent tous les trois la tête sous l’eau. Quand je sortis la tête de l’eau, je vis Élise et Ben taper dans la main de leur mère.


— Alors, ça fait quoi de boire la tasse ? demanda Océane ironiquement.

— J’avoue, répondis-je, je me suis bien fait avoir.

— Votre attention, retenti une voix dans un haut-parleur, les vagues vont bientôt arriver. Merci de garder près de vous les enfants.

— Oh oui les vagues ! s’exclama Ben. Tu vas voir maman, c’est trop bien.


Je ne réagis cependant pas à sa déclaration. Je venais de remarquer un enfant proche du bassin, seul. S’il tombait, il pourrait se noyer. Autour de lui, il n’y avait aucun adulte et personne, pas même les maîtres-nageurs, ne l’avais vu.


— Elena ? M’interrogea Océane.

— Reste avec les enfants, ne les perd pas de vu.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Je me le demande aussi, répondis-je en désignant l’enfant isolé.


En une fraction de seconde, le petit était tombé à l’eau. Là où il était tombé, même les jumeaux n’avaient pas pied. Je nageais jusqu’à lui aussi vite que je pus, luttant contre les vagues et le rattrapé avant qu’il ne se noie.


— Accroche-toi à moi, je vais te sortir de là.


Je nous rapproche du bord et le soulève pour l’asseoir avant de me mettre à côté de lui. Une fois qu’il fut en sécurité, il toussa pour évacuer l’eau de ses poumons. Je voyais dans son regard à quel point il était terrifié.


— Tout va bien, ajoutais-je calmement en le serrant contre moi. Tu ne crains plus rien. Comme tu t’appelles ?

— Sam, répondit-il en pleurant.

— Quel âge as-tu Sam ?

— Deux ans.

— Où sont tes parents ?


Il se sera encore plus dans mes bras et des maîtres-nageurs accoururent vers nous. Il n’y avait plus aucun bruit dans la piscine. Tous les regards étaient braqués sur moi, y compris ceux de ma famille.


— Merci Votre Majesté, commença l’un des maîtres-nageurs. Nous n’avons pas eu le temps de le voir que vous l’aviez déjà sauvé.

— Vous auriez dû le voir avant même qu’il soit dans l’eau, Monsieur.

— Excusez-nous, ajouta-t-il honteux, en baissant la tête.

— Cherchez ses parents au lieu de vous excuser comme des idiots !


J’étais tellement énervé que cet enfant fût laissé seul au bord d’une piscine que je ne fis même pas attention à mes paroles blessantes. Je me relevais et portais Sam dans mes bras. Quand je croisais le regard d’Océane, elle secouait la tête négativement. Savait-elle à quel point j’étais en colère ?

Quelques minutes plus tard, une jeune femme brisa le silence en criant. Je me retournais et la vis marcher aussi vite que le sol mouillé lui permettait, en ma direction. Ma colère se calma aussitôt en remarquant son jeune âge. La jeune femme était aussi terrifiée que son fils. Elle en tremblait.


— Sam ! Oh, mon bébé, je suis désolé, s’exclama-t-elle en prenant le petit dans ses bras.

— Vous êtes sa mère ? lui demandais-je avec bienveillance.

— Oui, Votre Majesté.


Elle baissa la tête, son fils contre sa poitrine, tout en refrénant ses larmes.


— Quel âge avez-vous ? enchaînais-je en posant une main réconfortante sur la tête de Sam.

— Dix-sept ans, Votre Majesté.

— Allons discuter dans un endroit plus calme.


Je cherchais alors ma femme du regard pour la rassurer. La jeune maman avait besoin de mon aide et je ne comptais pas l’abandonner. Elle récupéra ses affaires, enveloppa Sam dans sa serviette et un maître-nageur nous ouvrit l’infirmerie, pour qu’on puisse discuter tranquillement.


— Avez-vous quelqu’un pour vous aider ? commençais-je.

— Non. Mon beau-père m’a mise à la porte quand il a su que j’étais enceinte.

— Vous aviez seize ans, c’est ça ? Et le père ?

— Oui. Il avait dix-neuf ans. On se connaissait depuis toujours. Il avait un travail stable et prévoyait d’acheter une maison pour nous. Pour notre famille.

— Il était prêt à s’engager ?

— Oui. Il voulait même que je termine autant que possible mes études. Quand mon beau-père m’a mis à la porte, il m’a accueilli dans son petit appartement. Mais peu avant la naissance, avant l’achat de la maison, il a eu un accident de voiture et…

— Et maintenant vous êtes seule. Je suis rassurée que le père ne vous ait pas lâchement abandonné. Mais je suis révoltée que votre beau-père, lui, l’ai fait. Vous n’avez pas d’autre famille ?

— Non. Il était le seul.

— Financièrement, vous vous en sortez ?

— Pour le moment, oui. J’ai eu droit aux économies du père. Mais c’est avec le petit que je n’arrive pas.


Je la laisser parler pendant prés d’une heure. Elle élevait un enfant depuis deux ans, sans aucune aide. Elle aimait son fils plus que tout, mais elle était débordée, exténuée et perdue. Dans ses bras, le petit Sam venait de s’endormir, sa tête posée contre sa poitrine.


— Si vous voulez avoir un peu de temps rien qu’à vous, je puis m’occuper de votre fils.

— Je ne peux pas vous demander ça. Vous êtes l’Impératrice, vous…

— Je suis avant tout une mère, Mademoiselle. Allez faire quelque longueur, la tête sous l’eau, je vais veillez sur lui. Vous avez besoin d’aide, acceptez la main que je vous tends.

— Merci, votre majesté.

— Appelez-moi Elena.


Retrouvant un début de sourire, elle accepta de me confier son fils avant d’aller nager un peu. De prendre du temps pour elle. Réajustant la serviette autour de Sam, je sortis de l’infirmerie à mon tour. Dans la piscine, Océane jouait avec Ben et Elise sans se soucier de notre place dans la société. Océane était la plus apte de nous deux à se fondre dans la masse, à oublier que nous avions de lourdes responsabilités. Contrairement à moi, elle avait vécu comme tous ses gens, parmi eux. Elle était celle qui les comprenait le mieux. Le regard de ma femme dévia sur moi. Elle sourit en voyant le petit garçon dans mes bras. Elle interpella les enfants avant de sortir me retrouver.


— Décidément, tu ne peux pas te passer d’avoir un enfant dans les bras, se moqua-t-elle.

— Non, souris-je. Sa mère avait besoin de souffler un peu.

— Te voir ainsi… ça me rappelle tous mes bons souvenirs avec les jumeaux. Ceux qu’on va à nouveau former avec notre futur bébé.

— Si on y arrive.

— On va y arriver. Il faut rester positive.

— Tu as raison, ce n’est que le début de l’aventure.

— Et si vraiment ça ne fonctionne pas, j’ai une autre solution, avoua-t-elle. Mais je t’en parlerais seulement en cas de nécessité.

— Tu as tout prévu, à ce que je vois.

— Je pense à tout, mon amour.


On termina la journée en beauté. Avec l’accord de ma femme, j’avais proposé à la jeune maman, Camilla, de venir au château. Emma et Bianca lui trouveraient un poste et elle pourrait bénéficier de l’aide de toutes les mères du château et surtout de la garderie qu’elles avaient conjointement créées. Avoir aidé cette jeune maman m’avait permis de me retrouver. De redonner un sens à ma vie. Aider, réparer les erreurs de ma mère avait toujours été un point d’honneur à ma vie. C’était ce qui m’avait permis d’accepter le trône, de ne pas le prendre par obligatoire, comme une fatalité.

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