Mel au pays de Jack le Gladiateur

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L’histoire que je m’apprête à ici vous conter est celle de trois personnages qui forment un groupe soudé. D’abord, il y a Mel, une jeune fille au caractère bien trempé que seul le pouvoir magique lui permettant de tant créer que manipuler de l’électricité distingue des autres jeunes filles de son temps — avec, aussi, le fait qu’elle a refusé presque consciemment de mener une vie de jeune fille de son temps en s’engageant dans l’armée de son cher pays. Ensuite vient Cédric, son frère jumeau, qui lui ressemble trait pour trait, si seulement on omet le fait que son caractère soit parfaitement opposé au sien, telles deux pierres se complétant parfaitement l’une l’autre, et celui qu’il ne possède aucun pouvoir particulier, si ce n’est celui d’être plus intelligent que sa sœur. Nate est le troisième protagoniste, meilleur que Cédric en termes de force physique et que Mel en termes d’esprit critique.

Tous trois au service du roi de leur pays, ils se rendent sur une île au climat bien plus chaud que celui de leur terre patrie, afin d’y trouver le gladiateur le plus populaire de la ville : Jack, surnommé Jack le Puissant, Jack le Bon, Jack le Grand, Jack le Bienveillant, Jack le Beau, Jack le Dieu, Jack la Menace, ou encore, dans un élan de génie et d’originalité, Jack le Gladiateur. Il semble que le roi projette de lui offrir un nouvel emploi, c’est du moins ce que pense avoir compris Mel, même si elle n’adhère pas à cette idée : elle est bien assez performante et n’a pas besoin de l’aide d’inconnus. Les seuls éléments qui pourraient leur permettre d’identifier formellement leur cible sont la bague qu’il porte parfois, un bijou très particulier que l’on dit unique au monde ; et accessoirement le fait qu’il est connu de tous sur l’intégralité de l’île.


Les trois héros de cette histoire sont ainsi parvenus à gagner l’île en question, au prix de quelques dures journées de tâches relativement ingrates qui leur permirent de récolter le juste nombre de pièces d’or requis pour la traversée de l’étendue d’eau qui fait de ce pays une île. C’était en effet un détail que le roi avait, sans doute inconsciemment, omis de prendre en compte dans le calcul de ce que coûterait la mission. Ils ont ensuite gagné la ville sur les conseils des habitants de la côte, mais eurent tout de même le sentiment d’avoir marché plus que nécessaire.

C’est en sa grande qualité de meneuse de ce groupe que Mel exposa les détails du plan qui avait été élaboré par les soins des plus grands stratèges de ce monde : elle allait s’infiltrer dans la très fameuse arène de gladiateurs de l’île afin d’y battre tous les prétendants lors de nombreux duels enflammés — une route des plus ardues qu’elle suivrait avec le plus grand des courages et la plus extraordinaire des adresses, qualités qui sont bien évidemment siennes, trônant aux côtés de sa modestie légendaire. Remarque après laquelle Mel expliqua, rapidement avant que son auditoire ne lui fasse faux bond, que ce parcours la mènera au dernier combat, non moins périlleux, qui l’opposera au Grand Champion qui est leur cible. C’est ici qu’elle pourra, en distinguant la bague qui lui est si propre, s’assurer qu’il s’agit bien là de l’objectif de leur mission. Cédric, dans l’intégralité de son génie, fit remarquer que ce plan-ci était légèrement suicidaire, tant du moins que ridiculement compliqué, et que, de plus, il ne leur permettrait pas d’engager le dialogue avec Jack le Puissant, Jack le Bon, Jack le Grand, Jack le Bienveillant, Jack le Beau, Jack le Dieu, Jack la Menace, ou Jack le Gladiateur. Trop tard, cependant : Mel lui avait déjà fait faux bond.

Le premier des gardes qui croisa leur route devint leur informateur et leur exposa l’intégralité des plans de l’arène ainsi que les règles à y suivre voire même, à voix basse, certaines informations concernant les pièges dans lesquels il ne fallait surtout pas tomber durant les combats. Lorsque Nate s’interrogea quant à la gratuité de son service, pourtant sans doute contraire aux règles de son gouvernement, le garde expliqua que la vision de la belle Mel seulement vêtue des réputées très légères tenues des gladiateurs de l’arène constituerait un paiement bien largement suffisant.

C’est grâce à ces conseils que Mel parvint à pénétrer dans l’arène et à obtenir le droit d’en affronter les plus vaillants gladiateurs. Elle se sentait tout à fait reconnaissante envers ce bon garde qui l’avait aidée à accomplir cette mission d’importance capitale, et constata en effet qu’il ne serait pas déçu par le paiement qu’il obtiendrait en échange de ses informations. Aussitôt commença le premier combat, et ceux qui avaient payé cher afin d’obtenir un siège dans les gradins de l’arène n’en eurent pas pour leur argent, et repartirent aussitôt après la subite défaite de Mel. C’est alors qu’elle se trouvait allongée sur le lit de l’infirmerie, couverte de bandages, que Jack le Beau, qui passait par là sans raison autre que celle de la belle infirmière qui s’occupait de Mel, lui souffla, non sans ironie, qu’elle ne s’était pas si mal débrouillée que cela.

