A tes pieds

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Je me suis assise dans l'herbe jaunie par le soleil, qui craque quand j'en froisse les brins sous mes doigts. Il fait chaud, mais le grand saule qui se dresse à l'extérieur du mur prodigue un peu de fraîcheur.

Je me suis assise là, par terre, à tes pieds. À tes pieds, oui. J'ai les jambes qui vacillent trop pour rester debout, et les lèvres qui tremblent.

Tu avais promis, dis ? J'en fais quoi de tous ces projets, de toutes ces images dans ma tête qui se déchirent une à une ?

Tu avais promis qu'on la passerait ensemble, cette vie. Tous les deux, main dans la main, jusqu'au bout.

Maintenant je ne suis plus qu'une loque en larmes, effondrée à genoux sur ta tombe.

Il paraît que j'ai maigri, que les cernes me mangent le visage et qu'on voit mes veines violettes au travers de ma peau translucide.

Je n'en sais rien. C'est ton visage que je vois quand je me regarde dans le miroir, ton insupportable sourire courageux quelques secondes avant de m'abandonner !

Pourquoi tu ne m'as pas emportée avec toi ? Tout est fade. Je te vois partout. Je me retourne sur des étrangers, j'en fixe certains pendant des heures, retrouvant la couleur de tes yeux et celle de tes cheveux.

Mais ce n'est jamais toi. Ce n'est qu'un pâle mirage de la réalité.

J'ai la mèche de tes cheveux dans un collier et ton alliance autour du cou. Dis, ça s'appelle comment, la douleur qui me ronge le cœur et les entrailles ?

J'ai un fossoyeur qui s'est invité dans mon âme avec le deuil, et qui creuse, coup de pelle après coup de pelle, la tombe où je refuse de t'enterrer.

Je m'accroche à ton fantôme comme un naufragé s'accroche à sa bouée. Désespérément, paniquée à l'idée de sombrer dans l'abîme.

Je rêve de toi souvent, et de tes bras qui me tenaient si fort, de tes lèvres si rouges, de tes mains si douces. Et je me réveille en sueur, le vide entre les mains.

Je t'en veux, tu sais. Tu n'avais pas le droit. Non. Tu ne pouvais pas me priver de tous nos vœux. Et cet enfant qu'on voulait, dis ? Ce petit nous ?

J'ai signé les documents... On a fermé tes dossiers. J'ai fouillé tes affaires et j'ai retrouvé toutes ces lettres que je t'avais envoyées...

J'ai mêlé la mèche de cheveux que tu gardais dans ton portefeuille à ta boucle brune. On est un peu ensemble comme ça.

J'écoute tous les soirs l'enregistrement de tes vœux de mariage, imprégnés de ton sourire qui fane, seconde après seconde, dans ma mémoire.

J'ai déjà du mal à me souvenir de ton parfum et de ton visage en fermant les yeux, sans sentir ta veste bleue — tu sais, celle que je t'avais offerte — sans regarder des photos.

Ta mère ne veut plus me voir. Elle me dit qu'elle est occupée, qu'elle n'a pas le temps de passer, mais je pense que notre maison lui rappelle trop que tu n'es plus là.

Mes parents sont venus m'aider à ranger... Ils sont vite repartis... Je leur avais demandé. Je voulais être seule avec toi. Avec les souvenirs de toi.

J'ai croisé cette maman et sa fille au cimetière, venues voir leur mari et papa, et j'ai pleuré... Ça aurait pu être moi... Mais mon ventre ne s'arrondit pas.

J'ai supplié le Ciel de m'envoyer cet enfant que j'aurais élevé avec ton amour mêlé au mien... Mais... Non.

Je suis seule. J'ai perdu mon époux, mon meilleur ami, mon partenaire, mon confident, le futur père de mes enfants...

J'ai perdu la vie que nous avions construite, j'ai perdu l'envie d'avancer...

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