scène 2

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Esteban et sa famille embarquent sur le bateau, un modèle récent de 12 mètres de long offrant deux cabines. Esteban monte le premier et se charge de prendre les bagages.

ESTEBAN. Maria, donne-moi tes sacs, je vais les déposer à l’intérieur, les enfants, tendez-moi vos bagages.

MARIA. On va réussir à tout mettre à l’intérieur ?

CARMEN. Il a l’air grand ce navire, ma fille.

JUAN. Tiens papa, fait attention, c’est fragile.

ESTEBAN. Tu n’as quand même pas mis ta tablette dedans ! Tu crois qu’il y a du wifi ici ? Ce n’est pas une croisière mon garçon ! Mateo, tes affaires !

MARIA. J’ai préparé des assiettes de sobrasadas pour le déjeuner. J’ai acheté la charcuterie chez le marchand où tu vas habituellement, maman, celui de la Plaza Agua Clara.

CARMEN. Sa viande est à tomber. Si je n’avais pas grand-père, je l’épouserais tout de suite. Pauvre papy, il est mort si vite, il aurait aimé être avec nous ce matin. Capitaine Esteban, pouvons-nous monter ? Doit-on présenter nos billets ? Ce n’est pas la première fois que je vais sur l’eau. Avec ton père, Maria, nous allions souvent faire des sorties avec des amis qui possédaient un voilier. Nous étions jeunes ! Aujourd’hui, il n’y a plus que des moteurs partout.

ESTEBAN. Allez ! Montez ! Non, pas toi Juan ! Tu montes en dernier, j’ai besoin de toi pour défaire les amarres. Mateo, viens avec moi dans le poste de pilotage, tu vas voir comment on pilote.

Les femmes restent à l’arrière, discutant et observant le port. Juan et sa sœur se précipitent dans une cabine.

JUAN. Tu vois, sur l’eau, ça marche j’ai encore du réseau.

ALMA. Tu es idiot, dans quelques minutes, nous serons trop loin pour capter quoique ce soit. Tu peux dire adieu à tes amis. À cette Alejandra avec qui tu passes les nuits au téléphone.

JUAN. Qu’est-ce que tu racontes, tu ne la connais pas. Et ce n’est pas ce que tu crois ! Moi au moins j’ai des amis ! Ça te plaît de partir comme ça ?

ALMA. Je m’en fiche, de toute façon ici ou là.

JUAN. Tu es toujours d’accord avec les parents de toute manière !

ALMA. Et toi, tu cherches toujours à les contredire !

JUAN. Le Maroc, ça ne m’intéresse pas. Nous voilà partis comme des voleurs.

ALMA. Qu’est-ce que tu racontes ? Je vais plutôt aider maman, elle doit avoir besoin d’un coup de main. Et sois plus discret, Mateo ne sait pas.

Elle quitte la couchette où elle s’était allongée négligemment et retourne auprès de sa grand-mère plongée dans l’admiration de l’horizon avec sa fille. Le bateau est maintenant bien loin du port.

CARMEN. Tu pourrais lâcher ton téléphone un peu et profiter aussi du paysage, tu n’es pas avec nous, Juan ! Tu m’entends ? Viens au moins regarder la côte, vue d’ici, elle est vraiment magnifique !

MARIA. Laisse-le, il n’est pas content de partir. Il ne sait pas ce qui l’attend.

JUAN. (Criant pour qu’on l’entende). Je n’ai pas faim. Et puis je ne vois pas l’intérêt de regarder des vagues.

MARIA. On mange ensemble et pas chacun de son côté. Tu pourrais faire un effort !

CARMEN. Il ne sait pas apprécier la beauté, rivé à son écran ! Regarde Alma, derrière toi, c’est la pointe de Gibraltar. Avec ton grand-père, autrefois, nous avons habité dans une de ces maisons à gauche. Une folie ! Pépé avait une bonne situation, il travaillait chez Seafood. Je n’aime pas les Anglais ! Ils ne savent pas vivre comme nous.

MARIA. Matéo, vient chercher un bocadillo pour papa. Maman, tu nous as raconté mille fois cette histoire. À la fin c’est toujours la même rengaine. Pépé s’est fait virer comme un malpropre. C’est pour cela que tu n’aimes pas les Anglais ! Mateo, viens ici, s’il te plaît !

CARMEN. Tes enfants ont le droit de savoir ! C’est leur histoire. Je suis certaine que ta petite Alma, elle rêve d’aller travailler en face et de gagner beaucoup d’argent. L’envers du décor, ce n’est pas ce qu’elle s’imagine.

ALMA. Tu te trompes, mémé, ça ne me fait pas rêver.

Mateo a laissé son père et arrive enfin à l’arrière du bateau.

CARMEN. Tiens mon petit, va donner ça au capitaine. Est-il un bon pilote, au moins ?

MATEO. Super, il y a un écran, on nous voit dedans, la côte et aussi d’autres bateaux ! C’est comme dans un jeu vidéo. Tu crois que je pourrai conduire ?

CARMEN. Il faut un permis, tu sais. Et puis tu es trop petit. Tu as le droit de conduire ton poney, c’est déjà bien.

MARIA. Quelle idée d’emporter avec nous ce poney, il nous encombre l’espace !

CARMEN. Pépé n’était pas doué de ses mains, ce n’était pas un homme manuel mais là, il faut reconnaître que c’est une réussite ce poney. Tout en bois ! C’est moi qui l’ai aidé pour la queue et la crinière.

MARIA. Pour le moment, il ne sert à rien !

CARMEN. Tout le monde a joué avec ! Je te revois encore devant moi gamine, l’enfourchant sans cesse ! Tes enfants sont tous montés dessus. C’est Juan qui a abîmé les yeux. J’avais cherché longtemps avant de trouver les bonnes perles.

MARIA. Et tu as raison, ce n’était pas son truc le travail du bois.

CARMEN. Ce n’était pas un menuisier, il n’avait jamais rien fait d’artistique et ne l’a jamais plus refait ensuite mais il a eu du plaisir à fabriquer ce jouet. Tu fais très bien la cuisine et je suis certaine que tu le fais avec joie, tu y trouves là une occupation réjouissante. Tu ne seras jamais l’égale des plus grands, et alors ? C’est le plaisir qui compte, non ?

MATEO. C’est le mien maintenant !

MARIA. Tu ne joues plus avec, tu es trop grand, je ne comprends pas pourquoi tu as fait un cinéma pour l’emmener. Toi et ta grand-mère, vous nous avez fait une fine équipe de têtus ! Va donner cette assiette à ton père, il doit mourir de faim.

CARMEN. Ce poney, quand on y repense, c’est ce qui l’a sauvé. Il était sans emploi après l’épisode Gibraltar, il ne savait plus quoi faire pour s’occuper. Je crois que j’allais devenir folle à le regarder assis à ne rien faire ! Oui, ce poney l’a sauvé.

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