Juliette et Emile

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Quelle drôle de renconte.... Eté 1959, par un bel après-midi chaud et ensoleillé, Juliette, jeune secrétaire parisienne de trente-et-un an aux yeux clairs, avait fait la rencontre d’Emile à Saint-Tropez. Ca s’était fait tout seul, une légère bousculade au bord de l’eau. Juliette avait 29 ans, Emile 44. Après plusieurs excuses un brin maladroites, sans savoir pourquoi, chacun avait voulu en savoir plus l'un sur l'autre - les deux étaient originaires de Paris sans le savoir - et leur conversation avait continué encore et encore pour se concrétiser par un mariage l’année suivante.

Les choses en seraient restées là si Emile n’avait pas trop exprimé son désir d’avoir des enfants. Juliette aurait voulu que son mari prenne soin d’elle tel un père de substitution, chose que n’avait pas fait son propre géniteur, un homme égocentrique en mal de garçons. Leur enfant naquit trois ans plus tard et pour sa plus grande déception, ce fut une fille du nom de Louise. Juliette qui avait dû arrêter son travail pour s’occuper d’elle, ne réussit pas à l’aimer correctement…

Emile, flic du côté de Montmartre et ancien prisonnier de guerre de la Prusse Orientale, aujourd'hui l'actuelle Pologne, avait longtemps rêvé de fonder une famille et de se faire muter en Province. Juliette, elle, travaillait à La Madeleine en plein cœur de Paris et avait logé chez sa mère jusqu'à sa rencontre avec Emile. Les mariés opposés, en dignes représentants de la génération silencieuse, s’étaient aimés au départ, sans se douter qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Leurs univers étaient trop différents ainsi que leurs désirs et leurs aspirations. Juliette était casanière et Emile trop sociable.

Emile, de son côté, aimait tendrement sa fille et s’efforça de lui enseigner des choses que sa femme serait incapable de faire. Il ressentit la forte envie de demander une mutation dans le Sud-est et il parvint à obtenir le Gard. Paris l’étouffait de plus en plus tandis que Juliette adorait faire les boutiques. Cette dernière accepta à contrecœur la mutation d’Emile et le suivit avec Louise. Les années passèrent et leur fille atteignit la majorité. Il était temps pour elle d’avoir sa propre vie et son espace. Emile avait redouté ce moment alors que Juliette attendait que les choses passent. Entre ce père trop aimant et protecteur et cette mère dont le mot principal était « non », Louise ne sut jamais quoi penser sur la relation qui unissait ses parents. S’aimaient-ils vraiment ? Longtemps elle se posa la question…

Lorsque Louise se maria avec un militaire et partit vivre dans le Vaucluse, Emile se consacra à la pêche, laissant Juliette seule à la maison avec leur chien. Celle-ci s’occupait de ses rendez-vous chez le coiffeur et de ses achats de pots de fleur. Un beau jour, Emile partit à la pêche pour la journée. La veille, il s’était disputé avec Juliette après que cette dernière lui eut avoué qu’elle avait refusé d’accompagner Louise pour son rattrapage de trois points au bac, trois ans auparavant. Sa fille ne l’avait jamais avoué et ce fut Juliette, qui piquée au vif, cracha le morceau. Emile en fut vert de rage et comprit enfin la vraie nature de Juliette, la belle en cuisse bousculée sur une plage de sable fin à Saint-Tropez. La dispute s’était finie aussi brutalement qu’elle avait commencé. Lorsqu’elle vit Emile partir pour la pêche le lendemain, Juliette continua ses occupations et prit soin de ses chères petites fleurs. Elle pensa également à sa permanente à faire refaire…Lorsque l’horloge sonna dix-huit heures, Emile n’était toujours pas rentré. Vingt-et-une heures arrivèrent puis vingt-deux heures. Juliette alla sonner chez la voisine Paulette pour lui expliquer qu’elle était inquiète à cause de son mari. Paulette ne perdit pas de temps et appela son fils qui était gendarme pour signaler une disparition. Le lendemain, Juliette alla au commissariat le plus proche et expliqua la disparition de son mari. La police et les gendarmes orientèrent sans plus tarder leurs recherches vers l’endroit préféré d’Emile, les bords de la Cèze. Or, à ce jour, aucune nouvelle. Rien. Pas même ses affaires. Peut-être était-il parti. Les recherches piétinèrent…Quant à la sexagénaire, elle raconta sa dispute avec Emile à sa fille mais ne sut rien dire de plus. Une profonde fatigue l’envahit progressivement mais elle retrouva quelque chose qu’il n’y avait plus chez elle depuis longtemps : le silence. Semaines après semaines, Juliette cessa d’attendre et elle rejoignait souvent ses fleurs.

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