La mer de Dirac

de Image de profil de OjooOjoo

Une respiration glacée. Coupée brutalement, tranchée net. L’eau s’infiltrait. Le diaphragme d’Evan se tordit sous le choc. Le spasme le força à régurgiter l’air qui restait dans ses poumons.

La panique le prit, il porta ses mains à sa gorge, pour la forcer à s’ouvrir, la surface — la surface, hurla-t-il sans savoir comment.

C’était vain. Il continuait sa descente infernale, ses jambes s’agitaient sans bruit, le monde glissait autour de lui.

Au cœur de la panique, une mélodie. Grave, sourde comme l’écho d’un hangar vide. Les prémisses de l’ivresse des profondeurs. Evan s’agita, plus vite encore — tout mais pas ça — ses yeux balayaient frénétiquement, il attendait malgré lui, ce qu’il connaissait déjà.

Une caresse sur sa conscience, une intrusion au cœur de son être, une douce mélodie, l’euphorie. Des fourmillement remontèrent de son estomac, ses barrières sautèrent, une à une. Ses esprits se liquéfièrent dans une relaxation parfaite.

Un premier rire le prit, puis un second, long, trop long. Secoué de sanglots hilares, de spasmes incontrôlables, il s’abandonna à l’ire des profondeurs.

Ses poumons se soulevèrent une nouvelle fois. Un air vicié, chargé de transpiration s’engouffra dans sa gorge. Le contraste brutal de la réalité lui fit relever la tête. Evan balaya la pièce avec le regard d’une bête traquée. Il la laissa retomber lourdement sur le banc. Son front était trempé de transpiration. Les regards craintifs autour de lui le mirent mal à l’aise. Son coach, Mr. Duglacier, revenait avec une serviette et un seau d’eau, il poussa un grognement de soulagement en le voyant debout.

— Ne te relève surtout pas ! assena-t-il en voyant Evan bouger. Tu te souviens de ton nom ? Ton âge ?

Il détourna la tête, la pièce s’étala dans une tâche floue. Il eut du mal à articuler, ses poumons humides l’élançaient à chaque respiration.

— Evan HOSTER, 16 ans, je peux me lever maintenant ? grogna-t-il d’une voix hachée par la douleur.

— Certainement pas, tu te souviens de ce qu’il s’est passé ? continua son entraîneur en déposant la serviette humide et froide sur le front d’Evan.

Ce dernier eut un frisson, ces souvenirs étaient chamboulés. Quelques images floues firent leur apparition.

— Un levé de crosse interdit, dit-il la colère prenant le pas sur sa faiblesse, à l’évocation de celui qui l’avait mis ici.

Mr. Duglacier hocha la tête, l’air rassuré.

— C’est bien, reste ici pour l’instant, j’ai appelé ta mère, elle va venir te chercher.

Evan roula des yeux, elle allait faire un scandale de cette affaire, il allait encore devoir batailler bec et ongles pour pouvoir retourner au hockey.

En à peine quelques minutes, celle-ci déboula dans le vestiaire. Son visage blême contenait une colère sourde. Ce stupide sport qui abîmait son fils, chaque fois un peu plus, l’exaspérait, elle aussi, toujours un peu plus.

Elle pâlit davantage à la vue de Evan. Il gisait sur le banc, la respiration lente, un sourire maladroit arqua ses lèvres. Emma reprit contenance, et s’approcha en dispersant les curieux.

Mr. Duglacier les rejoignit, sa voix plus aigüe, conscient qu’il marchait sur des oeufs.

— Madame Hoster, vous pouvez être sûr que le fautif sera suspendu du championnat pour l’année.

Le regard sec d’Emma fit taire l’entraîneur. Il ravala sa phrase avec la grimace d’un mauvais café.

— Je me fiche de savoir qui a fait ça, ou comment. Ce sport est dangereux et barbare, conclua-t-elle en reportant son attention sur Evan. Combien de commotion encore, avant que tu ne te décides à comprendre ? murmura-t-elle pour elle-même.

Son fils ne l’entendit pas, et n’en avait pas besoins. Il devinait parfaitement sa pensée. Les yeux d’Emma parlait pour son silence ; trop lourd pour être vrai. Evan trouva préférable de ne pas relever. Pas que ça soit habituel, mais la douleur vrillaient encore ses tempes et il n’avait pas le cœur à s’emporter.

La discussion animée entre l’entraîneur et sa mère lui donna le temps de se redresser. Toujours assis sur le banc, il prit appui sur les vestiaires pour se lever. Sa mâchoire craquait comme s’il avait avalé du sable. Il étira son cou et bougea ses épaules, tout semblait en place. Une goutte d’eau, bloquée dans son oreille jusqu’à alors, s’écoula doucement. Le monde lui parvint plus clairement. Les sons, ses idées et ses sens revinrent se loger à leur place.

Sa mère se retourna le visage fermé. Elle ne put s’empêcher d’être surprise de voir son fils debout, prêt à partir.

— Puisque tu sembles en forme, direction l’hôpital. On verra ce que le docteur aura à dire à ton sujet, dit-elle d’une voix qu’elle voulut ferme, mais qui trahissait son émotion.

— Arrête Man’, je vais bien. J’étais juste un peu sonné c’est bon, Adrien regardera à la maison si ça peut te rassurer.

Il se dirigea vers la sortie, d’un pas ferme, suivit par sa mère qui continua de se répandre en inquiétudes.

Tous droits réservés
1 chapitre de 4 minutes
Commencer la lecture

Table des matières

Commentaires & Discussions

Chapitre 1Chapitre0 message

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0