Drop et Love (7)
Il passe le pendentif à son cou avec un sourire, avant de se tourner vers moi comme pour obtenir mon approbation.
— Alors ?
Je glousse comme la collégienne que j'étais encore il y a peu.
— Ça te va parfaitement bien.
Il rigole.
— C'est que tu as bien choisi alors.
Je sens mes joues chauffer encore plus et je ne peux que bafouiller un semblant de réponse incompréhensible, ce qui a le don de le faire rire davantage. Il sent ma gêne et, prévenant, change de sujet.
— Alors, un anniversaire ?
— Oui, j'enchaîne, reconnaissante. Mon amie Rose fête ses 20 ans aujourd'hui.
— Attends.
Il ouvre de grands yeux et se couvre la bouche avant d'éclater de rire.
- Rose ? Grande rousse en couple avec Alex ?
— Bah oui, tu la connais ?
— M'enfin bien sûr !
— No way.
— Si je te le dis. Dinguerie.
— 'Tends... Donc son cousin basketteur...
— C'est mon meilleur pote ! Gaël.
— Le monde est petit, la vache.
— Wahhh.
Il fait quelques pas joyeux sur le trottoir.
- C'est incroyable qu'on ait les mêmes potes.
— Après, on a le même âge, on étudie au même endroit, ce n'est pas si étrange que ça.
— Tu as raison. Mais ! Ce qui est cool, c'est que je peux t'accompagner ce soir ! Enfin, si tu es d'accord.
— Bien sûr, avec plaisir.
Mon regard dérive vers une plate-bande.
- Hé ! Des violettes !
Il rigole, encore. Décidément, je dois être un clown pour lui.
— Tu es chou. TDAH, non ?
Ah non, pas clown chou. Je réagis comment déjà ? Ah oui.
- Comment t'as deviné ? Je savais pas que c'était aussi évident. (Ça l'est.)
— Tu ne tiens pas en place, s'amuse-t-il.
— C'est pas le seul signe de TDAH, feigné-je de me renfrogner.
— Si on met de côté ta difficulté à rester concentrée sur un sujet, ce que j'ai remarqué lors de nos conversations, on peut ajouter tes changements d'humeur rapides et fréquents, ton stress et ton impulsivité. C'est ce que j'ai remarqué pour l'instant. J'espère que tu ne m'en veux pas, j'essaie juste de mieux te comprendre.
Je marque une pause, intriguée.
- Tu t'es renseigné ?
— C'est de plus en plus courant, et mon petit frère est autiste, alors je m'intéresse au spectre en général, sourit-il.
— Il s'appelle comment ?
— Qui ?
— Ton frère.
— Mon esprit ne va pas aussi vite que le tien, rit-il, puis il ajoute : il s'appelle Gabriel.
— Oh. Vos parents aiment les archanges ?
Il s'esclaffe sous mon regard étonné.
- Tu passes d'une chose à l'autre tellement vite, puis tu t'étonnes que je remarque ton TDAH.
Je tripote nerveusement mes doigts.
— Anxieuse aussi, non ?
Il tend la main pour desserrer mes doigts qui s'étaient enroulés autour de mon poignet dans un geste que je trouvais rassurant.
— Tu es en sécurité, tu sais. Je ne juge rien. Je remarque, et j'apprécie la complexité de ta personnalité.
— C'est un peu basique comme disquette ça, "la complexité de ta personnalité", boudè-je.
— Je suis sérieux, miss étincelle.
— Pfff...
— Hé. Regarde-moi.
Je lève des yeux hésitants vers les siens. Il maintient un contact visuel imperturbable. Je ne vois rien que de l'honnêteté et de l'assurance dans ce regard franc et jeune.
— Oui, je ne te connais pas depuis longtemps. Oui, je ne sais pas qui tu es au fond. Oui, je ne sais pas ce que tu as vécu, ce qui t'a marquée et les personnes qui t'ont blessée. Mais non, je n'ai pas l'intention de partir si je découvre que tu es un peu cassée. Ou beaucoup. Pas non plus si je découvre que tu es encore plus compliquée. Je ne cherche pas la simplicité. Je ne cherche pas un robot. Je veux juste te connaître toi, c'est tout. Toi. Pas celle que les autres veulent que tu sois.
Les larmes me montent aux yeux et je renifle misérablement en essayant de retenir le flot d'émotions qui m'envahit.
— Idiot... Tu vas me faire pleurer...
Il ouvre les bras avec un sourire.
— Tu peux pleurer...
— Mon maquillage, idiot !
La réaction imprévisible nous fait éclater de rire tandis que j'enfouis la tête dans son épaule. Son odeur doucement rassurante me calme et je respire doucement.
— Ça va mieux ?
Je recule en m'essuyant les yeux avec un rire mêlé de larmes encore fraîches.
- Je ne dois ressembler à rien.
— Crois-en mon expertise, tu es absolument magnifique.
— Tais-toi...
— Non. J'ai le droit de penser que tu es belle. Tu penses ce que tu veux, mais je pense sincèrement que tu es une des plus belles personnes que j'ai rencontrées. Et ce qui est absolument génial, c'est que tu as tout : de l'humour, de l'intelligence, de la culture, des émotions, de la remise en question, bref, tout quoi. Parfaite.
— Hey, arrête.
— Nope.
— Raphaël.
— Oui ?
— Non, rien.
Je baisse la tête devant la sincérité de ses yeux noisette. Si seulement il était en train de se moquer. Je ne sais pas comment réagir, c'est gênant.
— Tu sais, tu devrais répondre "je sais" quand on te fait des compliments mérités.
— Sérieux ?
— Oui ! s'amuse-t-il. Ce serait marrant de voir les réactions des gens, tu en dis quoi ?
— Pff...
Je ris et je sais qu'il a atteint son but : me mettre à l'aise.
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