Mel eut à reconnaitre son échec, bien que cela fasse le plus grand mal à son égo autant qu’à sa crédibilité auprès de tous les habitants de l’île et de ses compagnons d’armes. Une fois remise de toutes les émotions liées à son unique et bref duel, elle décida de mettre en œuvre le second plan, en espérant qu’il se révélerait plus efficace que le premier, car elle n’en avait pas de troisième. C’est ainsi que, une fois la nuit tombée et tous les habitants de l’arène enfermés dans leur chambre, peu importe ce qu’ils y faisaient, Mel se faufila dans les couloirs sombres et sinueux du dortoir avec la grâce d’une guêpe et la discrétion d’un moustique. Elle déboula au-devant de la chambre de Jack le Puissant et entreprit de s’en prendre au garde qui barrait la route de sa mission. Sans doute trouva-t-il la situation des plus amusantes lorsque cette pseudo-gladiatrice battue d’un revers de la main par le plus faible des gladiateurs de l’arène s’en prit à lui, tant qu’il roula sur le sol en riant ; Mel n’eut plus qu’à le pousser d’un revers du pied afin de le faire rouler jusqu’au fond du couloir où il chuta tout en bas des escaliers.

La voie de sa mission fut ainsi libérée, délivrée. Mel pénétra aussi silencieusement qu’elle put, donc aussi silencieusement que le service d’étage, dans la chambre de Jack le Dieu. Elle l’y trouva alité au côté d’une jeune et jolie fille tout aussi dévêtue que lui. Comme le service d’étage ne semblait pas apte à les réveiller, Mel se mit à la recherche de ce qu’elle cherchait, sans vraiment savoir ni où le trouver, ni de quoi il s’agissait. C’est cependant cette activité précisément vaine qui parvint aux oreilles de la maitresse de Jack la Menace, qui le réveilla à son tour avec un air tout à fait angoissé. Heureusement, Mel avait eu le temps de se faufiler dans le placard, si bien que Jack le Bon assura que rien ne se trouvait dans sa chambre. Tout de même, fidèle à son devoir d’amant, il embrassa la jeune fille qui s’était inquiétée afin de la rassurer autant qu’il le pouvait, c’est-à-dire que le baiser ne fut pas ce qu’il lui fit de mieux. Mel n’était pas véritablement désireuse d’assister à ce genre de spectacle, aussi amusant puisse-t-il être, et bondit hors du placard, non sans s’y fracasser le crâne, et menaça le couple — et puisqu’elle avait omis d’emporter quelconque arme, elle les menaça de ses seules mains. Étonné, Jack le Bienveillant lui expliqua que, si elle désirait recevoir un autographe de sa part, elle n’avait qu’à le demander. Comme elle refusa, il lui expliqua qu’il en allait de même pour une soirée, et qu’il restait une place dans le lit. Mel refusa encore et dit à la maitresse de les laisser, ce qu’elle s’empressa de faire, bien heureuse de laisser là cette folle dame. Jack le Grand se leva à son tour afin de comprendre ce que désirait Mel, et elle lui dit de se couvrir. Il ne comprit pas car il faisait nuit et, après tout, ils étaient couverts d’un toit mais, comme elle le menaçait de ses seules mains, il mit un chapeau.

Mel lui exposa alors la raison de sa venue, et Jack remarqua qu’il possédait précisément le bijou que Mel recherchait. Il était riche et lui offrit en guise de rançon pour son intimité, mais cette vile délinquante ne s’en satisfit pas : elle le voulait, lui, en chair et en vêtements. Il la suivit alors, peu désireux de la contrarier, et laissa sa maitresse à son désarroi et sa pudicité. Après tout, le roi voulait causer, comme le disait Mel, et nul ne voulait contrarier le roi, quand bien même il n’était pas le sien.

Ils firent route jusqu’à l’hôtel qui avait été réservé pour le bien de cette mission de haute importance et dans lequel attendaient patiemment Cédric et Nate, ces deux protagonistes pourtant considérablement captivants qui n’eurent pas le moindre rôle dans l’étendue de cette folle histoire. Le fait que la nuit se soit abattue sur eux depuis à présent bien des heures ne retint pas Mel dans son entreprise de les tirer de leur torpeur si confortable. Ils prirent la route mais, comme l’avait pourtant si intelligemment signalé Cédric, le port était effectivement fermé à cette heure tardive de la nuit, ou plutôt fort matinale du jour suivant. Ils regagnèrent, penauds, l’auberge, au plus grand déplaisir de tous ses occupants, et s’y installèrent une nouvelle fois afin d’y prendre quelque temps de repos. Ce fut, cette fois enfin, que Mel agit, non sans apathie, pour le plus grand plaisir de ses amis, collègues et victimes, et qu’elle ôta tous ses vêtements afin de se reposer dans le lit qui lui était réservé. Jack le Gladiateur, après une très minutieuse analyse de la situation, constata que le grand lit de Mel était le seul dans lequel l’espace suffisait encore à l’accueillir, et il s’y plaça donc, étreignant celle qui l’avait ôté à ses plaisirs ; celle-là même dont le poing le frappa si vite et si fort qu’il roula sur le sol jusqu’à dévaler l’escalier de l’auberge.


Cette histoire, il est vrai, manque sans doute d’un petit quelque chose qui la rendrait intéressante, l’état d’esprit dans lequel elle fut produite manquant cruellement de quoi lui offrir cette caractéristique. Mais, au fond, si les événements furent tels, rien ne sert d’en modifier la tournure, pas même un vain désir d’originalité.

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